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Haïti normalise la corruption, le Kenya tente de l’expédier en six mois

today2025-03-01

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minute de la rédaction

Quand la justice vacille entre compromission et réinvention : Haïti face au miroir kényan

Alors que le Kenya, pays d’Afrique de l’Est, envoie plusieurs centaines de ses forces de sécurité en mission internationale pour tenter de juguler l’insécurité « programmée » en Haïti, il est permis de se demander quelle est la physionomie actuelle de la justice dans ces deux Etats, confrontés à des défis de gestion comparables mais à des trajectoires judiciaires diamétralement opposées. Ce tête-à-tête inattendu entre Haïti et le Kenya éclaire deux approches radicalement différentes de la justice dans des contextes de crise institutionnelle.

D’une part, Haïti s’enfonce dans la normalisation de l’impunité, où la justice, loin d’incarner un contre-pouvoir, se révèle être le prolongement docile d’un système politique gangrené. Le dernier classement de Transparency International, qui place Haïti parmi les pays les plus corrompus de la région, n’a pas provoqué l’électrochoc attendu. Il a au contraire consolidé un système où la justice s’exerce à ciel ouvert comme un outil de protection des élites, des dirigeants en mal de confiance et de blanchiment des malversations les plus flagrantes. La Cour dAppel de Port-au-Prince, qui se veut l‘un des ultimes garde-fous contre l’arbitraire, sexpose par des décisions qui dénaturent la fonction juridictionnelle. L’effacement des noms de conseillers impliqués dans le braquage d’une institution bancaire publique n’est pas un dysfonctionnement isolé, mais une dérive structurelle où la justice sert les intérêts d’une constitution oligarchique.

De l’autre côté de l’océan, le Kenya, pourtant lui-même traversé par des affaires de corruption à répétition, tente d’imposer une dynamique de rupture. Porté par une volonté affichée de réhabilitation institutionnelle, le gouvernement kényan a mis en place un cadre ambitieux : toutes les affaires de corruption impliquant des agents publics doivent être jugées dans un délai maximal de six mois. Cette accélération procédurale, associée à la révision de la loi anticorruption en 2025, traduit une volonté de rétablir une forme minimale de confiance publique dans l’appareil judiciaire. Si les résultats sont encore fragiles, la justice kényane s’inscrit au moins dans une logique de reconquête institutionnelle, là où Haïti a choisi la voie de l’abandon et de la soumission.

Cette comparaison frontale révèle deux conceptions de la justice. Au Kenya, malgré les résistances internes, l’appareil judiciaire reste un champ de bataille où s’affrontent partisans de la réforme et défenseurs des privilèges acquis. En Haïti, la justice a depuis longtemps cessé d’être un espace de lutte : elle est devenue un simple instrument de consolidation du pouvoir au profit d’une minorité, condamnant toute tentative de redressement à l’échec.

Mais peut-on réellement espérer une reconstruction démocratique sans une justice forte, crédible et indépendante ? En Haïti, parler de développement ou d’élections libres dans un contexte de corruption institutionnalisée relève de la chimère. Tant que la justice restera otage des intérêts partisans et criminels, elle ne pourra ni dire le droit, ni incarner ce pouvoir d’équilibre indispensable à toute société démocratique. Alors que le Kenya envoie ses forces à des milliers de kilomètres pour tenter de stabiliser Haïti, il serait peut-être temps, pour les dirigeants haïtiens comme pour la communauté internationale, de s’interroger sur un point fondamental : la paix et la sécurité ne se construisent pas uniquement par les armes, mais d’abord par la justice. Une justice qui dit le droit, protège les citoyens et sanctionne, sans distinction, les déviances du pouvoir.

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