Monsieur le Premier ministre,
Monsieur Raoul Pierre-Louis a accueilli avec une profonde surprise votre lettre lui annonçant la cessation de ses fonctions en tant que président du Conseil d’administration de la Banque nationale de crédit. Cette décision répond, dit-on, à l’injonction du Conseiller présidentiel Fritz Alfonse Jean, qui a prescrit à la Banque nationale de la République d’Haïti de constituer une commission pour prendre les rênes de la BNC. Cette manœuvre stratégique intervient après que le Conseil présidentiel, désormais paralysé par des conflits d’intérêts personnels, a échoué à désigner une nouvelle équipe à la tête de cette institution financière d’État, dont la solvabilité et la solidarité financière sont pourtant solidement établies par les audits de la Banque centrale.
Personne n’est dupe : la faillite orchestrée de la Banque nationale de crédit est le fruit d’une stratégie méticuleusement planifiée. Il y a quelques semaines, Jean-Charles Moise, leader du parti politique Pitit Desalinn, dont le représentant au Conseil est impliqué dans le scandale de la BNC, a publiquement affirmé que l’institution financière étatique est en faillite. La question se pose désormais : la demande de paiement formulée par M. Emmanuel Vertilaire envers M. Pierre-Louis ainsi que les manœuvres et intimidations judiciaires qui en ont découlé visent-elles délibérément à précipiter la banqueroute de la BNC ?
Les informations essentielles que les citoyens doivent retenir sont les suivantes : au cours des quatre dernières années, les données financières de la BNC sont non seulement solides, mais elles témoignent également d’une performance et d’une efficacité remarquables. Cette institution financière est en pleine croissance et génère des bénéfices chaque année, tout en versant des dividendes à l’État central. La BNC maintient un portefeuille de haute qualité et renforce constamment sa capitalisation. Les rapports réguliers de la Banque centrale mettent en évidence une amélioration continue de ses marges bénéficiaires, confirmant ainsi la robustesse et la rentabilité de l’institution.
Il est important de préciser que la décision d’instaurer une commission pour gérer la Banque nationale de crédit (BNC) est en contradiction avec la législation en vigueur. Selon la loi de 2012, la Banque centrale ne peut recourir à une telle mesure que dans le cas de faillite d’une banque d’État. Les conseillers présidentiels, en demandant la mise en place de cette commission, agissent en dehors des prérogatives légales de la Banque centrale.
Cette situation est extrêmement préoccupante car elle expose l’institution à des risques juridiques et financiers majeurs. En agissant de la sorte, nous mettons en danger non seulement l’intégrité de la Banque centrale, mais aussi la stabilité financière nationale. Les répercussions peuvent être sérieuses : d’une part, elles peuvent nuire à la gouvernance interne et à la gestion des ressources ; d’autre part, elles risquent de détériorer la confiance des investisseurs et des partenaires internationaux. Il est essentiel d’agir avec prudence pour éviter de graves conséquences à la fois sur le plan interne et externe.
Il est impératif que toutes les décisions relatives à la gestion de la BNC soient conformes aux dispositions légales en vigueur. Respecter ces règles est essentiel pour maintenir la stabilité et la crédibilité de notre système financier. Tout écart pourrait compromettre notre intégrité financière. La Banque nationale de crédit ne fait face à aucune crise financière et continue d’honorer toutes ses obligations. Il est donc injustifié d’envisager la nomination d’une commission à sa tête. Cette banque est en réalité un atout précieux pour l’État, grâce à sa rentabilité et ses contributions financières positives.
Il semble qu’il y ait derrière ces tentatives de déstabilisation une manœuvre grossière que nous devons dénoncer. Certains politiciens, mus par une soif insatiable de pouvoir et d’argent, cherchent à manipuler la situation en dehors de tout contrôle démocratique. Cependant, il est essentiel de rappeler qu’il existe des limites à l’indécence. Pourquoi donc vouloir créer une crise au sein d’une institution financière qui, jusqu’à présent, fonctionne efficacement et profite à l’État ? Force est de se demander quelles forces obscures se cachent derrière cette stratégie. Qui sont les groupes mafieux ou les intérêts souterrains qui pourraient être impliqués dans cette tentative de capturer l’État et ses ressources ?
En décidant de révoquer Monsieur Raoul Pierre-Louis dans le contexte actuel, et sous la pression de conseillers présidentiels, vous envoyez un message inquiétant. Ce geste semble récompenser la corruption et le détournement de fonds au lieu de promouvoir l’intégrité et la transparence au sein de l’administration publique haïtienne. Monsieur Pierre-Louis a eu le courage de dénoncer des pratiques douteuses. Sa révocation pourrait être perçue comme une tentative de faire taire les voix qui s’élèvent contre la corruption, ce qui va à l’encontre de la justice et de la responsabilité. En favorisant la protection des corrompus et des corrupteurs, vous créez un précédent dangereux qui pourrait éroder la confiance du public dans nos institutions financières et gouvernementales. La corruption est un fléau mondial et n’a pas de frontières. Les individus impliqués dans des pratiques illégales doivent être tenus responsables, où qu’ils se trouvent. La solidarité dans la malversation ne peut pas être tolérée, et les efforts pour lutter contre cette corruption ne doivent pas faiblir.
Nous appelons donc à une réévaluation de cette décision et à un engagement clair en faveur de la transparence et de la justice. Les citoyens haïtiens méritent un gouvernement qui défend la vérité et l’intégrité plutôt que de protéger les intérêts des malfaiteurs. Le processus visant à établir la vérité judiciaire est désormais en marche. Une enquête a été lancée pour déterminer les circonstances entourant l’affaire de la BNC. Cette enquête a été initiée suite à la correspondance que M. Pierre-Louis vous a adressée et que vous avez transmise à la direction de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). En accomplissant cet acte, vous avez engagé l’administration de l’État à poursuivre les trois conseillers impliqués. Il est désormais impossible de faire marche arrière. L’enquête de l’ULCC entraînera nécessairement des poursuites. Ainsi, aucune manœuvre politicienne ne pourra stopper cette procédure.
M. Pierre-Louis, en tant que dénonciateur, est légalement protégé par des lois nationales et des conventions internationales. En écartant M. Pierre-Louis de la présidence de la BNC, l’État haïtien met en péril sa sécurité et sa protection. Cette décision semble directement liée aux faits qu’il a dénoncés, ce qui pose un problème grave. Les lois haïtiennes et la Convention des Nations Unies sur la prévention et la répression du crime de corruption obligent l’État à assurer la protection des dénonciateurs, des témoins, ainsi que de leur famille et de leur environnement professionnel. En ne respectant pas ces obligations, l’État haïtien non seulement faillit à ses engagements internationaux, mais montre aussi un manque de compétence et de sérieux dans la lutte contre la corruption. Écarter M. Pierre-Louis de cette manière, c’est en réalité le livrer à des risques accrus et donner un signal inquiétant quant à la protection des personnes qui luttent contre la corruption. Il est donc crucial que l’État haïtien réévalue cette décision et mette en place des mesures de protection adéquates pour M. Pierre-Louis, conformément aux normes internationales et aux engagements légaux.
La mise à pied de M. Raoul Pierre-Louis, sous la pression des conseillers présidentiels eux-mêmes en infraction avec l’article 33 du décret portant création du Conseil présidentiel, démontre clairement que cette équipe gouvernante constitue une coalition hors-la-loi. Cette décision contredit de manière éloquente votre engagement à combattre la corruption dans l’administration de l’État et jette un doute sérieux sur la validité de vos actions en la matière. En effet, pour la poursuite de l’enquête, il est légitime de se demander comment M. Pierre-Louis pourrait participer à ce processus sans craindre pour sa vie ainsi que celle de son avocat. La révocation de M. Pierre-Louis par simple lettre, alors qu’il avait été nommé par arrêté présidentiel, constitue un acte extrêmement problématique. Cette décision crée un climat de traumatisme qui nuit à l’enquête en cours ainsi qu’aux potentiels dénonciateurs et témoins. En agissant ainsi, vous franchissez une ligne rouge, offrant une couverture à ceux qui se livrent au crime organisé.
Face à cette situation, il est impératif de revenir sur la décision de licencier M. Raoul Pierre-Louis de son poste à la tête de la Banque nationale de crédit. Son maintien dans cette fonction est crucial non seulement pour la poursuite effective de l’enquête, mais aussi pour garantir le respect de ses droits constitutionnels. Vous devez rectifier cette décision pour assurer la justice et la sécurité dans cette affaire.
Avec respect et civilités,
Sonet SAINT-LOUIS, av.
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