PRA. CE QUE JE PENSE: CHAIR À CANON DES PROVINCES

CHAIR À CANON DES PROVINCES

Par Pierre Robert Auguste

Port-au-Prince n’est plus une capitale. Elle a été transformée, sous les assauts meurtriers et incendiaires des gangs commandités et tolérés pour des motivations politiciennes, en un « port aux crimes », donnant une dimension odieuse à l’expression prophétique du président Pierrot. De l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud, des territoires se sont mués en vastes charniers à ciel ouvert, traversés, à pied ou en voiture, par des désespérés en quête d’une vie impossible, sous les yeux condescendants – plus complices que veilleurs écharpéronnés – de ceux qui prétendent gouverner sans gouvernance et qui ne font que piller, laisser massacrer, incendier, anéantir vies et biens.

Entre leurs mains, l’administration publique se réduit à une immense boucherie orchestrée par des charcutiers maladroits, assoiffés de chairs immolées et de sang frais. N’est-ce pas un crime caractérisé que de vouloir transférer à Port-au-Prince – cimetière ambulant, potence mobile – des cadres et intellectuels établis dans les provinces, simplement pour faire place à des commis en mission électorale dirigée ? Et ce, en violation flagrante du principe fondamental selon lequel, en période de transition politique, la non-partisanerie devrait être la norme.

Au mépris de la loi sur la fonction publique, qui garantit l’indépendance du fonctionnaire, celui-ci, s’il est muté d’une ville de province vers Port-au-Prince – il faudrait être fou ou inconscient, comme me l’avait un jour reproché le général Regala face à ma témérité envers le colonel Jean-Claude Paul – se verra exposé au risque d’abandon de poste et d’insubordination à l’autorité hiérarchique. Tout prétexte sera alors bon pour justifier une révocation, un déni flagrant du droit au travail.

La cruauté criminelle n’en est pas moins manifeste. C’est bien là le style troublant, la pratique ignoble d’un Conseil de protection des truands, tel le CPT, brillamment décodé par un homme de caractère, authentiquement christophien, l’ancien député Hugues Célestin. Il m’avait surpris par sa détermination courageuse et son sens de fidélité envers Fritz A. Jean (qui, hélas, ne le lui a pas rendu) lors de l’aventure – que des politiciens véreux et sans scrupules allaient rendre malheureuse – de Me Mécène Jean-Louis, humble parangon de patriotisme et de justice sociale.

Gonaïves, le 26 février 2025
Pierre Robert Auguste

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