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Quand les représentants catholiques au CEP se font les architectes de l’illégitime

today2025-07-29

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CEP, Église catholique et légitimation de l’illégitime : chronique d’une compromission silencieuse (2010–2025)

Depuis 2010, des représentants désignés par la Conférence épiscopale d’Haïti (CEH) ont régulièrement siégé au sein du Conseil électoral provisoire (CEP). Or, loin de jouer un rôle d’arbitrage éthique ou de contrepoids institutionnel dans un contexte de délitement républicain, plusieurs d’entre eux se sont érigés en caution morale de processus électoraux illégitimes, marqués par l’opacité, la manipulation et la propagande. Leur participation active ou leur silence stratégique a, dans les faits, consolidé des régimes autoritaires ou de transition, souvent en rupture directe avec la Constitution haïtienne.

1. Ricardo Augustin : le paradoxe du silence et de la critique tardive

Désigné par la CEH en 2015, le Dr Ricardo Augustin intègre un CEP mis en place dans un climat de haute tension, à la suite des consultations initiées par l’exécutif de l’époque. Ce CEP est celui qui organise les élections les plus chaotiques de l’ère post-Duvalier, marquées par des accusations généralisées de fraude, de violences électorales et d’intrusions partisanes. La mission d’observation de l’Union européenne, ainsi que des organisations nationales telles que le RNDDH et le Conseil national d’observation électorale (CNO), dénoncent publiquement l’effondrement de la transparence du processus.

Le scrutin aboutit à la formation de la législature la plus corrompue de l’histoire récente, selon des observateurs locaux, et ouvre la voie à l’accession contestée de Jovenel Moïse au pouvoir. Pourtant, Ricardo Augustin, loin de dénoncer ces dysfonctionnements en temps réel, demeure muet et structurellement loyal envers l’appareil électoral, participant à sa légitimation institutionnelle. Ce n’est qu’en 2025, dans le cadre du débat sur un avant-projet de nouvelle Constitution, qu’il adopte un ton critique, s’attaquant à la forme du document soutenu par le Conseil présidentiel de transition (CPT) et l’ancien député Jerry Tardieu.

Or cette posture tardive occulte un point fondamental : l’article 284.3 de la Constitution de 1987 interdit expressément toute révision constitutionnelle par voie référendaire, disposition que Ricardo Augustin omet volontairement de rappeler. Cette stratégie d’évitement juridique trahit un souci d’image plus qu’un engagement en faveur de la légalité constitutionnelle.

2. Me Carlos Hercule : trajectoire d’un technocrate entre CEP et ministère

Autre figure issue du secteur catholique, Me Carlos Hercule incarne une trajectoire institutionnelle révélatrice du passage de la gestion électorale à la cooptation gouvernementale. Juriste et ancien bâtonnier de l’ordre des avocats, il est impliqué dans les discussions relatives au CEP dans les années 2010, sans toutefois y laisser une trace marquante de dissidence ou d’alerte sur les dérives en cours. Son image de technocrate neutre séduit les partenaires internationaux et les exécutifs successifs.

En juin 2024, il est nommé Ministre de la Justice au sein du gouvernement de facto dirigé par Garry Conille. Cette nomination intervient dans un contexte de montée en puissance des gangs armés, d’effondrement des juridictions de première instance et d’exode massif des juges. Pourtant, le passage d’Hercule au ministère s’inscrit dans une logique d’immobilisme spectaculaire : aucun dossier emblématique n’est transmis à la justice, aucune réforme structurelle n’est entreprise, et les mécanismes de l’impunité demeurent intacts. L’essentiel de son action semble se résumer à une rhétorique juridique vide, relayée dans les médias, sans portée effective sur les réalités judiciaires du pays.

Ce parcours illustre l’ambiguïté d’une figure catholique passée du CEP à un ministère-clé sans jamais remettre en cause les structures illégales qu’il contribua à institutionnaliser.

3. Patrick Saint-Hilaire : entre technocratie électorale et référendum illégal

Diplomate de formation, M. Patrick Saint-Hilaire est nommé en 2024 au sein du CEP en tant que représentant de la CEH. Dès son installation, il est désigné président de l’institution électorale. Sous son autorité, le CEP s’engage dans l’organisation d’un référendum constitutionnel illégal, visant à entériner un avant-projet élaboré anba tab hors des procédures prévues par la Constitution.

L’article 284.3 de la Constitution de 1987 stipule pourtant avec clarté : « Toute consultation populaire tendant à modifier la Constitution par voie de référendum est formellement interdite ». En choisissant d’ignorer cette disposition intangible, Patrick Saint-Hilaire se fait l’agent d’un processus extra-constitutionnel, soutenu par des chancelleries internationales et un exécutif de transition dépourvu de mandat électoral.

Plus grave encore, le CEP de Saint-Hilaire fonctionne sans registre électoral fiable, sans cadre juridique voté par un Parlement inexistant, et sans débat national structuré. Il incarne ainsi le prolongement d’une gouvernance technocratique, où l’illusion de l’ordre supplante la légalité, et où la stabilité formelle justifie toutes les transgressions de droit.

4. Une ligne de continuité : cléricalisme institutionnel et absence de vigilance prophétique

En retraçant ces trois figures — Augustin, Hercule et Saint-Hilaire — une constante se dégage : la neutralisation de toute conscience critique au profit d’un fonctionnalisme institutionnel. Ces représentants, pourtant issus d’une Église dont la doctrine sociale condamne l’injustice structurelle et valorise la défense des faibles, ont préféré l’inscription dans les circuits du pouvoir plutôt que le refus prophétique. Leur silence ou leur participation active a validé des violations constitutionnelles majeures, dont les conséquences se font encore sentir dans l’affaiblissement de l’État de droit et la perte de confiance populaire dans les institutions.

La Conférence épiscopale d’Haïti gagnerait à revisiter les modalités de désignation de ses représentants dans les sphères publiques, et à exiger de ces derniers non seulement des compétences techniques, mais aussi une clarté éthique et une fidélité à la légalité républicaine. La collusion entre la sacralité de la parole ecclésiale et les mécanismes du pouvoir illégal menace non seulement l’autorité morale de l’Église, mais contribue également à l’érosion de la démocratie constitutionnelle en Haïti. C’est en refusant de cautionner les processus iniques que l’Église pourra redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une voix de justice, de vérité et de résistance face à l’arbitraire.

cba

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