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The Other Sahel, un documentaire qui donne une autre image d’une région souvent réduite à une ‘zone de conflits’

today2025-09-02

The Other Sahel, un documentaire qui donne une autre image d'une région souvent réduite à une ‘zone de conflits’
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Au Sahel, l’art et l’entrepreneuriat culturel sont des outils de résistance et de transformation sociale

Initialement publié le Global Voices en Français

En image, artistes, créateurs et entrepreneurs culturels au Sahel ; capture d’écran du film documentaire

Le Sahel, qui s’étend de l’Atlantique sur la côte ouest à la Mer rouge sur la côte est de l’Afrique est souvent réduit dans les médias à une région marquée par des conflits armés et une crise sécuritaire.

Pourtant c’est aussi une aire culturelle immense et variée mais qui reste méconnue au-delà de ses frontières. Une communauté d’artistes, de créateurs et d’entrepreneurs culturels tente de donner une image plus nuancée et variée de la région, comme en témoigne un documentaire intitulé ” The Other Sahel – Résilience des Artistes au Mali, Niger & Burkina Faso” tourné par Joël Hevi, journaliste et entrepreneur culturel togolais engagé dans l’industrie créative.

Dans ce film réalisé dans le cadre de la Bourse Média de l’Union Africaine (African Union Media Fellowship), Joël Hevi raconte les parcours d’artistes qui allient résilience et créativité pour faire face aux défis dans trois pays du Sahel: Mali, Niger et Burkina Faso. Interviewé par Global Voices en personne, l’auteur explique les raisons qui sous-tendent la réalisation de son projet.

Jean Sovon (JS): Comment vous est venue cette idée de privilégier la culture au Sahel? 

Joël Hevi (JH): Le Sahel est trop souvent réduit à une carte de crises, de conflits et de catastrophes dans les récits dominants. Cette représentation simpliste occulte la richesse des histoires humaines qui s’y déroulent chaque jour. Les artistes et créateurs que j’ai rencontrés sont des bâtisseurs, des visionnaires qui transforment la contrainte en opportunité. Pour moi, raconter leurs parcours, c’est montrer une autre facette de la région, où résilience, créativité et sens de la communauté sont les moteurs d’un changement durable.

Mon objectif avec The Other Sahel était de donner la voix à ces acteurs trop souvent marginalisés, de montrer que derrière les défis, il y a des initiatives qui réinventent la culture et la société. En donnant de l’espace à ces histoires, le documentaire invite le spectateur à déconstruire les clichés et à percevoir le Sahel comme une région dynamique et créative, où les habitants sont eux-mêmes les auteurs de leur récit.

JS: Comment l’art devient-il un moyen de communication pour les artistes sahéliens? 

JH: Ces créateurs du Mali, Burkina et du Niger utilisent l’art comme un langage universel capable de transcender les frontières, de fédérer les communautés et de créer des espaces d’expression et de dialogue.

Au-delà, l’art est aussi un outil concret de transformation sociale. Les initiatives culturelles stimulent l’économie locale, renforcent la solidarité communautaire et permettent aux jeunes et aux femmes de trouver un espace pour leur voix et leur créativité. À travers les initiatives que j’ai vues par exemple à l’espace Boul Yam à Ouagadougou, capitale politique du Burkina Faso, l’art devient un levier puissant pour faire entendre les aspirations et les réalités des plus jeunes et des populations locales. C’est l’exemple du festival Les Récréâtrales, tenu du 24 octobre au 2 novembre à Ouagadougou.

Ce festival a été une opportunité pour les artistes de faire valoir leur résistance face aux crises.

Lire : Au Burkina-Faso un festival investit la rue pour témoigner des crises et exprimer la résilience

JS: En quoi ce documentaire dépasse les clichés qu’on retrouve dans les médias internationaux ?

JH: Les récits dominants ont souvent tendance à représenter le Sahel uniquement à travers le prisme de la violence et de l’instabilité. The Other Sahel propose un regard inverse, qui met en lumière la vitalité culturelle et la créativité des habitants. On y voit des artistes et entrepreneurs culturels qui innovent, organisent des projets collectifs et préservent leur patrimoine malgré les crises. Cette représentation démontre que le Sahel est un espace de vie, d’ingéniosité et d’opportunités, loin de l’image unique de fragilité.

Le documentaire casse également l’idée selon laquelle la culture ne peut pas coexister avec les difficultés économiques et sécuritaires. Il montre que l’art et l’entrepreneuriat culturel sont des outils de résistance, de réappropriation et de transformation sociale. En donnant une voix aux acteurs locaux, le film rééquilibre le récit international et invite le spectateur à voir le Sahel comme une région riche de talents, d’initiatives et de récits humains inspirants.

Dans le film (3:56), Zabda, artiste burkinabé et promoteur de l’espace Boul Yam à Ouagadougou, parle des Pratiques Artistiques et Découvertes Culturelles qui sont des initiatives réunies au sein de cet espace.

Un autre exemple d’initiative est celle de Zerbo Siaka connu sous le nom Fasky, un artiste photographe qui met en évidence son projet d’exposition photo à travers lequel il attire l’attention de tous sur des questions sociales et de droits humains, notamment celui des femmes.

Lire : Au Burkina Faso, l’artiste Fasky met la photographie au service de la résilience et de l’engagement social

JS : Quels obstacles avez-vous dû surmonté dans le cadre de la réalisation de ce film documentaire ?

JH: Je voulais raconter un autre Sahel, celui des créateurs, mais la réalité du terrain a rapidement rattrapé mon intention. J’ai compris que documenter la résilience exigeait d’abord de naviguer à travers l’insécurité, car des voyages par la route entre villes, autrefois possibles, étaient devenus trop risqués.

Le niveau de vigilance des autorités a aussi créé une forme de censure subtile. J’ai essuyé des refus et des hésitations de la part de deux artistes au parcours aussi atypique. Chaque interview a nécessité de gagner la confiance des gens, pour qu’ils s’ouvrent sans crainte. Dans certains cas, il a fallu s’appuyer sur des amis journalistes pour atteindre ces voix authentiques.
Ces difficultés ont paradoxalement renforcé le message du film. Elles prouvent que la créativité et la résilience sont des forces qui persistent même dans les conditions les plus difficiles.

JS: Quel est le principal message que vos spectateurs devraient retenir? ?

JH: Le message central est que la résilience et la créativité sont profondément ancrées dans les sociétés sahéliennes. Chaque projet artistique, chaque initiative culturelle aujourd’hui est une réponse directe aux défis quotidiens et un acte de transformation sociale. Les spectateurs devraient comprendre que le Sahel au-delà des crises qu’il traverse, c’est ce que ses habitants en font avec courage, imagination et solidarité.

Je souhaite que le public retienne aussi l’importance de donner une voix aux acteurs locaux et de valoriser leurs initiatives. Derrière les difficultés, il existe des histoires d’espoir et de créativité qui méritent d’être racontées. Le documentaire incite à regarder le Sahel autrement, à célébrer ses voix et à comprendre que la culture est un véritable levier de changement, capable de transformer des vies et des communautés.

Lire notre cahier spécial:

Écrit par: Viewcom04

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