L’accès aux services financiers est un indicateur crucial du développement économique et social d’un pays. En Haïti, cependant, seulement 11,85% de la population possède un compte bancaire, une statistique qui révèle la profondeur des défis auxquels le pays est confronté pour intégrer une plus grande partie de sa population au système financier formel. Cet article se propose d’explorer les raisons derrière ce faible taux de bancarisation, les conséquences pour les individus et l’économie, ainsi que les solutions potentielles pour améliorer l’accès aux services financiers en Haïti.
Le paysage actuel de la bancarisation en Haïti
Le taux de bancarisation en Haïti est l’un des plus bas de la région de l’Amérique latine et des Caraïbes (LAC). En comparaison, dans les pays à faible revenu de cette région, on observe une tendance à la hausse de la bancarisation avec un nombre de comptes bancaires pour 100 000 adultes passant de 13 en 2011 à 22,03 en 2020. En Haïti, ce chiffre reste alarmant, marquant une stagnation voire une régression par rapport à d’autres nations similaires.
Selon les données de la Banque Mondiale (2018), l’accès à un compte bancaire en Haïti se limite souvent à une petite fraction de la population, principalement les personnes vivant dans les zones urbaines et appartenant à une classe socio-économique plus élevée. Les Coopératives d’Épargne et de Crédit (CEC), qui jouent un rôle significatif dans l’inclusion financière, comptent environ 1,24 million de membres, mais cela reste insuffisant pour répondre aux besoins de la majorité de la population.
Les obstacles à l’inclusion financière
Plusieurs facteurs contribuent à la faible inclusion financière en Haïti. Parmi eux, on peut citer :
Le manque d’infrastructures financières
Les infrastructures bancaires en Haïti sont inégalement réparties, avec une forte concentration dans les zones urbaines au détriment des zones rurales. Cette disparité géographique limite l’accès des populations rurales aux services bancaires, ce qui les pousse à recourir à des systèmes informels de gestion financière.
La complexité des exigences réglementaires
Pour ouvrir un compte bancaire en Haïti, un document d’identification officiel et une preuve d’adresse sont requis. Ces exigences, bien que nécessaires pour lutter contre les crimes financiers, posent des défis pour de nombreux Haïtiens. Environ 94% des personnes interrogées dans le cadre des enquêtes FinScope 2018 ne possèdent pas un acte de naissance, et 73% n’ont pas de Carte d’Identification Nationale (CIN). Cette situation complique l’accès aux services financiers, en particulier pour les personnes les plus vulnérables, telles que les femmes, les personnes âgées et les résidents des zones rurales.
Les barrières socio-économiques
Les inégalités socio-économiques jouent également un rôle crucial dans l’exclusion financière. Les données révèlent que pour les 40% les plus pauvres de la population, le taux d’inclusion financière est resté stable à 15% entre 2011 et 2017, tandis que pour les 60% les plus riches, ce taux a légèrement diminué de 38% à 37% sur la même période. Cette disparité reflète non seulement l’accès limité aux ressources financières, mais aussi la capacité réduite des groupes les plus défavorisés à s’intégrer au système bancaire.
Le manque d’éducation financière
L’éducation financière est un autre facteur limitant la bancarisation en Haïti. Beaucoup d’Haïtiens n’ont pas les connaissances nécessaires pour comprendre les avantages d’avoir un compte bancaire ou d’utiliser d’autres services financiers. Le manque d’éducation financière crée un cercle vicieux d’exclusion, où les individus restent dépendants de systèmes financiers informels qui ne leur offrent pas de protection ni de possibilités de croissance financière.
L’impact de la faible inclusion financière sur l’économie haïtienne
L’exclusion financière a des conséquences graves pour l’économie d’Haïti. Elle limite la capacité des individus à épargner, à investir et à se protéger contre les chocs économiques. Les ménages sans accès aux services financiers formels sont souvent contraints de recourir à des solutions coûteuses et risquées pour gérer leurs finances, telles que les prêteurs informels qui pratiquent des taux d’intérêt exorbitants.
De plus, l’exclusion financière entrave le développement des petites et moyennes entreprises (PME), qui sont pourtant essentielles à la croissance économique du pays. Sans accès au crédit formel, ces entreprises ont du mal à financer leur expansion, à investir dans de nouvelles technologies ou à créer des emplois.
Le potentiel des services financiers numériques
L’émergence des services financiers numériques offre une lueur d’espoir pour améliorer l’inclusion financière en Haïti. Les systèmes de paiement mobile et les portefeuilles électroniques, bien que leur adoption soit encore lente, présentent une opportunité d’élargir l’accès aux services financiers pour les populations les plus vulnérables.
Les comptes électroniques, par exemple, peuvent être ouverts avec des exigences minimales en matière d’identification, ce qui pourrait permettre à un plus grand nombre d’Haïtiens de participer au système financier. Selon un rapport de la GSMA, en 2024, il existe 1,75 milliard de comptes électroniques enregistrés dans le monde, gérant un volume de transactions de 1 400 milliards de dollars par an. En Haïti, cependant, l’adoption de ces technologies reste freinée par des problèmes d’infrastructures de base et un accès limité à Internet.
La nécessité d’une réforme de l’identification
L’identification est une étape cruciale pour l’inclusion financière. La réingénierie du processus d’identification en Haïti, initiée en 2005 avec la création de l’Office National d’Identification (ONI), n’a pas encore permis de résoudre les problèmes liés à l’accès à des documents d’identité. Le processus d’obtention de la Carte d’Identification Nationale (CIN) reste complexe, surtout pour les personnes vivant en milieu rural.
L’introduction de l’identité numérique (Digital ID) pourrait représenter une solution efficace à ce problème. En permettant une identification plus rapide et plus accessible, l’identité numérique faciliterait l’ouverture de comptes bancaires et d’autres services financiers. De plus, cette innovation pourrait réduire les coûts associés aux procédures de reconnaissance du client (e-KYC), rendant ainsi les services financiers plus abordables pour une plus grande partie de la population.
Les initiatives et stratégies pour une meilleure inclusion financière
Pour surmonter les obstacles à l’inclusion financière, plusieurs initiatives doivent être mises en place. Ces stratégies peuvent inclure :
L’adoption de politiques publiques favorables
Le gouvernement haïtien doit adopter des politiques publiques visant à renforcer l’infrastructure financière du pays. Cela pourrait inclure la mise en place de partenariats public-privé pour développer des réseaux bancaires dans les zones rurales, ainsi que des incitations fiscales pour encourager les banques à offrir des services dans les régions sous-desservies.
Le renforcement de l’éducation financière
Des programmes d’éducation financière doivent être développés pour sensibiliser la population aux avantages d’un compte bancaire et aux autres services financiers. Ces programmes devraient être adaptés aux réalités locales et diffusés par le biais de canaux accessibles, tels que la radio, les ateliers communautaires et les réseaux sociaux.
La promotion des services financiers numériques
L’adoption des services financiers numériques doit être encouragée en améliorant l’accès à Internet et en rendant les technologies plus abordables. Le gouvernement pourrait jouer un rôle de facilitateur en collaborant avec des entreprises technologiques pour développer des solutions adaptées aux besoins des populations rurales et des groupes vulnérables.
La simplification des procédures d’identification
La réforme du processus d’identification, notamment par l’introduction de l’identité numérique, est essentielle pour permettre à un plus grand nombre d’Haïtiens d’accéder aux services financiers. Cette réforme doit être accompagnée d’une simplification des procédures administratives et d’une réduction des coûts associés à l’obtention de documents d’identité.
L’inclusion des femmes et des groupes marginalisés
Des efforts spécifiques doivent être déployés pour inclure les femmes et d’autres groupes marginalisés dans le système financier. Cela pourrait inclure des programmes ciblés de microfinance, des campagnes de sensibilisation sur les droits financiers des femmes, et des initiatives visant à réduire les obstacles culturels et sociaux à l’inclusion financière.
Vers une inclusion financière durable en Haïti
L’inclusion financière est un enjeu crucial pour le développement économique et social d’Haïti. Avec seulement 11,85% de la population disposant d’un compte bancaire, il est urgent de prendre des mesures pour élargir l’accès aux services financiers. Cela passe par une amélioration des infrastructures, une réforme des procédures d’identification, et une promotion active des services financiers numériques.
L’adoption de ces mesures pourrait non seulement permettre à un plus grand nombre d’Haïtiens de participer à l’économie formelle, mais aussi contribuer à la réduction de la pauvreté et à la création d’une société plus équitable et inclusive. Le chemin vers une inclusion financière durable en Haïti est encore long.
Source
BRH : rapport marquant les dix (10) ans de publication et de mise en œuvre de la Stratégie Nationale d’ Inclusion Financière (SNIF)
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