ROOTS ROCK REGGAE : Une voix pour soigner une nation blessée

par Judeline BUISSON AZOLIN

Après le travail remarquable accompli par le chanteur du groupe Brothers Posse à travers sa chanson Gerizon, je me suis sentie profondément inspirée. Ce morceau, à la fois poignant et solidement ancré dans notre réalité sociale, se présente comme une réponse musicale aux douleurs et aux souffrances que traverse notre pays. Il ne se contente pas de divertir : il soigne, il interpelle, il appelle à une prise de conscience collective.

À l’occasion du 31e anniversaire du groupe, les membres de Brothers Posse ont marqué cette étape importante par la sortie de cette œuvre puissante, s’inscrivant dans la continuité d’un style musical qu’ils ont eux-mêmes façonné : le « Roots Rock Reggae » (RRR), une fusion du vodou et du reggae. Ce genre unique marie les rythmes traditionnels du vodou à l’énergie contestataire du reggae. Il ne s’agit pas seulement d’un choix esthétique, mais d’un acte militant : une volonté affirmée de rester connecté à nos racines tout en portant un message de transformation sociale.

À travers Gerizon, le groupe attire l’attention sur la situation critique que connaît notre pays. Haïti est malade. Elle souffre de violences, d’instabilité politique, de pauvreté, mais surtout d’un manque de vision claire de la part de ses dirigeants. Le chanteur et ancien sénateur Antonio Chéramy souligne que la priorité des autorités ne devrait pas être un référendum politique, mais plutôt la survie et la sécurité du peuple haïtien. Il appelle à une refondation, à un retour à l’essentiel, vers nos « bitasyon », ces espaces de vie, de culture et de ressources. C’est là, dit-il, que réside la véritable guérison : dans ce que nous avons, dans ce que nous sommes. Parallèlement, avec une voix énergique et bouleversante, la chanteuse Maude touche la sensibilité de chacun, en implorant les ancêtres d’accorder la guérison aux multiples maux dont souffre le pays en ces temps difficiles.

Antonio Chéramy évoque également les tensions qu’il a subies, liées aux nombreuses attaques politiques. Il en profite pour y répondre avec finesse, en s’appuyant sur des proverbes évocateurs tels que : « Move chay sot sou tèt se zepòl ki peye sa » ou encore « Kay ki gen pay se rat pa l ki toujou konn gou sa ». Ainsi, il choisit de retourner à son alma mater, à ses racines — non seulement pour se protéger, mais aussi pour se ressourcer et retrouver la force nécessaire pour poursuivre le combat politique et social à travers la musique.

Je tiens à féliciter ce travail artistique audacieux, qui réussit le pari de conjuguer tradition et engagement. Le mélange du vodou et du reggae, tel que présenté par Brothers Posse, constitue un puissant vecteur de résistance et d’espoir pour un peuple tout entier en quête de guérison.

Judeline BUISSON AZOLIN

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