Si la problématique de la corruption est complexe et universelle, en Haïti, on a pourtant l’impression qu’elle est simple et singulière. Dans quel autre pays peut-on si facilement détourner un milliard de gourdes sous prétexte d’un programme d’assainissement ? Allouer des centaines de millions pour le carnaval de 2025 ? Dépenser 400 millions de gourdes pour l’organisation du 18 mai 2025 sans qu’aucun résultat concret ne soit visible ?
En Haïti, la corruption est un problème structurel, enraciné dans le fonctionnement même de l’État. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous avez l’impression que tous les politiciens haïtiens sont corrompus ? Ici, n’importe qui peut voler, n’importe quelle somme, à n’importe quel moment, sans jamais subir la moindre conséquence. Où sont les verrous ? Les garde-fous ? Les sanctions ? Il n’y en a pas. Tout semble conçu pour faciliter la corruption. L’administration publique regorge de liquidités, aucune modernisation n’est mise en place pour retracer les fonds, et même lorsqu’une enquête est ouverte, si ce ne sont pas les juges corrompus qui bloquent le processus, ce sont les autorités publiques qui utilisent leur dernier rempart : le fameux commissaire du gouvernement. Son rôle, dans les faits, est souvent de protéger les criminels du pouvoir et leurs alliés.
Un avant-projet de la Constitution haïtienne est actuellement disponible en ligne. Si l’on tient compte des changements apportés au texte précédent, le seul vrai problème du pays résiderait dans l’organisation des institutions politiques, notamment les pouvoirs exécutif et législatif. Pourtant, pour beaucoup, le nœud du problème se situe dans le pouvoir judiciaire. Le véritable fléau du pays, c’est l’impunité. Si nos dirigeants étaient conscients qu’un acte de corruption, de détournement, de pillage des caisses de l’État ou toute autre forme infraction pouvait mener à la prison, le problème de la mauvaise gouvernance serait à moitié résolu.
Haïti fait face à de graves problèmes politiques, qu’il est normal de vouloir corriger dans une Constitution. Toutefois, après plus de deux siècles d’analyses, il est injustifiable de ne pas reconnaître l’impact considérable de la faiblesse du pouvoir judiciaire dans la débâcle de notre société. Il est donc impératif de renforcer et de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire dans tout projet de réforme constitutionnelle. Comment peut-on ignorer ce poste tristement célèbre de commissaire du gouvernement, nommé par l’exécutif pour faire le sale boulot ? Dans plusieurs pays, notamment anglo-saxons, cette fonction est élective. Pourquoi ne pas envisager une telle solution en Haïti ?
Et ce n’est là qu’un exemple parmi tant d’autres.
Ainsi, même s’il est louable de réfléchir à l’organisation politique du pays malgré les nombreuses critiques que l’on peut faire à cet avant-projet, néanmoins, ce n’est pas l’objet de ce petit numéro. Par ailleurs, je suis convaincu que le vrai problème du pays demeure l’impunité, c’est-à-dire la faiblesse chronique du pouvoir judiciaire. C’est pourquoi j’exhorte nos constituants à revoir ce projet, à mettre l’accent sur l’équilibre des pouvoirs, et surtout sur le renforcement et l’indépendance de la justice. En résumé, je les appelle à tout mettre en œuvre, à leur niveau, pour qu’enfin, dans ce pays, la justice fonctionne réellement.
MATHE Vladimir Estefano, politologueVladimirm219@gmail.com
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