Par Ralf Dieudonné JN MARY
Il est des échanges qui dépassent les personnes et touchent aux fondements mêmes d’une société.
Après avoir échangé deux articles avec Elsie, j’ai ressenti la nécessité de ne pas laisser ce dialogue s’éteindre dans le cercle restreint d’un débat d’idées.
La problématique du “regard interdit” traverse notre éducation, mais aussi nos rapports sociaux, notre manière d’accepter la violence institutionnelle, d’intérioriser la censure et de baisser les yeux face à l’injustice.
Ce texte est un appel à ouvrir un espace collectif de réflexion et de parole, où Haïtiens d’ici et de la diaspora pourront ensemble imaginer une autre manière d’être au monde.
C’est une main tendue, non seulement à Elsie qui a enrichi ce débat de ses textes profonds, mais à chacun de vous, qui portez en vous la mémoire et l’espérance d’un regard libéré.
Ce qui suit n’est pas une réponse, ni un simple article.
C’est un appel ouvert, un geste d’espoir lancé à celles et ceux qui savent que le silence ne sauve plus personne.
Voici pourquoi je vous écris aujourd’hui.
Du regard interdit au regard libérateur : un appel à tous ceux qui veulent parler.
Il y a des silences qui brisent des générations entières.
Il y a des regards qu’on détourne non par pudeur, mais par peur.
Peur d’oser être debout, peur de déranger l’ordre établi, peur de penser par soi-même.
Il y a quelques jours, j’ai écrit un texte sur ce regard qu’on interdit aux enfants, ce regard qu’on écrase dans nos familles, nos écoles, nos rues. Un regard qui devient le symbole d’une soumission intériorisée, apprise dès le plus jeune âge, et qui se perpétue sans bruit, comme une vieille habitude qui tue.
Je pensais que ce texte resterait une voix de plus dans le désert.
Mais alors, il y a eu Elsie.
Elle a lu mon texte, et plutôt que de répondre par une opinion ou un jugement, elle m’a offert un chemin : celui de la profondeur.
Sur son blog, elle a déroulé une réflexion d’une intensité rare, mêlant lucidité, mémoire et révolte douce. Elle a éclairé le sujet sous des angles que je n’avais pas osé explorer. Et surtout, elle m’a invité, moi, à parcourir son blog.
Cette invitation, croyez-moi, n’a pas été un geste banal.
Ce fut une plongée dans un trésor. Un trésor de regards croisés sur Haïti, de paroles vraies, de critiques ciselées mais toujours justes. Son blog est un acte de résistance, de transmission, et de service à la nation. Un service d’une valeur inestimable, bien au-delà de toute récompense, mais qui mérite l’admiration de tous ceux qui croient encore en la dignité d’une pensée libre.
En lisant Elsie, j’ai compris que ce que nous avons commencé à échanger n’est pas un débat à deux voix.
C’est une conversation que le peuple haïtien entier attendait sans le savoir.
Il ne s’agit pas seulement des enfants dans nos écoles.
Il s’agit de tous ces regards que l’on détourne dans les sphères du pouvoir, dans les bureaux des ministères, dans les rédactions, dans les espaces publics où la peur d’être vu, d’être entendu, d’être libre, façonne notre manière de survivre.
Il s’agit des intellectuels qu’on réduit au silence, des journalistes qu’on intimide, des citoyens qu’on musèle par la misère ou l’exil.
Il s’agit de nous tous, ici et ailleurs, prisonniers d’une culture du regard baissé.
Nous avons tous été éduqués dans des gestes, des mots, des regards qui ont façonné notre manière de nous taire, de baisser la tête, d’accepter l’inacceptable. Il est temps d’ouvrir un espace où ces héritages douloureux puissent être interrogés, compris, et surtout transformés.
Je ne veux pas faire de ce texte une réponse à Elsie. Ce serait trop petit pour l’ampleur du défi.
Je veux, au contraire, lancer un appel à tous ceux qui ont ressenti un jour ce poids invisible sur leurs épaules.
Aux enseignants qui rêvent d’éduquer autrement.
Aux parents qui veulent transmettre autre chose que la peur.
Aux jeunes qui refusent d’hériter des chaînes.
Aux journalistes qui refusent de détourner les yeux.
Aux artistes qui cherchent les formes d’un langage libre.
À la diaspora, qui porte aussi cette mémoire dans sa chair.
À tous ceux qui savent qu’un regard, parfois, peut renverser un destin.
Ensemble, construisons un espace citoyen de parole et d’écoute, au-delà des frontières, au-delà des écrans.
Un espace où nous pourrons témoigner, réfléchir, imaginer comment libérer nos regards sans briser nos racines.
Je n’ai pas toutes les réponses.
Je n’ai même pas toutes les bonnes questions.
Mais je sais une chose : ce dialogue, s’il reste entre deux personnes, il mourra.
S’il devient collectif, il deviendra une lumière.
Je n’ai pas le numéro d’Elsie, ni son email, ni son Facebook. D’ailleurs, je n’ai jamais eu l’occasion de la voir.
Mais je sais qu’elle lira ces lignes. Et je lui dis ici, du fond du cœur : merci, Elsie, d’avoir enrichi ce débat par tes textes lumineux. Merci de nous rappeler que penser librement est encore possible.
À vous tous qui me lisez, je tends la main.
Ensemble, faisons de ce débat le début d’un éveil.
Pas pour moi, ni pour Elsie,
Mais pour ces enfants, ces jeunes, ces citoyens de tout âge, qui n’ont pas encore baissé les yeux, ou qui cherchent le courage de les relever.
Ralf Dieudonné JN MARY
Ralf Dieudonné est un amoureux des humains. Je suis quelqu’un qui aime aider les gens. J’aime les aider à s’accomplir et à faire ce qu’ils souhaitent en le réussissant.
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