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Port-au-Prince : Le contrecoup des violences et déplacements forcés sur le quotidien des habitants

today2025-04-03

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LE CONTRECOUP DES VIOLENCES ET DES DÉPLACEMENTS FORCÉS SUR LE QUOTIDIEN DES HABITANTS DE L’AIRE MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE : CAS DE DELMAS 30, ENTRE  DÉFIS ET PERSPECTIVES POUR L’AIDE HUMANITAIRE ET LE DÉVELOPPEMENT.

Wilguens FANFAN et Victor LOUIS

RÉSUMÉ

Cet article aborde l’impact des violences et des déplacements forcés sur la vie quotidienne des habitants de Delmas 30, un quartier de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. L’objectif principal de l’étude est de comprendre comment ces facteurs influencent non seulement la sécurité des résidents, mais aussi leur accès aux services essentiels et leur capacité à mener une vie normale. La méthodologie adoptée inclut des enquêtes qualitatives et quantitatives, avec des entretiens auprès des habitants, des ONG locales et des acteurs humanitaires. Cette approche permet de recueillir des données sur les expériences vécues par les résidents, ainsi que sur les réponses institutionnelles face à la crise. L’intérêt de cette étude réside dans sa capacité à mettre en lumière les défis spécifiques auxquels sont confrontées les communautés affectées, tout en explorant les perspectives d’une aide humanitaire efficace et d’un développement durable. Les résultats montrent une augmentation significative des besoins en matière de sécurité, d’éducation et de santé, soulignant l’urgence d’une intervention coordonnée pour améliorer les conditions de vie. L’article conclut sur la nécessité d’une approche intégrée qui combine assistance immédiate et stratégies de développement à long terme pour restaurer la stabilité dans la région.

Mots clés : Violence, déplacement forcé, aide humanitaire. 

ABSTRACT

This article examines the impact of violence and forced displacement on the daily lives of residents of Delmas 30, a neighborhood in the Port-au-Prince metropolitan area. The main objective of the study is to understand how these factors influence not only residents’ security, but also their access to essential services and their ability to lead normal lives. The methodology adopted includes qualitative and quantitative surveys, with interviews with residents, local NGOs, and humanitarian actors. This approach allows for the collection of data on residents’ lived experiences, as well as on institutional responses to the crisis. The significance of this study lies in its ability to highlight the specific challenges faced by affected communities, while exploring the prospects for effective humanitarian assistance and sustainable development. The results show a significant increase in needs in security, education, and health, highlighting the urgent need for a coordinated intervention to improve living conditions. The article concludes with the need for an integrated approach that combines immediate assistance with long-term development strategies to restore stability in the region.

Keywords: Violence, forced displacement, humanitarian aid.

RESUMEN

Este artículo aborda el impacto de la violencia y el desplazamiento forzado en la vida cotidiana de los residentes de Delmas 30, un barrio del área metropolitana de Puerto Príncipe. El principal objetivo del estudio es comprender cómo estos factores influyen no sólo en la seguridad de los residentes, sino también en su acceso a servicios esenciales y su capacidad para llevar una vida normal. La metodología adoptada incluye encuestas cualitativas y cuantitativas, con entrevistas a residentes, ONG locales y actores humanitarios. Este enfoque nos permite recopilar datos sobre las experiencias de los residentes, así como las respuestas institucionales a la crisis. El valor de este estudio radica en su capacidad para resaltar los desafíos específicos que enfrentan las comunidades afectadas, al mismo tiempo que explora las perspectivas de una asistencia humanitaria eficaz y un desarrollo sostenible. Los resultados muestran un aumento significativo de las necesidades de seguridad, educación y salud, destacando la urgencia de una intervención coordinada para mejorar las condiciones de vida. El artículo concluye sobre la necesidad de un enfoque integrado que combine asistencia inmediata y estrategias de desarrollo a largo plazo para restaurar la estabilidad en la región.

Palabras clave: Violencia, desplazamiento forzado, ayuda humanitaria.

INTRODUCTION

Delmas 30, un quartier emblématique de Port-au-Prince, est en proie à des  violences croissantes et à des déplacements forcés qui perturbent gravement la vie quotidienne de ses habitants. Dans un contexte où les gangs armés exercent un contrôle de plus en plus marqué, les résidents vivent dans une peur constante, ce qui compromet leur accès à des ressources essentielles. Comme le souligne Pierre (2021), « la violence et l’insécurité ont plongé la région de Delmas 30 dans une crise humanitaire sans précédent. » Cette situation souligne l’importance d’étudier le contrecoup ou encore l’impact de ces violences sur la vie des populations locales. Hormis la séquence catégorielle ou typologique de la violence susmentionnée, cet article vise à répondre à la question centrale : « Comment les violences et les déplacements forcés affectent-ils le quotidien des habitants de Delmas 30 ? » Cette problématique est cruciale car elle permet d’identifier non seulement les défis immédiats auxquels font face les résidents, mais aussi les perspectives d’intervention pour l’aide humanitaire. À cet effet, Baptiste (2022), note que la compréhension des dynamiques locales est essentielle pour développer des stratégies d’intervention efficaces. Partant de l’idée selon laquelle les violences entraînent une détérioration significative des conditions de vie, aggravées par une vulnérabilité socio-économique croissante, d’écoule l’objectif ci-dessous, à savoir : analyser des contrecoups socio-économiques des violences, ainsi que d’évaluer des réponses communautaires face à ces défis. Pour cela, nous adoptons une méthode mixte combinant enquêtes qualitatives et quantitatives, permettant ainsi une compréhension approfondie des réalités empiriques aspire à fournir des recommandations concrètes  pour les acteurs humanitaires et les décideurs politiques afin d’améliorer la résilience des populations touchées.

De la conceptualisation de la violence

En ce qui concerne la formation sociale haïtienne, les thèses soutenues sur la violence sont plurielles. Si pour le Sociologue  Alain Gilles (2008), la violence en Haïti est de type instrumental puisqu’elle est l’émanation des groupes d’intérêt tels que des trafiquants de stupéfiants et des contrebandiers, quant à  Marc-Arthur Fils-Aimé (2004), la violence en Haïti vient de sources Diverses : les narcotrafiquants, le chômage, les inégalités sociales et l’analphabétisme. Cependant,  le professeur Ilionor Louis (2007), postule que cette violence est de type structurel et physique. Structurel, parce qu’elle a foulé aux pieds les droits fondamentaux de la majorité de la population, notamment celle des bidonvilles des zones métropolitaines de Port-au-Prince, aggravant les inégalités  sociales et la discrimination. Physique, parce que non seulement elle n’épargne aucune catégorie sociale, mais parce qu’elle porte atteinte aux individus dans leur corps, hommes, femmes, enfants et vieux. Toutefois, cette approche se situe dans une transformation du système de la formation sociale haïtienne en connexion avec d’autres formations sociales. Aussi, Franklin Midy (2009), abonde-t-il dans le même sens, cependant il ajoute que cette violence est tout à la fois symbolique, culturelle, sociale et magico-religieuse. Qu’en est-il de la violence d’État? 

Violence d’État

Crettiez (2008) décrit la violence d’État comme une violence légale. Cette dernière est une violence qui est au cœur de la construction politique moderne, mais quoique masquée, elle n’en demeure pas moins présente à chaque fois l’ordre public est menacé. Ce qui lui amène à dire que l’État est l’acteur le plus ontologiquement violent. Toutefois, il reconnaît que l’imaginaire collective ne fait pas automatiquement le lien entre l’État et la violence. Les marxistes orthodoxes et néomarxistes voient au contraire en lui rien d’autre qu’un instrument de domination de la classe bourgeoise à la classe exploitée. À travers son appareil répressif (police, armée, justice), il s’impose et impose un sentiment de sureté en faveur des dominants et refoule tout désir de révolte chez les dominés. Selon Crettiez, Max Weber avait raison d’affirmer que l’État détient le monopole de la violence physique et légitime.  Enchainons avec la violence urbaine.

Violence urbaine

Richard Bousquet (1998), pour définir la violence urbaine, part du concept d’incivilité, qui est un ensemble de faits et de comportements très hétérogènes à la frontière de 1’infraction pénale, dont les plus marqués sont : bruits et différends entre voisins, comportements menaçants, provocations verbales et physiques. Ceux-ci sont autant d’actes provocateurs d’un climat d’insécurité prenant l’allure d’ordre nouveau auquel les jeunes tentent d’imposer, qui est au contraire une rupture de l’ordre établi. Il s’agit donc d’une contestation de certains groupes à l’encontre des groupes institutionnalisés représentant l’ordre public local. Ainsi, considérée comme mineure et banale, elle ne s’inscrit pas dans l’ordre de l’infraction pénale. C’est pourquoi l’auteur reconnaît qu’il n’est pas aisé de dissocier le concept de l’incivilité à celle de violence urbaine tellement sa nature n’est pas différente.  

Quant à Xavier Crettiez (ibid.), définir la violence urbaine est problématique. C’est pourquoi il se demande si la destruction d’une poubelle sur une place publique  constitue une violence urbaine. En fait, il semble partager l’idée selon laquelle les violences urbaines se perçoivent dans des actes à caractère collectif, éruptif, non maîtrisé perpétrés contre les biens ou des institutions. Pour étayer sa position, il vient avec celle de Sophie Body-Gendrot (1998), selon laquelle les violences urbaines constituent des actions collectives faiblement organisées par les jeunes contre des biens et des personnes en rapport avec des institutions dans des milieux défavorisées. À cet effet, l’Union Européenne,  note que, tous les actes violents contre les biens, les personnes liés aux institutions, dans un souci de provocation par les jeunes organisés ou pas, sont qualifiés de violence urbaine. Par ailleurs, Crettiez (ibid.) a plutôt mis l’accent sur la vengeance et à la colère contre l’adversaire institutionnel.  Terminons cette approche typologique avec la notion de violence instrumentale.

Violence instrumentale

Les termes violence et conflit sont employés l’un pour l’autre, même si certains auteurs les distinguent. Consuelo Corradi (2009)  cité par Emerson J-B en (2017), identifie les classiques de la  sociologie parmi ceux qui n’ont pas établi tout à fait cette différence, pourtant Wieviorka (2005), cité par ce même auteur en ayant fait la même remarque, soutient que la violence et le conflit ne sont pas identiques. C’est pourquoi il affirme que : « le conflit est un rapport inégal entre deux personnes, deux groupes, deux ensembles qui s’opposent au sein d’un même espace avec chacun pour objectif et pour horizon, non pas de liquider la partie adverse, et avec elle la relation elle-même, mais de modifier cette relation et tout au moins d’y renforcer sa position relative ». Inversement, il soutient que « la violence ferme la discussion, plutôt qu’elle ne l’ouvre, elle rend difficile le débat, l’échange, même inégal, au profit de la rupture ou du seul rapport de force, à moins qu’elle ne surgisse parce qu’il y a rupture, pur rapport de force ». Voyons les causes de la violence armée à Port-au-Prince.

Les causes de la violence armée à Port-au-Prince

En ce qui concerne la violence armée dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, particulièrement à Delmas 30, les causes les plus souvent invoquées sont la pauvreté, l’absence de volonté politique et la faiblesse de l’institution policière. En effet le phénomène de violence armée à Port-au-Prince peut être compris ainsi : à la crise institutionnelle, à la frustration et à la pauvreté. Néanmoins, chaque catégorie susmentionnée  contiendrait de multiples dimensions. C’est ainsi que la crise  institutionnelle révèle le manque de visibilité policière, l’irrationalité policière, l’affaiblissement du pouvoir judiciaire, l’absence de projet politique viable, la corruption généralisée, l’impunité  et la présence d’un État voyou et dilapidateur. Quant à la frustration, nous retenons les dimensions suivantes : la stigmatisation et le mépris; la misère aiguë, l’incertitude et la précarité; et enfin l’esprit de vengeance.  Sur l’angle de la pauvreté, nous soulignons : le chômage; la compétition ; la différenciation sociale; et enfin l’exclusion et l’inégalité sociale récurrente. Voyons aussi les conséquences de la violence armée sur les familles haïtiennes en générale, et sur celles de Dèlmas 30 en particulier. 

Les conséquences de la violence armée sur les familles haïtiennes

Argant le postulat que la conséquence est le résultat obtenu par suite des actions, il nous semble nécessaire de faire ressortir les conséquences de cette violence armée sur les familles haïtiennes. Par-là, l’identification  des conséquences nous permet d’approfondir notre compréhension sociologique de la violence armée dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, particulièrement à Delmas 30. En effet, les gangs armés étendent leur pouvoir aux principales fonctions de l’État, parce que ce dernier est démissionnaire. Et puisque la violence armée  est inscrite au quotidien, elle figure dans l’imaginaire de la population comme un phénomène normal, au point que  ceux  et celles qui en sont victimes  ne porteraient même pas plainte.

Toutefois, cette  insécurité récurrente provoque des traumatismes et Stress permanents chez les individus ; des déplacements forcés de ménages ;  de l’abandon de résidences par des propriétaires ; insécurité des  personnes et des biens ; les coups et blessures conduisant à des infirmités, des pertes en vie humaine, pertes d’emplois et de scolarités ; de la stigmatisation de certains quartiers devenus indésirables et désertés ; les agressions sexuelles occasionnant les grossesses non désirées, des blessures des tissus génitaux et des maladies sexuellement transmissibles et VIH/Sida ; la destruction des petites  activités informelles tenues en majorité par les femmes qui les balance dans la précarité ; les actes de vandalisme, pillages et d’incendie découragent les investissements et réduisent la capacité extractive des recettes locales entre autres. 

L’articulation entre l’aide humanitaire et le développement

Si pour Sphère Standards (2018) l’aide humanitaire englobe les actions visant à fournir une assistance immédiate aux personnes touchées par des crises, notamment en matière de nourriture, d’abri et de soins médicaux entre autres, quant à Sen (1999), le  développement se réfère aux efforts visant à améliorer les conditions de vie des populations à long terme, en englobant la croissance économique, l’accès à l’éducation et la santé. À noter que, certaines recherches indiquent que ces déplacements affaiblissent les mécanismes d’entraide communautaire, rendant les populations encore plus vulnérables aux crises futures (Benedict & Burchfield, 2018). Ce qui explique, l’aide humanitaire doit donc être adaptée pour répondre à ces défis spécifiques. Selon Dijkzeul et Tschirgi (2009), une approche intégrée qui tient compte des réalités locales est cruciale pour garantir l’efficacité des interventions humanitaires. Ceci étant dit, comprendre ces concepts et leurs implications est fondamental pour développer des stratégies adéquates d’aide humanitaire et de développement dans un contexte aussi complexe que celui de Delmas 30.

État des lieux de Dèlmas 30

Delmas 30 se trouve au cœur d’une crise sécuritaire marquée par des violences croissantes et des déplacements forcés. La situation sécuritaire y est particulièrement préoccupante, avec une montée en puissance des gangs armés qui contrôlent de vastes zones, créant un climat d’insécurité permanent (Pierre et al. 2020). Selon des rapports récents de l’Office des Nations Unies pour les droits de l’homme, le taux d’homicides dans cette zone a considérablement augmenté au cours des dernières années, atteignant des niveaux alarmants et laissant les habitants dans un état constant de peur (UNODC, 2021).

Par conséquent, l’impact sur les populations est dévastateur. Des témoignages recueillis sur le terrain révèlent que de nombreux résidents vivent dans l’angoisse quotidienne, craignant pour leur sécurité personnelle et celle de leurs proches. Par exemple, une mère de famille a déclaré : « Nous ne savons jamais si nous allons rentrer chez nous en sécurité. » Chaque jour est un combat pour survivre » (Rapport Humanitaire Haiti, 2022). Les statistiques corroborent ces témoignages : une enquête menée par l’Institut Haïtien de Statistiques et d’Informatique (IHSI) montre qu’environ 60 % des habitants de Delmas 30 ont été directement touchés par la violence au cours des six derniers mois (IHSI, 2023). Toutefois, les conséquences sur l’accès aux services essentiels sont également alarmantes. L’éducation est particulièrement affectée ; de nombreuses écoles ont été contraintes de fermer temporairement en raison des violences, privant ainsi les enfants d’un accès à l’instruction (UNICEF, 2022). Une étude récente a révélé que près de 40 % des enfants dans la région n’avaient pas accès à une éducation formelle en raison des conditions sécuritaires (Groupe de travail sur l’éducation en situation d’urgence, 2021). Cela compromet non seulement leur développement personnel mais également l’avenir du pays.

Du coup, il faut ajouter aussi, les établissements médicaux sont souvent pris pour cibles lors de conflits entre gangs, ce qui empêche les résidents d’accéder à des soins médicaux appropriés. Une enquête menée par Médecins Sans Frontières a montré que plus de 50 % des patients potentiels n’ont pas pu se rendre dans les centres de santé en raison de la peur d’être attaqués (MSF, 2023). De plus, la disponibilité des médicaments et des services essentiels est drastiquement réduite dans ces conditions précaires. Dans ce contexte chaotique, les défis pour l’aide humanitaire se multiplient. Les organisations doivent développer des stratégies adaptées pour répondre aux besoins immédiats tout en prenant en compte les dynamiques locales complexes. Une approche intégrée est essentielle pour améliorer la situation à Dèlmas 30 et offrir un avenir meilleur aux habitants.

Déplacements forcés et leurs implications 

Les déplacements forcés à Delmas 30, provoqués par la violence et l’insécurité croissantes, ont des conséquences profondes sur la vie quotidienne des habitants. Ce phénomène est le résultat d’une combinaison de facteurs, notamment l’augmentation des activités criminelles et la lutte pour le contrôle de territoires par des gangs armés. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), plus de 200 000 personnes ont été déplacées en raison de la violence en 2022, ce qui témoigne d’une crise humanitaire sans précédent (OCHA, 2022). À noter que, la violence est la principale cause des déplacements forcés à Dèlmas 30. Les affrontements entre gangs rivaux ont non seulement engendré des pertes humaines, mais ont également détruit des infrastructures essentielles. Les habitants se trouvent souvent confrontés à un choix déchirant : fuir leur domicile ou risquer leur vie. Un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) souligne que 70 % des déplacés signalent avoir quitté leur maison en raison de menaces directes (OIM, 2023). La peur constante d’être attaqués ou kidnappés pousse les gens à abandonner leurs biens et à se réfugier dans d’autres  zones.

Conditions de vie des déplacés dans les camps

Les conditions  de vie dans les camps des déplacés sont extrêmement précaires. Les personnes déplacées se retrouvent souvent dans des abris temporaires, sans accès adéquat à l’eau potable ou aux installations sanitaires. Une étude menée par Médecins du Monde révèle que près de 80 % des déplacés vivent dans des conditions insalubres, exposant ainsi les populations vulnérables à des maladies infectieuses (Médecins du Monde, 2023). De plus, l’accès limité aux services de santé aggrave encore leur situation. Les femmes et les enfants sont particulièrement touchés, avec un nombre croissant de cas de malnutrition et de violences basées sur le genre signalés dans ces camps (UNICEF, 2023).

Analyse des besoins humanitaires

L’analyse des besoins humanitaires à Delmas 30 met en évidence une multitude d’exigences urgentes. Selon un rapport du Programme alimentaire mondial (PAM), plus de 50 % des personnes déplacées souffrent d’insécurité alimentaire sévère (PAM, 2022). L’aide alimentaire doit être une priorité absolue pour répondre aux besoins nutritionnels immédiats tout en envisageant des solutions durables.

En outre, l’accès à l’éducation est quasiment inexistant pour les enfants déplacés. Selon le rapport du Groupe de travail sur l’éducation en situation d’urgence, environ 60 % des enfants dans ces camps n’ont pas accès à une éducation formelle (Groupe de travail sur l’éducation en situation d’urgence, 2021). Cela compromet non seulement leur futur mais également celui du pays tout entier. En conséquent, les organisations humanitaires doivent également se concentrer sur la protection et le soutien psychosocial. L’UNICEF souligne que les enfants déplacés sont particulièrement vulnérables aux traumatismes et nécessitent un soutien psychologique adapté (UNICEF, 2023). La mise en place d’espaces sécurisés pour les enfants est essentielle pour leur bien-être. Un engagement coordonné entre les ONG internationales  et locales est impératif pour améliorer les conditions de vie des déplacés et répondre efficacement à leurs besoins. Cela inclut le renforcement de la capacité locale à fournir une aide durable et la création de programmes visant à favoriser l’intégration socio-économique.

Rôle de l’aide humanitaire

L’aide humanitaire joue un rôle crucial dans la réponse aux crises engendrées par les violences et les déplacements forcés à Dèlmas 30. Face à une situation de plus en plus précaire, diverses organisations non gouvernementales (ONG) et programmes gouvernementaux s’efforcent de fournir assistance et soutien aux populations touchées.

À noter que, de nombreuses ONGs, telles que Médecins Sans Frontières et le Comité international de secours, mettent en œuvre des programmes d’assistance alimentaire, de soins de santé et de soutien psychosocial. Par exemple, selon un rapport de Médecins du Monde, des cliniques mobiles ont été mises en place pour atteindre les communautés isolées (Médecins du Monde, 2023). Parallèlement, le gouvernement haïtien collabore avec des agences internationales pour coordonner les efforts d’aide. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a lancé des initiatives visant à distribuer des vivres et à établir des cantines scolaires pour les enfants déplacés (PAM, 2022).

Évaluation de l’efficacité de l’aide apportée

L’évaluation de l’efficacité de l’aide humanitaire est essentielle pour garantir que les ressources atteignent ceux qui en ont le plus besoin. Une étude menée par l’International Rescue Committee (IRC) révèle que bien que l’assistance soit cruciale, elle est souvent insuffisante pour répondre à l’ampleur des besoins (IRC, 2022). Les bénéficiaires expriment souvent une satisfaction mitigée quant à la qualité des services offerts, soulignant la nécessité d’une approche plus intégrée qui va au-delà de l’assistance immédiate.

Toutefois, malgré les efforts déployés, plusieurs obstacles entravent la mise en œuvre efficace de l’aide humanitaire. La sécurité est un enjeu majeur : les travailleurs humanitaires sont parfois victimes d’attaques ou de vols, ce qui limite leur capacité à opérer dans certaines zones (Human Rights Watch, 2021). De plus, la corruption et la bureaucratie au sein des institutions gouvernementales compliquent encore davantage la distribution d’aide. Une enquête du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) indique que près de 30 % des ressources destinées à l’aide humanitaire sont perdues en raison de ces facteurs (OCHA, 2022). La mobilisation communautaire est également essentielle pour surmonter ces défis. Les initiatives visant à impliquer les bénéficiaires dans la conception  et la mise en œuvre des programmes peuvent améliorer leur efficacité et leur durabilité. Ainsi donc, bien que l’aide humanitaire soit vitale pour atténuer les souffrances à Dèlmas 30, un engagement renouvelé vers une approche collaborative et sécurisée est nécessaire pour maximiser son impact.

Perspectives pour le développement

Face aux violences et aux déplacements forcés qui affectent la vie quotidienne des habitants de Dèlmas 30, il est essentiel de réfléchir à des perspectives de développement qui vont au-delà de l’aide humanitaire immédiate. Une approche intégrée qui combine sécurité, développement socio-économique et participation communautaire pourrait contribuer à stabiliser la région et améliorer les conditions de vie des populations affectées.

À noter que, une stratégie efficace doit inclure des initiatives visant à renforcer la sécurité. Cela pourrait impliquer le renforcement des capacités des forces de police locales et la mise en place de programmes communautaires de prévention de la violence. Une étude du Centre international pour la sécurité et la coopération (CISAC) souligne que des initiatives locales peuvent réduire considérablement les taux de criminalité lorsqu’elles sont soutenues par des formations appropriées et un meilleur financement (CISAC, 2022).

Parallèlement, le développement socio-économique doit être au cœur des interventions. Des programmes d’emploi ciblés, tels que ceux proposés par l’Organisation internationale du travail (OIT), peuvent aider à créer des opportunités pour les jeunes, réduisant ainsi le risque d’engagement dans des activités criminelles (OIT, 2023). De plus, le soutien à l’agriculture locale et aux petites entreprises peut également contribuer à renforcer l’économie locale, comme le souligne un rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur la résilience économique en Haïti (PNUD, 2021).

Rôle des acteurs locaux et internationaux

Les acteurs locaux jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre de ces stratégies. Les organisations communautaires peuvent fournir une connaissance approfondie des besoins spécifiques de la population et sont souvent mieux placées pour mobiliser les ressources nécessaires. Une étude menée par le Réseau haïtien pour la défense des droits humains (RNDDH) montre que les initiatives portées par des groupes locaux ont souvent un impact plus significatif que celles imposées par des acteurs externes (RNDDH, 2022). Cependant, l’engagement d’acteurs internationaux est également indispensable. Les agences multilatérales comme l’Union européenne et les Nations Unies doivent fournir un soutien technique et financier pour renforcer la capacité institutionnelle en matière de gouvernance et de développement durable. Le rapport du Conseil de sécurité des Nations Unies sur Haïti souligne l’importance d’une approche coordonnée entre les différents partenaires internationaux pour garantir une réponse efficace aux crises humanitaires (ONU, 2023). Bref, les perspectives pour le développement à Delmas 30 nécessitent une approche intégrée qui lie sécurité et développement socio-économique. En collaborant étroitement avec les acteurs locaux tout en bénéficiant du soutien international, il est possible d’instaurer un environnement plus stable et propice au développement durable.

CONCLUSION

Ce phénomène de violence armée dans l’air Métropolitaine de Port-au-Prince, attire l’attention, mais les fins qu’il poursuit échappent souvent à l’intelligence. Ses causes relèvent à la fois de la crise institutionnelle, de la pauvreté et de la frustration. La première renvoie à l’irrationalité policière, à l’affaiblissement du système judiciaire, à l’absence de projet politique et à l’État moribonde et voyou. La pauvreté nous renvoie au chômage, à la compétition pour les ressources disponibles, à la différenciation  des populations et à l’exclusion. La frustration est caractérisée par la stigmatisation et le mépris, par la précarité et la misère, et par un système d’éducation à deux vitesses. Ainsi, cette violence armée se manifeste sous des formes multiples, dont les plus pertinentes sont : instrumentale, destructrice, et physique entre autres.  Elle est aussi instrumentale, parce qu’elle sert de moyen pour toutes les classes sociales, voire même des individus ou des groupes pour atteindre leurs objectifs politiques, économiques et sociaux. Elle est destructrice en raison de ses impacts corporels et psychiques sur l’ensemble des citoyens et citoyennes du pays notamment sur les victimes directes de cette violence. Ce phénomène de violence armée dans l’air métropolitaine de Port-au-Prince, spécialement à Delmas 30 nous amène à la conclusion selon laquelle deux valeurs de justice s’affrontent dans cette société, à savoir l’égalité collective et l’égalité individuelle, sans que l’une n’arrive à s’imposer ou à cohabiter avec l’autre, pour parler à la manière d’Emerson JEAN BAPTISTE.

L’impact des violences et des déplacements forcés sur la vie quotidienne des habitants de Delmas 30 souligne la nécessité d’une réponse multidimensionnelle aux crises humanitaires. Les défis rencontrés par les communautés, tels que la sécurité précaire, l’instabilité économique et la dégradation du tissu social, nécessitent une approche intégrée qui combine la sécurité et le développement socio-économique. Les initiatives locales sont essentielles pour garantir que les interventions répondent aux besoins spécifiques des populations. En renforçant les capacités des acteurs communautaires, on peut favoriser une résilience durable face aux crises. Parallèlement, le soutien des acteurs internationaux est crucial pour apporter les ressources techniques et financières nécessaires à ces efforts. Pour aller de l’avant, il est impératif d’établir un dialogue continu entre les communautés locales, les organisations non gouvernementales et les agences internationales. Bref cette collaboration permettra de concevoir des programmes adaptés qui prennent en compte les réalités vécues par les habitants de Dèlmas 30. En investissant dans des solutions durables et inclusives, il est possible de restaurer l’espoir et de créer un environnement propice au développement. Ainsi donc,  en unissant les forces pour relever ces défis complexes, il sera possible de transformer Delmas 30 en un modèle de résilience et de progrès pour d’autres régions d’Haïti. Le chemin est long, mais avec une vision claire et un engagement partagé, un avenir meilleur est à portée de main.

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