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Peut-on diriger Haïti depuis le Connecticut ? L’étudiant Laurent Saint-Cyr et l’irresponsabilité dans la conduite des affaires publiques

today2025-07-24

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Haïti : Laurent Saint-Cyr entre pouvoir d’État et bourse d’excellence — l’ambiguïté d’un leadership en transition

Laurent Saint-Cyr, membre du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) in-nihilo depuis avril 2024, incarne à la fois les ambitions d’un secteur privé haïtien institutionnalisé et les contradictions inhérentes à la gouvernance en contexte de grave crise prolongée. Représentant officiel du patronat haïtien au sein du CPT, il est appelé à en assumer la présidence tournante en août 2025, à un moment où la légitimité de cette instance est sévèrement remise en question par divers acteurs pour son incapacité totale à juguler la crise, dont la Conférence Épiscopale des Evêques d’Haïti. Celle-ci déplore l’incapacité du Conseil à initier une sortie réelle de l’« état défaillant » du pays.

Or, M. Saint-Cyr est également présenté comme le tout premier bénéficiaire du programme Yale Peace Fellowship, au sein de la Jackson School’s International Leadership Center (Connecticut, États-Unis). Ce prestigieux programme s’adresse aux leaders émergents engagés dans la transformation des institutions démocratiques, et repose sur une présence résidentielle sur le campus de Yale. Le site officiel de l’université précise que Saint-Cyr, en tant qu’inaugural Peace Fellow, y poursuit une formation académique intensive, en parallèle de ses fonctions nationales. Cette simultanéité d’affiliations institutionnelles met en évidence des enjeux majeurs d’ordre juridique, éthique et politique, notamment quant à la compatibilité des obligations inhérentes à la fonction présidentielle de transition avec les exigences de présence, d’engagement et de disponibilité que requiert un programme académique résidentiel de haut niveau.

Avant son intégration – canalisée au CPT, par ses pairs, Saint-Cyr a été membre du Haut Conseil de Transition,mort-né et budgétivore – entité éphémère censée promouvoir le dialogue national. Il a également dirigé plusieurs structures économiques, notamment la Chambre de commerce et d’industrie d’Haïti (CCIH), la Chambre de commerce américaine, ainsi que l’Alternative Insurance Company (AIC), où il a siégé comme directeur exécutif et membre du conseil d’administration. Ce parcours témoigne d’une insertion durable au sein des cercles d’affaires haïtiens, mais interroge également la pertinence de sa participation à un programme destiné aux « leaders émergents », alors même qu’il occupe déjà une fonction exécutive au sommet de l’appareil d’État.

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À cela s’ajoutent des éléments de nature opaque : les nombreux déplacements internationaux de M. Saint-Cyr — aux Etats-Unis, en France, à Londres en Angleterre ou en Jamaïque — n’ont jamais donné lieu à des rapports publics, ni à des comptes rendus diplomatiques. À plusieurs reprises, son absence des activités officielles en Haïti a été constatée sans justification ni communication préalable. Par ailleurs, bien que sa participation à la conférence de la CARICOM en Jamaïque ait été annoncée à la dernière minute, aucune trace officielle à son retour en Haïti — ni image institutionnelle, ni prise de parole publique — ne permet d’attester de la teneur de ce déplacement, ni d’en apprécier la portée effective au regard des principes de transparence et des exigences de redevabilité en matière de gouvernance.

Il demeure également inexpliqué comment et par quels moyens financiers M. Saint-Cyr finance ses études aux États-Unis. La question de la prise en charge des frais de formation — à l’heure où l’État haïtien peine à payer ses enseignants, ses fonctionnaires et à sécuriser son territoire — touche au cœur de la responsabilité politique. Poursuivre des études prestigieuses à Yale tout en siégeant à la tête de l’exécutif transitoire haïtien représente, au minimum, un conflit de temporalité, sinon un conflit d’intérêts.

Ce cas met en évidence une tension structurelle plus profonde entre l’exercice d’une charge publique au sommet de l’État et les dynamiques de trajectoires individuelles orientées vers l’accomplissement personnel. Dans un contexte marqué par une vacance institutionnelle prolongée, les choix et l’attitude de M. Saint-Cyr contribuent à fragiliser davantage la crédibilité d’un processus de transition présenté comme inclusif, mais demeurant en réalité dissocié des impératifs fondamentaux de transparence, de redevabilité et de dévouement exclusif aux intérêts de la République.

Ne peut-on dès lors considérer que l’étudiant Saint-Cyr exerce une présidence de facto par procuration, se contentant d’entériner, depuis l’étranger et au fil de ses longues absences, les décisions du Conseil présidentiel de transition, même lorsque celui-ci reste passif face à la violence endémique des gangs qui, impunément, violent des mineures, détruisent les infrastructures publiques et maintiennent la population dans un climat permanent de terreur ?

A suivre!

Equipe de rédaction de Rezo Nòdwès

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