par Hancy PIERRE, chargé de projet CEPODE-FASCH-UEH.
La question de la décentralisation et du développement local est au centre des interventions des formateurs qui se sont prestés dans le cadre de l’atelier thématique des 22 et 23 mars 2025.En effet, cet atelier conduit sous le leadership technique de l’Université d’État d’Haïti (UEH) a appelé à utiliser des capacités conceptuelles et théorico-méthodologiques pour comprendre les enjeux dans les relations haïtiano-dominicaines, identifier les freins aux politiques publiques de concertation pour l’action régionale en matière de développement et limiter le cours des attitudes volontaristes tout en amorçant une perspective critique de compréhension du problème. L’UEH au regard de sa mission de service à la communauté et par la recherche-formation met son expertise à la cause de la coopération au développement. Une vingtaine de professeurs chercheurs s’impliquent dans le projet de dialogue binational entre Haïti et la République dominicaine.
La question de la décentralisation est récurrente dans les postures des différents formateurs. Dans le cas du docteur Paul Antoine BIEN-AIMÉ ,il a évoqué des initiatives des mairies des communes frontalières à travers l’Association de Maires frontaliers haïtiens fondée à Thomonde en 2007 qui établit déjà des contacts fonctionnels et des relations de bon voisinage avec les maires de la République dominicaine. Mais ces relations ne sont pas inscrites dans un cadre de concertation et de projet de développement pour l’ensemble de la frontière. Cette association a évolué en instituant un autre acte constitutif en 2017 mais les élans sont relativement limités pour le moment vu l’absence d’institutionnalisation dans le cas du fonctionnement des collectivités territoriales notamment l’absence du Conseil départemental qui est appelé à définir le plan départemental de développement et conduit à l’aménagement du territoire.
Les mairies s’occupent des affaires locales mais il n’y a aucune relation au niveau fonctionnel ni structurel avec les instances supérieures pour se circonscrire dans une vision plus large du développement. Si les relations entre les pouvoirs centraux au plus haut niveau des deux Etats sont distants et quelques fois marquées de tensions, les mairies frontalières des deux côtés ont souvent exploré des mécanismes de concertation communale et d’échanges. Cependant beaucoup d’instances se sont impliquées dans l’encadrement du travail des mairies frontalières en République dominicaine en articulant les niveaux national,régional,provincial et local avec une division inter-institutionnelle. Les instances qui appuient l’action des mairies sont les suivantes :
-direction de politique de développement des zones frontalières relevée du ministère de l’économie,du plan et du développement dominicain:
-observatoire des zones frontalières qui tient lieu d’instance académique et de recherche en intégrant les universités comme l’une des parties prenantes;
-conseil de coordination des zones frontalières;
-conseil national des frontières;
-direction générale de développement frontalier.
Toutes ces entités réalisent une action intégrée où les mairies se manifestent comme acteurs alors que du côté haïtien les mairies se limitent aux plans communaux de développement de la zone frontalière. Ce qui témoigne d’une implication inégale des acteurs locaux des communes frontalières en Haïti par rapport à ceux de la République dominicaine. Le ministère de planification et de la coopération externe (MPCE) donne des indications d’ordre méthodologique. Il y a lieu de noter, selon le Dr BIEN AIMÉ ,un déséquilibre conceptuel et institutionnel dans cette lignée. Ce Ministère a tenté de renforcer son sens d’appropriation du processus intégré d’un plan de développement avec une capitalisation des communes frontalières en 2015.Ce qui n’a pas abouti compte tenu des impondérables des conjonctures de tensions politiques. Un travail d’étude a été réalisé en la circonstance ayant fixé quatre grands objectifs. Les objectifs sont les suivants :
1) Intégrer le territoire frontalier au territoire national;
2)Créer des pôles de croissance et de développement;
3)Construire un nouvel espace de développement économique et sociale :
4)Créer de nouvelles stratégies d’intégration sociale avec tous les corps de l’Etat.
Le grand défi est la volonté des deux côtés de la frontière les masses sont conscientes de la nécessité d’un rapprochement. Mais le déséquilibre plus haut évoqué renseigne sur les difficultés à réaliser ce rêve. Quand l’Union Européenne appuie des projets de type régional, là République s’est déjà disposée d’une machinerie institutionnelle, conceptuelle et technico-opérationnelle qui lui fait doter de capacités de s’adapter. Ce qui fait défaut à Haïti. Le fonctionnement de marchés binationaux du côté haïtien est à la traîne des activités de spéculation (Ouanaminthe Anse À Pitres).Quant à la Commission Mixte Bilatérale-Haïti n’existe que de nom. Entretemps, les mairies dominicaines incitent les mairies haïtiennes à explorer avec elles l’approche de concertation communale.
S’agit-il de considérer l’effort des autorités dominicaines en termes de promotion et de mise en œuvre de politique de développement des territoires frontaliers alors que le modèle dominant de développement est axé sur les services en valorisant l’essor de la capitale et de grandes villes. Des migrations rural-urbaines et l’émigration sont récurrentes ce qui renvoie à une certaine ambivalence de la question de la décentralisation alors pertinente pour la concertation communale dans une perspective de dialogue binational.
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