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« L’Homme de Fer d’Asie » refait surface grâce à ce nouveau documentaire

today2025-03-11

« L'Homme de Fer d'Asie » refait surface grâce à ce nouveau documentaire
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Il fut le premier taïwanais à remporter une médaille d’argent

Publié à l’origine sur Global Voices en Français

Rafer Johnson (à gauche) et C.K. Yang (à droite). Image d’archives issue du documentaire Decathlon: The C.K. Yang and Rafer Johnson Story, disponible sur la chaîne YouTube Taiwan Plus News

C.K. Yang, le premier Taïwanais à avoir gagné une médaille d’argent aux Jeux Olympiques, est une figure commençant à tomber dans l’oubli. C’est pourquoi un nouveau documentaire intitulé « l’Homme de Fer d’Asie » pourrait bien mettre en lumière ce décathlonien des années 60.

La présence de Taïwan et sa visibilité aux Jeux Olympiques sont le résultat d’une longue histoire de destruction et de déni culturel, en partie dû aux profonds bouleversements qui ont marqué l’histoire de l’Asie de l’Est. Fondée sur les ruines de la Dynastie Qing (1644-1911), La République de Chine, établie en Chine Continentale dès 1912, participera à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques en 1924 et elle y enverra ses premiers athlètes en 1932. Taïwan, colonie japonaise de 1895 à 1945, enverra des athlètes concourir sous le drapeau japonais en 1932 puis en 1936, à Los Angeles et Berlin. Aux jeux de Londres en 1948, des athlètes taïwanais participeront sous l’égide de la Chine. Puis, de 1956 à 1972, les athlètes taïwanais participeront exclusivement sous le drapeau de la République de Chine. Mais en 1976, le Canada interdit aux athlètes taïwanais de concourir avec la Chine.

Cette interdiction prend place peu après l’arrivée de la Chine sur la scène politique internationale. Suite à une pression venant de Pékin, le Comité international olympique a cependant laissé Taïwan concourir sous un nom et un drapeau crée de toute pièce. C’est de là que vient le nom assez ambigu de « Taipei chinois » ainsi que le fameux drapeau blanc reproduisant les couleurs et les symboles de la République de Chine. Encore aujourd’hui, il s’agit du seul drapeau sous lequel les athlètes taïwanais ont le droit de concourir.

Les polémiques impliquant Taïwan et les Jeux olympiques sont encore nombreuses. Récemment, la boxeuse taïwanaise Lin Yu-ting a été victime une campagne de harcèlement misogyne suite à sa victoire aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Le public, certains athlètes et même des ambassadeurs russes aux Nations unies ont contesté son genre.

Pour plus d’informations, lire : Taiwan embraces Olympic gold medal boxer Lin Yu-ting amid unwarranted gender controversy (Taïwan célèbre la boxeuse Lin Yu-ting, médaillée d’or olympique, en marge d’une controverse injustifiée sur le genre)

Lin Yu-ting n’est cependant pas la première athlète d’origine taïwanaise à subir le courroux de ses adversaires. Aux jeux de Rome en 1960, C. K. Yang, « l’Homme de Fer d’Asie » est devenu le premier athlète portant un nom chinois à avoir remporté une médaille d’argent aux Jeux olympiques. Son histoire est un véritable miroir reflétant les changements qu’a connus l’île depuis une centaine d’années. Maysang Kalimud est né en 1933 dans ce qui était autrefois « le Taïwan japonais ». Membre de la communauté indigène des Amis, il utilisera le nom chinois Yang Chuan-kwang (楊傳廣) à l’international où il sera reconnu comme C. K. Yang. Dans les années 50, il brillera lors des Jeux asiatiques et il sera reconnu comme un athlète extrêmement talentueux. Aux Jeux olympiques de 1960, la victoire à l’épreuve du décathlon (dix épreuves constituées de quatre courses, de trois sauts et de trois lancers) lui échappe de justesse. Il termine la course avec une médaille d’argent.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, il deviendra ami avec l’athlète américain Rafer Johnson et partagera le même entraîneur, tout en sachant qu’ils devraient s’affronter pour obtenir la médaille d’or en 1960. Même si Yang finira par arriver second, il sera accueilli en héros dans son pays et deviendra une icône pour la visibilité de Taïwan dans le monde. Malheureusement, bien que Taïwan possède énormément d’archives de ses exploits, le pays est aujourd’hui en ruines, et énormément de jeunes taïwanais ne savent pas qui est C.K. Yang. Cette ignorance est d’autant plus accentuée par le fait que son ami Rafer Johnson, Afro-Américain ayant commencé sa carrière malgré son appartenance à une communauté racialement discriminée, est considéré comme un héros, tant dans le sport que dans la politique, grâce au long combat qu’il a mené pour les droits civiques.

Pour en apprendre plus sur le voyage incroyable de C.K. Yang, voyage qui finira par le porter dans l’anonymat, Global Voices a interrogé le cinéaste Frank W Chen (陳惟揚) ayant récemment réalisé un documentaire de 45 minutes retraçant l’histoire de C. K. Yang et de son comparse Rafer Johnson. Le documentaire est produit par Mike Chinoy, ancien correspondant de CNN en Chine. Frank W Chen est un cinéaste-documentariste et un concepteur d’architectures d’origine taïwanaise et canadienne. La majorité de son travail se fait entre New York et Taipei. Cette interview s’est déroulée par e-mail, à la suite d’une diffusion publique de son film à Taipei.

Portrait de Frank W Chen par Chien-Ming Wang. Photo utilisée avec permission.

Filip Noubel (FN) : Que ce soit le joueur de baseball Chien-Ming Wang ou C. K. Yang, qu’est-ce qui vous pousse à raconter les histoires de sportifs taïwanais?

Frank Chen (FC): Born in Taiwan but having spent most of my life in the US and Canada, I often encounter the need to explain where I was from, what my home country is about. Through its people, food, history, or in general, the memories and stories that I tell, I’ve always made sure to go above and beyond in sharing anything Taiwan related. Having this deep attachment to my homeland, whenever a Taiwanese who’s made it in the US or onto the world stage, I share that pride and proudness as a fellow countryman. These sports documentaries became a perfect medium. They satisfy an urge and an innate desire for storytelling, through audio and visual means, I’m able to not only preserve and extend the story of these Taiwanese athletes to a much broader audience, but also highlight the unique and precarious existence of my homeland.

Frank Chen (FC) : Je suis né à Taïwan, mais j’ai passé la majorité ma vie aux États-Unis et au Canada, donc j’ai souvent l’impression de devoir expliquer d’où je viens. Je raconte à quoi ressemble mon pays d’origine, comment sont les gens, le goût de la nourriture. Je m’assure toujours de raconter le maximum possible dans les souvenirs et les histoires que je partage. Puisque je suis très attaché à mon pays, dès qu’un Taïwanais arrive à briller aux États-Unis ou dans le monde, en bon compatriote, je ne peux pas m’empêcher de ressentir une certaine fierté. C’est pour ça que ces documentaires sportifs sont parfaits pour transmettre ce que je ressens. Au travers de moyens visuels et audios, ils peuvent satisfaire ce besoin que j’ai de raconter des histoires. Ils me permettent non seulement de préserver et de transmettre les histoires de ces athlètes taïwanais à un public plus large, ils me permettent également de mettre en valeur les caractéristiques uniques de ma patrie.

FN : Pourquoi les Taïwanais ne se souviennent-ils pas de C.K. Yang? Est-ce que vous pensez que votre documentaire peut aider à raviver un certain intérêt pour son histoire? Et pensez-vous que le gouvernement va un jour agir pour réparer sa «maison de fer» et le faire entrer au patrimoine culturel?

FC: The legacy of C.K. Yang is complex and intricate as it embodied so much of Taiwan’s history in relation to athletic development, politics, Indigenous people and culture.

It was also over 64 years ago that C.K. Yang won his silver medal at the Rome Olympics, so the collective memory of him has definitely faded. I think our film came out at a good time as we celebrate our athletes returning from the Paris Olympics, while the government plans to create a new Ministry of Physical Education and allocate a larger annual budget for sports development. It’s my hope that our film serves to stir up the conversation, calling attention to the proper memorialization of our sporting heroes of the present and the past. So far there hasn’t been much happening, but I remain optimistic. It’ll take a small but dedicated group of people, as well as the family members of Yang in the US and Taiwan to begin moving the needle, preserving Yang’s legacy, repairing the Iron Man House. I would love to play a role in it, or even document the process.

FC : L’héritage de C.K. Yang est très complexe, il incarne non seulement l’évolution de Taïwan d’un point de vue sportif, politique et culturel, il représente également les peuples autochtones du pays.

De plus, cela fait déjà plus de 64 ans depuis l’obtention de sa médaille d’argent aux Jeux olympiques de Rome, il est donc forcément moins présent dans la mémoire collective. Je pense que notre film arrive au moment parfait, puisque nous célébrons justement le retour de nos athlètes des Jeux olympiques de Paris. Le ministère de l’Éducation Physique prévoit également l’allocation d’un plus grand budget pour le développement du sport. J’espère que notre film pourra lancer une discussion afin de mettre en œuvre les moyens nécessaires à une véritable commémoration de nos sportifs d’hier et d’aujourd’hui. Actuellement, il n’y a rien qui est vraiment mis en place, mais je garde espoir. Il suffira d’un petit groupe assez déterminé et aidé par les descendants de Yang aux États-Unis et à Taïwan pour faire bouger les choses. Pour préserver son héritage et faire réparer « la maison de l’homme de fer ». J’adorerais faire partie de ce processus, ou mieux encore, documenter le tout.

FN : D’après vous, y a-t-il d’autres figures taïwanaises de la diaspora nord-américaine (ou liés de près à cette partie du monde, comme c’était le cas de C.K. Yang) qui méritent d’être reconnues par les jeunes générations de Taïwan?

FC: I’d like to go with the subject of my next film, Yani Tseng, who won a total of 15 LPGA tours and was the top female golfer in the world from 2011 to 2013. She was the youngest golfer ever, male or female, to win five major championships, and was named on Time Magazine’s list of ‘100 Most Influential People’ in 2012. A decade removed from her peak, two hip surgeries later, she is still working to regain form and still competes at the US based LPGA tour. She was a household name back then, one of the original ‘Pride of Taiwan,’ but now largely forgotten by the younger generations in Taiwan. Our film intends to chronicle her rise to stardom, her quest to return to LPGA play after two major surgeries, but more importantly the lessons and learnings from her fall as she opens up to share her battle and struggle with depression.

FC : Oui, le sujet de mon prochain film : Yani Tseng. Elle a remporté 15 victoires sur le circuit de la LPGA et elle était considérée comme la meilleure golfeuse du monde de 2011 à 2013. Elle fut la plus jeune golfeuse, chez les hommes comme chez les femmes, à remporter cinq tournois majeurs. En 2012, elle était nommée dans la « liste des 100 personnes les plus influentes de l’année » du magazine Time. Plus de dix ans plus tard et après deux opérations aux hanches, elle continue de participer aux circuits américains de la LPGA en essayant de regagner sa forme. Elle était connue dans tous les foyers à l’époque, une véritable « fierté de Taïwan », mais la plupart des jeunes ne se souviennent plus d’elle. Notre film retracera son ascension vers la gloire, sa quête pour jouer de nouveau dans la LPGA malgré deux graves opérations des hanches, mais il retracera surtout les leçons qu’elle tire de sa chute et son dur combat contre la dépression.

Le documentaire est également disponible sur YouTube :

Écrit par: Viewcom04

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