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L’Edito du Rezo. Haïti – Pour combattre les gangs, Voltaire s’en remet …au miracle divin

today2025-02-02 1

L’Edito du Rezo.  Haïti – Pour combattre les gangs, Voltaire s’en remet …au miracle divin
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Voltaire a-t-il reçu une divine confirmation pour célébrer son carnaval au milieu des cendres encore fumantes des foyers de Kenscoff détruits par les gangs « de Martelly »?

De retour en Haïti après un long périple entamé la dernière semaine de janvier en Europe, le président du Conseil presidentiel de transition (CPT), M. Leslie Voltaire, a tenu des propos de nature à susciter la perplexité et le sarcasme. Loin d’annoncer des mesures concrètes pour contrer la montée en puissance des gangs qui paralysent le pays, il en appelle à un miracle de Notre-Dame du Perpétuel Secours pour pacifier Haïti.

Cette posture étonne d’autant plus que les Etats-Unis ont déjà investi plus de 600 millions de dollars pour faciliter le déploiement d’une force multinationale dirigée par le Kenya. M. Voltaire préfère maintenant miser sur l’intervention divine plutôt que sur des solutions étatiques, diplomatiques ou militaires. Il se réfère même à un précédent historique quand le pays n’était pas encore habité par des Conzés : en 1882, lors d’une épidémie, la ferveur religieuse du peuple haïtien aurait endigué la maladie. Aujourd’hui, ce n’est plus une épidémie virale qui ravage Haïti, mais une violence structurelle programmée et institutionnalisée qui gangrène l’État et sape toute tentative de redressement.

Si l’on suit la logique du fervent croyant Leslie Voltaire, président du Conseil Présidentiel de la Transition, la solution ne résiderait ni dans la police nationale, ni dans une éventuelle force internationale de l’ONU, ni dans le Conseil de gouvernement de Fis-Aimé pour consommation de l’internationale après son aveu d’impuissance à protéger les citoyens de Kenskof, ni dans une réforme des forces de sécurité, mais dans une prière collective pour chasser les gangs. Lespri gang deyò, lespri bandi deyò… Cette rhétorique nous renvoie à un point de vue capital : à quoi sert l’Etat si la réponse à l’insécurité est basée sur l’attente d’un miracle ? Voltaire, Gilles, Augustin, Vertillaire… et Fils-Aimé vont-ils désormais allumer des cierges et réciter des prières en attendant que le miracle divin dépose leur million sur leur compte en février ? Ou bien faut-il aussi une intervention céleste pour que les virements passent ?

Dans ce cas, a-t-on encore besoin d’un directeur général de la police ? D’un chef inutile de CSPN ? D’un ministre de l’Intérieur ? D’un ministre de la Sécurité publique ? D’un secrétaire d’État à la sécurité publique ? Apparemment non, puisque la stratégie du gouvernement est réduite à l’espoir que le divin viendra résoudre ce que la gouvernance n’a pas réussi à régler. Pendant ce temps, les gangs continuent de pratiquer leurs propres rituels vaudous, imposant leur loi dans de nombreuses régions du pays et opérant en toute impunité.

Outre cet appel à une intervention surnaturelle, M. Voltaire, – bon jan bra dwat ti Pè’a – a évoqué plusieurs annonces politiques importantes, depuis l’Hexagone. Il s’agit notamment de la réforme constitutionnelle, avec un référendum bidon si Bondye vle prévu le 11 mai 2025, date qui coïncide avec l’arrivée au pouvoir de Michel Martelly, par qui le chaos est arrivé. Il évoque également des élections prévues en novembre, mais dans quelles conditions ? Un pays livré aux gangs peut-il organiser des élections libres et transparentes ?

En l’absence de solutions concrètes à l’insécurité, toute perspective de stabilisation politique est compromise. Le pouvoir de transition se condamne à l’immobilisme, alors que la population souffre d’une violence quotidienne.

Depuis toujours, Haïti se veut une terre de paradoxes, où la politique flirte avec le mysticisme et où les crises successives se sont en général accompagnées d’un recours au divin – limen balèn, jete dlo, fè gwo sakrifis -. Mais dans un contexte où l’Etat peine déjà à assurer ses missions régaliennes, cette prophétie ne fait qu’accentuer le sentiment d’abandon et d’impuissance.

Reste la vraie question : l’appel au miracle est-il un aveu d’échec ou une simple stratégie pour gagner du temps face à l’urgence sécuritaire ? En tout état de cause, Haïti ne peut se permettre d’attendre une intervention divine alors que le chaos s’intensifie. Les solutions doivent être humaines, institutionnelles et politiques. Il ressort clairement de l’histoire que les nations ne se relèvent pas par des miracles, mais par des décisions fermes et des politiques courageuses en dehors de toute impunité. Haïti, pour sa part, continue d’hésiter entre l’action et la résignation mystique.

La foi ne saurait être une parole vaine jetée au vent lorsque ceux qui détiennent l’autorité foulent aux pieds les lois qu’ils sont censés incarner, ébranlant ainsi les fondations mêmes de la société.

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