Ce jeudi 5 juin 2025, lors d’une séance publique à l’assemblée nationale, les députés français ont adopté à la majorité absolue une résolution visant à la reconnaissance, au remboursement et à la réparation par la France de la « double dette » d’Haïti. Le cercle des élus français d’origine haïtienne (CEFORH) salue cette victoire historique et profite de l’occasion pour remercier de façon générale tous les groupes parlementaires qui ont voté pour cette résolution, et de façon particulière le groupe GDR qui a soutenu le texte par la voix du député Marcelin Nadeau.
Le 01 janvier 1804, Haïti proclama son indépendance après la victoire du général Jean-Jacques Dessalines et de son armée contre les troupes esclavagistes de Napoléon Bonaparte, devenant ainsi la première république noire du monde. En 1825, la France a exigé de la jeune république noire, sous la menace politique et militaire, le versement d’une somme de 150 000 francs or, évaluée aujourd’hui par le New-York times à 560 millions de dollars, soit 525 millions d’euros. Le versement de cette rançon est présenté comme une singularité et un non-sens dans l’histoire de l’humanité dans la mesure, où le vainqueur était contraint de dédommager le vaincu.
Pour régler cette somme exigée sous la menace, Haïti a dû emprunter auprès de banques françaises à des taux très élevés, d’où la « double dette » que le pays a dû rembourser au prix d’un sous-développement chronique et d’une instabilité politique dont les conséquences sont encore visibles de nos jours. L’économiste Thomas Piketty estime la perte de croissance financière due à cette rançon payée par Haïti pour la reconnaissance de son indépendance à 30 milliards d’euros.
Deux cents ans après les faits, l’assemblée nationale française vient d’adopter une résolution visant à reconnaitre cette injustice sans équivalent dans l’histoire de l’humanité. A travers ce vote historique, la République française décide enfin de regarder son passé colonial avec courage et lucidité, et de reconnaitre les torts causés non seulement à Haïti, mais au monde entier, car la révolution haïtienne avait une portée universelle. La victoire de l’armée haïtienne sur les troupes de Napoléon Haïti a non seulement sonné le glas de l’ordre esclavagiste, mais a rappelé au monde entier que la valeur d’un homme ne se mesure pas à la couleur de sa peau, mais à son courage, sa bravoure et son humanité. Haïti, à travers sa révolution, a donné une portée universelle à la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Malgré son caractère historique, ce vote ne représente pas l’aboutissement de la lutte vers le remboursement par la France de cette « double dette ». Les associations haïtiennes, les intellectuels et les amis d’Haïti doivent rester vigilants par rapport à la suite du processus. En attendant, le CEFORH souhaite rappeler à tous les haïtiens qu’ils sont les héritiers de ces femmes et de ces hommes exceptionnels qui ont su mettre de côté leur intérêt personnel pour s’unir autour d’un idéal commun. Ils sont les descendants légitimes des ces héroïnes et des héros qui ont su mettre de coté leur intérêt personnel pour s’unir autour d’un idéal commun, mettant en déroute l’ordre colonial, ouvrant la voie à la liberté et plaçant Haïti au sommet du monde libre.
La révolution haïtienne de 1803 n’aurait pas été possible sans l’union de toutes les composantes de la société haïtienne : nég bosal et nèg kreyòl, affranchis et esclaves, noirs et mulâtres. Les héros de l’indépendance haïtienne ont eu l’intelligence nécessaire pour mettre de côté leurs différences pour devenir les artisans de la seule révolte d’esclaves victorieuse de l’histoire.
Aujourd’hui, Haïti a besoin d’une nouvelle révolution pour se hisser de nouveau au sommet du monde. Cependant, cette prochaine révolution ne verra le jour que si les Haïtiens d’aujourd’hui s’inspirent des ancêtres d’hier. Cette révolution ne se réalisera pas sans une action concertée entre tous les Haïtiens, qu’ils vivent à l’étranger ou à l’intérieur du pays, qu’ils détiennent une double citoyenneté ou la seule citoyenneté haïtienne. Le redressement d’Haïti est une affaire de tous les haïtiens, sans exception aucune. Le fait pour un Haïtien d’avoir sa résidence principale en terre étrangère ou d’acquérir une citoyenneté étrangère ne saurait être interprété par la société haïtienne ni par la constitution de ce pays comme un signe de renonciation à la nationalité haïtienne ni un symbole de trahison envers les pères de la patrie. Le monde évolue vers un village global; Haïti, la première république noire du monde, doit s’adapter à cette évolution si elle veut survivre.
Au sein du CEFORH, nous avons choisi, pour des raisons diverses, de nous intégrer en France et d’apporter notre contribution à ce pays qui nous a accueillis sous sa devise : liberté, égalité et fraternité. En dehors de notre intégration et notre implication dans ce pays qui est devenu le nôtre, nous restons très attachés à Haïti et nous aimons ce pays tout comme nous aimons la France. Nos deux terres, nos deux patries et nos deux pays sont liés par la langue, l’histoire et la culture. Nous luttons pour une relation d’amitié entre la France et Haïti qui est à la fois juste, saine et durable. Notre combat pour la reconnaissance de la « double dette » d’Haïti par la France en est une preuve évidente. Nous refusons de choisir entre la terre qui nous a portés et celle qui nous a adoptés, ce serait comme demandé à un enfant de choisir entre sa mère biologique et sa mère adoptive. Le cercle fait le vœu que tous Haïtiens, sans exception, puissent un jour s’unir pour sortir le pays de cette crise multidimensionnelle dans laquelle il se trouve. Toute tentative d’exclusion d’une catégorie d’Haïtiens doit être interprétée comme un affront à l’esprit des héros de l’indépendance de ce pays et doit être par conséquent dénoncée et combattue.
Vive une Haïti ouverte à toutes ses filles et à tous ses fils.
Jocelyn JEAN LOUIS
Membre du Cercle des élus français d’origine haïtienne (CEFORH)
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