La guerre d’Israël contre Gaza au cœur de l’Eurovision 2024

Le spectacle a commencé, les manifestations également.

Publié à l’origine sur Global Voices en Français

Le groupe irlandais Bambi-Thug interprète sa chanson «Doomsday Blue» le premier jour des demi-finales de l’Eurovision. Le groupe est vêtu d’une tenue amusante et avant-gardiste, caractéristique des prestations de l’Eurovision. Image via Eurovision official YouTube.

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des
pages Web en anglais]

Si le concours annuel de l’Eurovision est surtout connu pour ses strass et paillettes tape-à-l’œil, les performances extravagantes dissimulent souvent des tensions politiques régionales et des conflits internationaux.

«Le plus grand concours de chanson» aura lieu du 7 au 11 mai à Malmö en Suède, et cette année tous les yeux seront rivés sur l’Israël, qui participe depuis longtemps au concours de chant européen malgré son éloignement géographique, et ce, en dépit du génocide qu’il mène actuellement contre Gaza.

Bien que les organisateurs insistent[fr] sur le fait que le concours de chanson de l’Eurovision est un «événement apolitique» et qu’il existe des règles interdisant aux participants de partager des slogans ou des programmes politiques, l’activisme n’est pas une nouveauté à l’Eurovision. Les années précédentes, le concours a été utilisé pour attirer l’attention sur la guerre de la Russie contre l’Ukraine, les libertés et droits LGBTQ+, l’inégalité entre les genres et bien plus. Beaucoup de candidats, électeurs ont par le passé, de la même manière, utilisé l’événement comme plateforme pour exprimer leurs griefs et ont dissimulé des messages politiques dans leurs chansons, tenues ou affiches.

Au cours des semaines précédant l’événement, des manifestants se sont fermement rassemblés devant l’hôtel de ville de Malmö, appelant les organisateurs à condamner les violences commises par Israël à Gaza et à les exclure de l’événement.

Des manifestants se rassemblent devant l’hôtel de ville de Malmö à la mi-avril pour appeler au boycott d’Israël. Capture d’écran via la vidéo YouTube de Reuters.

Les organisateurs suédois renforcent la sécurité autour de l’événement en prévision des manifestations liées au conflit entre Israël et Gaza. Avant l’événement, de nombreux appels ont été lancés pour qu’Eden Golan, 20 ans, la candidate israélienne de cette année, se retire, ainsi que des appels au boycott de l’événement si Golan y participe. Golan a refusé catégoriquement de se retirer et, dans une interview accordée à Reuters, a déclaré : «Je viens ici pour montrer ma voix, partager mon amour, mon don de Dieu et je l’espère, faire en sorte que les gens ressentent quelque chose et laissent une trace dans leur âme et qu’ils s’unissent par la musique».

Golan devait initialement interpréter une chanson originale intitulée «October Rain» qui faisait apparemment référence à l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre contre les colonies israéliennes. L’Union européenne de radiotélévision a contesté cette proposition et la chanson a depuis été modifiée et renommée «Hurricane.»

Alors que certains candidats utilisent la plateforme pour exprimer leur solidarité avec les Palestiniens. Eric Saade, 33, le candidat représentant la Suède en 2024 et qui possède des origines palestiniennes a porté un keffieh (une tenue traditionnelle palestinienne) autour de son poignée lors de sa performance pour protester contre la participation de l’Israël, ce qui lui a valu les éloges des fans et les critiques des producteurs de l’émission. La productrice exécutive de l’Eurovision Ebba Adielsson a publié une déclaration à ce sujet : «Eric Saade est parfaitement au courant des règles qui s’appliquent lorsque l’on se trouve sur la scène du concours de la chanson de l’Eurovision. Nous trouvons triste qu’il ait utilisé sa participation de cette façon.»

eric saade you will always be iconic pic.twitter.com/qTGyjTSgSt

— kellie⁷ (@indigoxseoul) May 7, 2024 

eric saade tu seras toujours une icône pic.twitter.com/qTGyjTSgSt

– kellie⁷ (@indigoxseoul) 7 mai 2024

Lors de la compétition préliminaire, le chanteur palestinien Bashar Murad a été choisi pour représenter l’Islande à l’événement, mais il a été éliminé avant la finale. Il a profité de son passage sous les projecteurs pour sensibiliser sur la situation de détresse des Palestiniens et est rapidement devenu un des favoris des fans. Il a également collaboré avec un ancien candidat islandais, le groupe Hatari, qui a failli être disqualifié lors du concours de l’Eurovision de 2017 pour ses déclarations politiques sur l’occupation de la Palestine par Israël. Hatari a sorti de nombreuses chansons en rapport avec la libération palestinienne.

Si l’Israël a eu le feu vert pour participer, la Biélorussie n’a pas été autorisée à participer aux concours de l’Eurovision depuis 2021 en raison des répressions de l’état contre les manifestants et des violations des droits humains commises par l’état. La Russie a été bannie ces deux dernières années depuis qu’elle a envahi l’Ukraine en février 2022.

Lors de la discussion sur l’interdiction de la Russie en décembre 2022, le directeur exécutif de l’Eurovision, Martin Österdahl, a déclaré que l’interdiction avait été un défi, mais il a ajouté : «Lorsque nous disons que nous ne sommes pas politiques, ce que nous devrions toujours défendre, ce sont les valeurs fondamentales et ultimes de la démocratie».

La chanteuse ukrainienne Alyona Alyona se produit pendant l’Eurovision, avec des effets spéciaux rappelant une pluie de bombes au-dessus d’elle. Image via YouTube Screenshot

Depuis que l’invasion a débuté en 2022, l’Ukraine a utilisé le concours Eurovision pour mobiliser le soutien du public au milieu dans le cadre de la guerre qui l’oppose à la Russie. L’Ukraine a remporté la compétition en 2022, et la chanson gagnante «Heart of Steel», est devenue une sorte d’hymne officieux dans le pays. Les candidats ukrainiens de l’année dernière ont choisi une chanson décrivant la terreur que les citoyens ont ressentie lors de la guerre, alors que les compétiteurs de cette année, Alyona Alyona et Jerry Heil, ont utilisé des images et des effets spéciaux faisant clairement allusion aux missiles russes et aux morts ukrainiens.

Alyona Alyona et Jerry Heil se produisent au-dessus d’une vidéo d’Ukrainiens au repos pendant leur spectacle du 7 mai 2024. Image via capture d’écran YouTube.

La prétendue inégale application des suspensions a entraîné beaucoup de controverse et appelle à boycotter l’Eurovision cette année.

Boycott Eurovision there’s absolutely no reason why Israel should still be in the competition while you dropped Russia https://t.co/3WbexCLa30

— (@Paliefer3) May 1, 2024

Boycotter l’Eurovision il n’y a absolument aucune raison pour qu’Israel soit encore dans la compétition alors que vous avez laissé tomber la Russie https://t.co/3WbexCLa30

– (@Paliefer3) 1er mai 2024

Russia continues to be barred from the Eurovision song contest for invading Ukraine. Palestinian flags are banned to avoid ‘politicising’ the event.

But the non-European state of Israel, currently carrying out a genocide in Gaza, is not only participating. Its flag will be… pic.twitter.com/w5z60vSr06

— Jonathan Cook (@Jonathan_K_Cook) May 7, 2024

La Russie continue d’être exclue du concours Eurovision de la chanson pour avoir envahi l’Ukraine. Les drapeaux palestiniens sont interdits pour éviter de «politiser» l’événement.

Mais l’État non européen d’Israël, qui se livre actuellement à un génocide à Gaza, ne se contente pas de participer. Son drapeau sera… pic.twitter.com/w5z60vSr06

– Jonathan Cook (@Jonathan_K_Cook) 7 mai 2024

Retrouvez l’intégralité des prestations des demi-finales de l’Eurovision dans la vidéo ci-dessous.

Ecrit par Sydney Allen Traduit par Geoffrey Masson · Voir l’article d’origine [en]