Haïti, Oligarques et État Capturé : Le Miroir Troublant de la Dérive Américaine
Par Patrick Prézeau Stephenson
Alors que les États-Unis affrontent une concentration de pouvoir sans précédent sous la nouvelle présidence Trump, avec l’influence tentaculaire du milliardaire Elon Musk sur les institutions publiques, Haïti incarne une version avancée et tragique de ce que les spécialistes appellent aujourd’hui la « capture de l’État ». Si certains à Washington s’inquiètent de la mainmise croissante de Musk sur les contrats publics [1], les Haïtiens vivent, eux, les conséquences directes et violentes d’un tel système depuis des décennies.
En Haïti, les alliances entre oligarques, réseaux criminels et politiciens ont sapé l’autorité de l’État, affaibli la démocratie et plongé le pays dans un chaos quasi-permanent. Et les parallèles avec la montée d’une « poligarchie » aux États-Unis – cette fusion toxique entre pouvoir politique et intérêts économiques – devraient alarmer bien au-delà des frontières haïtiennes.
Haïti : les “poligarques” au cœur du système
Dans le contexte haïtien, les oligarques ne sont pas de simples entrepreneurs fortunés. Ils sont les véritables architectes de la politique nationale. Détenant des monopoles sur le carburant, l’alimentation, les banques ou les télécoms, leur richesse repose souvent moins sur l’innovation que sur leur proximité avec les pouvoirs successifs.
Depuis les années 2000, plusieurs de ces puissants ont noué des liens avec des groupes criminels, finançant ou armant les gangs en échange de protection, de votes et de contrôle territorial. Aujourd’hui encore, ces « intouchables » dictent les décisions majeures dans l’ombre des ministères et orientent la politique sécuritaire comme les investissements publics.
Le résultat : Port-au-Prince est aux mains de gangs lourdement armés, parfois soutenus par des acteurs politiques et économiques. Leurs réseaux s’étendent désormais au-delà de la capitale, rendant presque toute action gouvernementale impossible sans leur assentiment.
Une alerte mondiale : de Port-au-Prince à Washington
Mais le plus inquiétant est que Haïti n’est pas une exception. C’est un signal d’alarme mondial.
Sous Trump, les États-Unis adoptent progressivement des pratiques similaires : des agences fédérales vidées de leurs cadres, des contrats publics réorientés vers des entreprises proches du pouvoir, des lois contournées au profit de l’exécutif. Le partenariat stratégique entre Trump et Elon Musk, qui bénéficie d’un accès privilégié à l’argent public, incarne ce virage vers une gouvernance au service des intérêts privés [1].
On appelle cela la poligarchie : quand la richesse achète le pouvoir, et que le pouvoir réécrit les règles pour servir ses mécènes. Ni Haïti ni les États-Unis ne sont seuls. De la Turquie à la Hongrie, en passant par l’Afrique du Sud et le Bangladesh, la capture de l’État est une pandémie politique moderne [1].
Les conséquences : déclin économique et chaos social
En Haïti, l’impact est dramatique : l’effondrement de l’éducation, du système judiciaire et des infrastructures. Les talents fuient, les entreprises honnêtes ferment, la corruption devient la norme.
Aux États-Unis, les signes sont plus récents, mais visibles : perte de confiance dans les institutions, polarisation extrême, attaques contre la presse, et instrumentalisation de l’administration. Comme en Haïti, les décisions économiques sont de plus en plus dictées par des intérêts partisans, non par des priorités publiques[1].
Et lorsque l’État devient l’instrument d’une élite, il cesse d’être le garant du bien commun.
Résister à la capture
Résister à cette dérive exige du courage et de la persévérance. En Haïti, cela passe par le démantèlement des réseaux mafieux et une refondation de l’État, ancrée dans la transparence et la justice sociale. Aux États-Unis, il s’agit de restaurer les contre-pouvoirs, de réformer le financement des campagnes et de redéfinir les limites entre affaires privées et politiques publiques.
Dans les deux cas, il ne s’agit pas seulement de politique, mais de démocratie et de dignité humaine.
Un proverbe haïtien dit : « Si la tempête frappe chez ton voisin, renforce ta propre maison. »
Il serait temps que Washington regarde Port-au-Prince non comme un pays à sauver, mais comme un avertissement à méditer.
Références
[1] Elizabeth David-Barrett April 4, 2025. Foreign Affairs. The Economic Consequences of State Capture. Oligarchs Are Warping Markets and Corrupting Economies Around the World.
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