Haïti (audio) : la proposition de l’OEA d’un dialogue avec les gangs terroristes jugée « indécente » par le Dr Renaud (NEHRHO)

« L’indécence du dialogue avec les bourreaux » : tensions croissantes entre l’OEA et les autorités haïtiennes

« Il ne peut y avoir de paix durable sans justice ni mémoire des souffrances infligées aux peuples. »
— Déclaration du Dr Josué Renaud, directeur exécutif de la NEHRHO

La dernière initiative du nouveau Secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), suggérant une démarche inclusive de dialogue avec des groupes criminels assimilables « terroristes », impliqués dans l’aggravation de la crise sécuritaire en Haïti, a suscité une onde de choc au sein de la société haïtienne, ainsi qu’une levée de boucliers au niveau institutionnel. Deux déclarations — l’une mesurée, émanant du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), et l’autre, plus directe et incisive, portée par le NEHRHO sous la voix du Dr Josué Renaud — ont exprimé un rejet catégorique d’une telle orientation, qualifiée de « moralement inacceptable et politiquement dangereuse ».

Un refus fondé sur l’éthique de la mémoire

Dans sa déclaration, le Dr Renaud ne cache ni son indignation ni la gravité de ses accusations. En qualifiant la démarche de l’OEA d’« immoralité indécente », il entend rappeler que les groupes évoqués par l’organisation régionale sont, pour une large part, responsables de crimes contre la population haïtienne : meurtres, incendies de quartiers entiers, déplacements forcés, enlèvements et destruction d’infrastructures vitales. Selon lui, la seule évocation d’un dialogue avec ces acteurs constitue une insulte à la mémoire des victimes et une atteinte à la dignité du peuple haïtien, abandonné à une précarité extrême.

Cette position ne relève pas seulement d’une réaction émotionnelle, mais d’un principe de justice transitionnelle : on ne négocie pas avec ceux qui, cinq années durant, ont été les principaux artisans de l’effondrement de l’État, sauf à institutionnaliser l’impunité, a-t-il argumenté.

Divergences profondes au sein de la diplomatie interaméricaine

La réponse du CPT, plus mesurée dans la forme, rejoint pourtant le fond du refus. Prenant acte de la volonté affichée du Secrétaire général de l’OEA, le Conseil Présidentiel rappelle que toute issue à la crise haïtienne doit s’inscrire dans une dynamique de réparation et de reconstruction, et non de cohabitation avec ceux qui ont mis en péril la survie même de la République. À cet égard, la position du CPT s’aligne sur les principes défendus par de nombreux acteurs régionaux en matière de paix post-conflit : la réinsertion des enfants soldats, la lutte contre les réseaux criminels, et le renforcement des capacités institutionnelles.

Cette opposition soulève une interrogation plus vaste : l’OEA agit-elle encore dans le respect des principes de la Charte interaméricaine ou poursuit-elle une logique d’apaisement à court terme, au risque de renforcer des acteurs armés non étatiques ? Ce dilemme n’est pas nouveau, mais il apparaît avec une acuité particulière dans le contexte haïtien, où la frontière entre politiques d’ajustement, tutelle régionale et instrumentalisation de la violence reste historiquement poreuse.

En toile de fond, cette controverse révèle l’urgence d’une redéfinition de la solidarité interaméricaine, qui ne saurait se résumer à des injonctions diplomatiques déconnectées du terrain. Pour le CPT comme pour le NEHRHO, le véritable soutien attendu consiste à renforcer les capacités de l’État haïtien à protéger ses citoyens, réinsérer les jeunes vulnérables, et rétablir les conditions d’un ordre démocratique fondé sur la redevabilité.

Face à une OEA en quête d’un rôle de médiation, les autorités haïtiennes rappellent que tout processus politique crédible doit s’appuyer sur la légitimité populaire, la justice pour les victimes, et une rupture claire avec les logiques de violence armée. Le dialogue, s’il doit avoir lieu, ne saurait se faire aux dépens de la mémoire collective, ni au bénéfice de ceux qui ont pris les armes contre la nation.

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