Rencontre en Jamaïque : le dossier haïtien au cœur des discussions régionales avec le secrétaire d’État américain Marco Rubio
KINGSTON — À la veille de la visite du nouveau secrétaire d’État américain Marco Rubio en Jamaïque, les dirigeants de la Communauté des Caraïbes (Caricom) se réunissent ce vendredi dans un sommet préparatoire de haute importance. Au centre des échanges : la situation sécuritaire d’Haïti, un pays en proie à une intensification des violences liées aux gangs armés et à une crise politique prolongée.
Le Premier ministre de Trinité-et-Tobago, Stuart Young, a indiqué avoir longuement échangé avec la Première ministre barbadienne Mia Mottley, actuelle présidente en exercice de la Caricom, pour préparer cette rencontre. Selon des sources proches du dossier, les chefs d’État et de gouvernement recevront une mise à jour détaillée sur l’effondrement institutionnel haïtien et les efforts pour organiser des élections générales et présidentielles en novembre 2025.
Cette nouvelle visite américaine, prévue mercredi prochain, s’inscrit dans une continuité diplomatique marquée par les déplacements successifs de plusieurs hauts responsables américains auprès des dirigeants haïtiens ces dernières années. Depuis Mike Pompeo (2018-2021) jusqu’à Antony Blinken (2021-2024), les discussions entre les chefs de la diplomatie américaine et les autorités haïtiennes n’ont cessé d’alimenter les attentes — sans toujours déboucher sur des avancées structurelles concrètes pour la population haïtienne.
Des visites américaines sans impact durable ?
En août 2020, Mike Pompeo s’était rendu en République dominicaine et avait profité de l’occasion pour s’entretenir avec le président haïtien Jovenel Moïse. Les discussions portaient sur la tenue d’élections et la gouvernance démocratique. Malgré ces engagements diplomatiques, le pays a connu par la suite l’assassinat du président Moïse (juillet 2021), une fragmentation accrue de l’État, et la montée en puissance des gangs armés.
Son successeur, Antony Blinken, s’est lui aussi impliqué dans le dossier haïtien, notamment lors de la crise post-assassinat, en soutenant des initiatives pour restaurer l’ordre constitutionnel. En octobre 2022, Blinken appelait à un soutien international renforcé pour Haïti, y compris par la voie d’une mission multinationale de sécurité. Cependant, l’implémentation sur le terrain a été lente, en grande partie freinée par des débats internes à l’ONU, la réticence de certains États caribéens à s’impliquer militairement, et le scepticisme d’une partie de la population haïtienne face à toute intervention étrangère.
Marco Rubio, sénateur républicain de Floride et désormais secrétaire d’État, est connu pour ses positions dures sur la politique étrangère américaine en Amérique latine et dans la Caraïbe. Son approche sur Haïti pourrait donc s’inscrire dans une ligne plus sécuritaire, axée sur la lutte contre les gangs et l’organisation d’élections, sans nécessairement aborder les racines sociales, économiques et institutionnelles de la crise haïtienne.
Les attentes de la Caricom et les limites diplomatiques
La Caricom semble vouloir prendre une posture plus active dans le dossier haïtien. Elle a récemment soutenu l’idée d’un Conseil présidentiel de transition pour rétablir un semblant de gouvernance dans le pays. Mais sans consensus entre les forces politiques haïtiennes ni garanties sur le désarmement des groupes armés, ces initiatives restent fragiles.
De plus, certaines voix au sein de la société civile haïtienne questionnent l’utilité de ces rencontres de haut niveau. « Nous avons vu défiler les diplomates, les envoyés spéciaux, les secrétaires d’État. Mais sur le terrain, les Haïtiens continuent de mourir, de fuir, ou de vivre sous le joug des gangs », déplore un analyste politique basé à Port-au-Prince.
En toile de fond, d’autres tensions régionales
Outre Haïti, les chefs de gouvernement caribéens aborderont également le différend frontalier entre le Guyana et le Venezuela au sujet de la région de l’Essequibo. Le Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Ralph Gonsalves, qui joue un rôle de médiateur dans cette crise, a récemment appelé les deux parties à préserver la paix dans la région.
Le programme de la rencontre prévoit également des discussions sur la proposition d’un mécanisme de « swap de dette régionale » et sur les effets économiques de la récente taxation américaine des navires fabriqués en Chine.
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