Face à l’impasse politique, plusieurs organisations de jeunes proposent une transition dirigée par l’OPC, en rupture avec les arrangements entre élites
Dans un contexte de crise politique prolongée, plusieurs organisations de la jeunesse haïtienne, dont KLEA, FÒS, Mouvement Jeunesse Debout et KAS, ont rendu publique une proposition ambitieuse pour une sortie de crise fondée sur l’éthique, la transparence et la participation citoyenne. Intitulée « Transfert éthique et transparence du pouvoir », cette proposition met en avant une alternative au Conseil Présidentiel de Transition (CPT), jugé inefficace et illégitime.
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, Haïti est plongée dans une instabilité institutionnelle sans précédent. L’absence de mécanisme constitutionnel clair pour combler le vide laissé par cette tragédie a conduit à une série d’arrangements politiques déconnectés des aspirations populaires. Le CPT, mis en place en avril 2024, était censé représenter une voie de sortie. Mais selon les signataires du document, il a échoué à remplir ses deux missions essentielles : restaurer la sécurité et organiser des élections crédibles.
« Ce ne sont plus les autorités qui dirigent réellement, mais bien les gangs », dénoncent les jeunes dans leur manifeste. Ils condamnent fermement « cette dynamique de fabrication institutionnelle dénuée d’ancrage populaire » et appellent à mettre fin aux gouvernances issues de négociations opaques entre élites politiques et économiques.
Face à cet échec, les organisations proposent de confier la présidence de la transition à une institution indépendante : l’Office de la Protection du Citoyen (OPC). Créé par la Constitution de 1987, l’OPC est reconnu pour son engagement en faveur des droits humains et sa proximité avec la population.
« Le Protecteur du Citoyen, en tant que personnalité impartiale, incarne le profil idéal pour présider cette période de transition. Il doit être intègre, non compromis politiquement, et bénéficier d’un respect public avéré », précisent les auteurs du document, en s’appuyant sur les articles 11 et 12 de la loi organique de l’OPC.
Le Premier ministre, pour sa part, devrait être désigné sur la base d’un consensus tripartite incluant le secteur politique progressiste, la société civile et les mouvements de jeunesse. Une telle configuration, selon les jeunes, garantirait une gouvernance plus représentative, débarrassée des influences partisanes.
La proposition comprend également un ensemble d’instances appelées à structurer et accompagner la transition sur une durée maximale de 18 mois. Parmi elles:
Une Commission d’unification, composée d’universitaires, d’acteurs de la société civile, de jeunes, d’artistes et de leaders religieux, chargée de préparer une grande Conférence Nationale.
Une Commission de pacification, réunissant des représentants vaudous, protestants et catholiques, pour favoriser le climat de paix nécessaire au désarmement.
Un Organe de Contrôle composé d’institutions comme le CSPJ, la CSCCA et l’ULCC, garant de la bonne gouvernance de la transition.
Sur le plan sécuritaire, les jeunes insistent sur le renforcement du renseignement, la moralisation de la Police Nationale d’Haïti, le soutien aux Forces Armées et une réforme judiciaire en profondeur. À cela s’ajoutent des propositions de mesures sociales comme la revalorisation du salaire minimum et des programmes d’apaisement ciblés.
« Il est temps de choisir la souveraineté, le dialogue national et une refondation sérieuse de l’État », concluent les organisations signataires. Pour elles, cette initiative constitue un devoir moral envers les générations futures et un acte de foi envers les valeurs républicaines.
Elles appellent à la mobilisation de toutes les forces patriotiques autour de cette proposition, pour enfin tracer le chemin vers une nouvelle République, fondée sur la justice, la dignité et la participation citoyenne.
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