Haïti, au-delà du regard du 18 novembre 1803, terre où le courage de son peuple a toujours défié l’impossible, en est aujourd’hui au bord de l’abîme. Depuis trop longtemps, des monstres sans foi ni loi, armés et sans pitié, terrorisent les quartiers, imposant leur règne par la violence. Comble de l’ironie, ces gangs, véritables champions du chaos, ont réussi à instaurer une autorité qui, par sa terreur, s’avère plus efficace que celle d’un État absent. Lorsqu’ils déclarent : « Personne ne sera dans la rue à partir de lundi », la population obéit. Et quand ils menacent, ils exécutent, laissant derrière eux des vies brisées, des familles déplacées et des communautés décimées.
Pourtant, aujourd’hui, un murmure s’élève des profondeurs de cette souffrance collective. Ce souffle est celui de la révolte, un cri unanime : trop c’est trop. Le calvaire a été trop long, trop douloureux. Les Haïtiens, privés de leur droit fondamental à vivre en paix, disent non à cette spirale infernale. Comment pouvons-nous en accepter davantage ? Maisons pillées, écoles fermées, familles chassées de Carrefour-Feuille à Croix-des-Bouquets, puis poursuivies encore plus loin. Les rues sont devenues des champs de bataille, et la plaine du Cul-de-sac, naguère prospère, n’est plus qu’un souvenir.
Le temps est venu de faire face à cette réalité : les gangs ne sont pas des éléments isolés. Ils sont les pions d’un système plus vaste, d’une mission orchestrée pour maintenir un peuple sous contrôle. L’État, en perpétuelle démission, se contente de compter ses morts, tandis que le peuple s’enfonce dans la misère et la peur. Cette dynamique n’est pas le fruit du hasard. Chaque attentat, chaque déplacement forcé, chaque école fermée, chaque vie eteinte alimente une machine dont l’objectif est clair : briser l’espoir.
Malgré tout, aujourd’hui, quelque chose a changé. Il ne s’agit pas d’une révolution organisée, mais d’une transformation spontanée, motivée par un profond ras-le-bol. La population, sans leader ni mot d’ordre, a décidé : ça suffit. Enough! Ce mot résonne comme une condamnation des bourreaux, mais aussi comme un appel à l’action. C’est une déclaration de survie face à une oppression qui dépasse l’entendement.
Les oppresseurs doivent le comprendre : lorsqu’on étrangle une population, elle finit par se libérer elle-même ou par périr en essayant de le faire. L’histoire haïtienne, marquée par les luttes de libération, prouve que ce peuple sait se battre, même contre les adversités les plus insurmontables. Mais cette fois, la bataille doit être plus qu’une rébellion contre les gangs. Elle doit être une réinvention de l’État, un rejet de la passivité complice, l’affirmation d’un avenir où la peur ne dictera plus jamais la vie quotidienne.
Haïti a franchi une étape décisive. Le peuple a crié que trop c’est trop. Aux dirigeants, à leurs tuteurs et à ceux qui exploitent cette crise, ce cri des habitants de Petion-Ville est un ultimatum : choisissez. Choisir de laisser ce peuple sombrer ou de l’aider à se relever. Mais sachez que ce peuple, même blessé, a une force que rien ni personne ne peut éteindre. L’histoire ne pardonnera pas l’inaction. Car ce cri, ce trop-plein, est le point de départ de la libération.
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