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En Mauritanie, un univers musical envoûtant entre tradition et innovation

today2024-06-12 2

En Mauritanie, un univers musical envoûtant entre tradition et innovation
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Avec sa musique, Kader Tarhanine sensibilise les jeunes contre l’immigration

Publié à l’origine sur Global Voices en Français

Image de l’artiste Mönza, extrait de sa chanson ça suffit ; capture d’écran de la chaîne YouTube de l’artiste

En République islamique de Mauritanie la production musicale est très liée aux griots qui gardent jalousement leur art. Mais malgré cette posture conservatrice, des artistes explorant d’autres champs musicaux dans un mélange de rythmes sont en train de diversifier le paysage musical de leur pays.

D’une population de plus de 4,9 millions d’habitants, ce pays, qui se niche entre le désert du Sahara et l’Océan Atlantique, est doté d’une grande richesse culturelle. Démographiquement, une vingtaine de groupes ethniques se partagent le territoire et se répartissent entre trois principaux groupes : les Haratins encore appelés les Maures noirs (40% de la population) ; les Beidanes ou les Maures blancs (30%) ; et les Noirs Africains (30%) qui incluent les Peuls, les Soninkés, les Wolofs et les Bambaras.

D’anciennes traditions musicales

A l’image de toutes les cultures africaines, les musiques mauritaniennes se pratiquent sur des instruments traditionnels souvent fabriqués à la main avec des matériaux locaux. Les instruments les plus emblématiques sont: l’ardîn (harpe-luth), le tidinit (luth à trois cordes), le tbal (tambourin) et le târ (tambour sur cadre).

L’histoire de la musique traditionnelle du pays est surtout marquée par l’Azâwân qui est un mode musical propre aux Maures et dont les secrets sont détenus par les Iggawins, une caste de musiciens qui monopolise la musique traditionnelle dans le pays.

Cette vidéo d’une chanson maure de Khalifa Ould Eide et Dimi Mint Abba en est un bon exemple :

Dans un article du site Music in Africa dédié à la musique traditionnelle mauritanienne, Bernard Bangoura explique le contexte socio-culturel de ce genre musical :

La production authentique de la musique traditionnelle maure est à relier à divers contextes comme, la cour et son espace politique (musiques guerrières, d’histoire et d’éloge) ; le cadre populaire et profane (musique de danse des hommes, gesticulant avec des bâtons ou sabres comme armes ; musiques de divertissement, d’agrément ou encore exclusives aux femmes, comme le bandjé à chœur homophonique) et à la religion (musique de psalmodie et d’éloge dans les mosquées et en prélude de concerts).

Dans le même article, Bangoura estime que cette expression musicale n’est pas pour autant refermée sur elle-même:

Les Maures et leur culture musicale sont grandement associés à l’expression de la musique traditionnelle mauritanienne. Cependant, ce patrimoine national accorde une place au résultat du brassage ethnique et historique, avec les populations subsahariennes.

De même, la talentueuse Dimi Mint Abba (née en 1958) surnommée la “diva du désert” est une descendante d’une famille d’Iggawin. Elle s’est imposée par son talent de joueuse d’ardin et par sa voix et a hérité du talent de son père qui est l’auteur de l’ancien hymne du pays, et de sa mère Mounina Mint Eida, également joueuse d’ardin. À l ‘âge de 18 ans elle est  lauréate d’un prix au plan national  en 1976 et représente son pays à des festivals sur le continent africain et ailleurs..

Vers une musique plus moderne et globale

A bien des égards, la musique mauritanienne n’a pas résisté aux sirènes de la mondialisation et de la globalisation. Elle intègre aujourd’hui des influences et des genres musicaux venus d’ailleurs: le jazz, le blues, le rock, la musique électronique, et le rap. Ces genres musicaux ont inspiré des artistes comme Malouma, Daby Touré et Noura Mint Seymali, qui véhiculent une image entre tradition et modernité de la musique mauritanienne à l’échelle internationale.

L’entrée fulgurante de la musique rap dans l’univers musical mauritanien se fait ressentir dans les années 1990 avec l’affirmation d’artistes tels que : Diam Min Tekky, Waraba, Minen Tey, Ewlade Leblad, Adviser, et Mönza dénommé Président 2la Rue Publik. Une grande vague de popularité débute au début des années 2000 avec plusieurs évènements marquant notamment des sorties d’albums rap suivis de concerts.

Ainsi, cette chanson de Diam Min Tekky réclame justice pour les rescapés, les veuves et les orphelins de 28 soldats pendus lors du massacre d’Inal en 1990 :

Lire : Ces 28 militaires mauritaniens pendus le 28 novembre 1990

L’artiste Mönza est également le fondateur du Festival Assalamalekoum de Nouakchott dont la 15ème édition est organisée en 2022. L’artiste est souvent très critique envers le pouvoir et ses productions musicales sont souvent l’objet de censure.

Voici la vidéo de la chanson MNSR LPRSDNT de Mönza sortie en 2019 :

 

Dans le pays, la musique est aussi porteuse de messages d’engagement social. L’artiste Kader Tarhanine dans sa chanson dénommée Al gamra leila, sensibilise par exemple les jeunes Mauritaniens aux dangers de l’immigration vers l’Europe.

La musique prend de plus en plus sa place dans l’image du pays a l’étranger. Outre le Festival Assalamalekoum de Nouakchott, un autre voit le jour brièvement en 2004: le Festival International des Musiques Nomades. Il y aussi le festival Sahel Jazz Plus de Nouakchott, initié par le Conservatoire international de Musique et des Arts de Nouakchott (CIMAN) et dont la 1ère édition a lieu en 2015. Également le Festival Culture métisse prend forme et en est à sa 11è édition en 2023, ayant pour but un brassage musical entre les communautés mauritaniennes et celles de la région.

La musique mauritanienne continue de captiver les auditeurs à travers le monde, offrant un voyage musical sensoriel à travers les paysages et les traditions de ce pays d’Afrique entre Sahel et Afrique Sub-saharienne. Une liste Spotify des musiques mauritaniennes est consultable ici.

D’autres playlists des musiques du monde entier sont aussi disponible et accessible via le compte Spotify de Global Voices.

Écrit par: Viewcom04

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