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RADIO DROMAGE
Au delà de ses récompenses, le drame musical « Emilia Pérez » a suscité une vive controverse, particulièrement au Mexique
Publié à l’origine sur Global Voices en Français
Illustration de CONNECTAS, avec droit d’utilisation.
Cet article de Leonardo Oliva initialement publié sur CONNECTAS, est repris par Global Voices dans le cadre d’un accord de partage de contenu.
Une scène devenue virale sur les réseaux sociaux montre Selena Gomez criant maladroitement quelques mots en espagnol avant de chanter dans la même langue. Il s’agit d’un extrait d’Emilia Pérez, une scène au cœur de la polémique entourant le film, qui a obtenu le plus de nominations aux Oscars du 3 mars (13 au total). Le film a remporté deux récompenses.
Malgré son nom de famille, Gomez est américaine et ne parle pas un mot d’espagnol. Son accent forcé dans le film a suscité toutes sortes de critiques en Amérique latine. Il en va de même pour l’ensemble de la production française : tournée en Europe, avec une actrice transgenre et espagnol dans le rôle principal, et dont l’action se déroule… au Mexique.
@soceleb Selena Gomez in Emilia Pérez. #selenagomez #emiliaperez #fyp #popculture #celebrity #hollywood #foryoupage
Emilia Pérez a été nominée pour l’Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur. Le film concourait également dans la catégorie du meilleur film étranger pour la France (malgré l’absence totale de répliques en français).
Selon Ximena Méndez Mihura, universitaire à l’Institut latino-américain des sciences sociales (Flacso), spécialisée dans l’étude de la représentation de l’Amérique latine à Hollywood, ce film suit les codes habituels. Elle affirme que dans cette industrie, « les personnages latino-américains sont souvent caractérisés comme des autochtones à peine humanisés, tandis que les femmes sont cantonnées à des rôles de purs objets de désir hétérosexuel. » En ce qui concerne les décors et les pays, « le Mexique est généralement associé aux villages indigènes ou, ces dernières années, au trafic de drogue. » Cuba, de son côté, devient «une vitrine de la gauche », tandis qu’en Colombie, « les projecteurs sont braqués sur le danger ».
À ce sujet, il suffit de regarder l’une des dernières sorties de Netflix, la série Bogotá, qui n’est ni européenne ni américaine, mais coréenne, et qui reproduit les mêmes clichés. Le filtre jaune est le plus couramment utilisé : on le retrouve dans des dizaines de productions qui cherchent à représenter, aux yeux de spectateurs ignorant / peu avertis des pays du Nord, une vision stéréotypée d’un pays d’Amérique latine. Dans ce cocktail jaunâtre, on retrouve inévitablement poussière, désert, pauvreté, ainsi que des rôles stéréotypés : des femmes voluptueuse et sexy, des hommes séducteurs et trafiquants de drogue. Les femmes et les hommes sont généralement d’excellents danseurs, et vivent dans des lieux exotiques situés au-delà d’une frontière (supposée) entre civilisation et barbarie.
Dans cette logique, Hollywood n’a pas hésité à confier à Al Pacino le rôle d’un baron de la drogue cubain dans Scarface, à Madonna celui de la première dame d’Argentine dans Evita, ou à Antonio Banderas celui d’un militant de gauche chilien dans La Maison aux esprits. Ce sont les ancêtres directs d’Emilia Pérez, bien qu’à l’époque (dans les années 1980 et 1990), il n’existait pas de réseaux sociaux pour amplifier l’indignation qu’ils auraient pu susciter.
La vidéo YouTube ci-dessous évoque certains des stéréotypes latino-américains les plus courants à Hollywood.
L’universitaire argentine, Méndez Mihura, n’a pas détesté le film d’Audiard. Elle y voit des éléments du théâtre de l’absurde abordant des thèmes actuels, tels que « les nouvelles identités, l’autonomisation des femmes, la sécurité et le narcotrafic. » Cependant, elle reconnaît que « si on ne le considère pas comme un film du genre de l’absurde, il peut vraiment heurter la sensibilité du peuple mexicain. Depuis le début du cinéma, le Mexique a fait savoir aux États-Unis qu’il n’autoriserait pas la sortie de films dénigrant son peuple. En conséquence, Hollywood a dû modifier de nombreux éléments pour pouvoir diffuser ses films au Mexique. »
De son côté, le scénariste et réalisateur mexicain Guillermo Rivera (également journaliste pour CONNECTAS) souligne qu’Emilia Pérez représente « la vision d’un Européen, un homme blanc qui réduit l’Amérique latine à une couleur et une saveur. » C’est une vision « que d’autres partagent : tout est en sépia. Hollywood a toujours représenté le Mexique de cette façon. »
Le critique de cinéma nicaraguayen Juan Carlos Ampié, qui voit aux Etats-Unis, partage le même point de vue que Rivera. Alors que la presse spécialisée américaine a très bien accueilli le film Emilia Pérez, il y voit « une manifestation de l’isolement de la culture cinématographique aux États-Unis et en Europe. Nous voyons tout ce qu’ils produisent, mais eux ne voient pas tout ce que nous faisons. Il est vrai que notre volume de production n’est pas comparable, et il est presque impossible pour nos réalisateurs d’accéder aux circuits de diffusion. »
Il souligne que le film repose sur « de nombreuses décisions créatives, davantage guidées par l’ignorance que par un réel intérêt pour les cultures d’Amérique latine. » Il pointe également du doigt les paroles des chansons : « Je ne serais pas surpris qu’ils aient utilisé Google Traduction pour les écrire. » Par ailleurs, il explique que le film doit son succès au fait que les fictions mexicaines les plus populaires aux États-Unis « sont les séries sur le narcotrafic et les telenovelas, précisément les genres qu’exploite Emilia Pérez ».
La National Hispanic Media Coalition (NHMC) est l’une des organisations les plus actives œuvrant contre la représentation stéréotypée des Latino-Américains à Hollywood. L’année dernière, elle a publié un guide destiné aux professionnels de l’industrie du divertissement afin d’encourager des représentations plus nuancées à l’écran.
La NHMC affirme qu’aux États-Unis « le paysage médiatique est dominé par des créateurs, des producteurs et des acteurs blancs non latinos, qui façonnent une représentation biaisée des communautés et identités latino-américaines à l’écran. » Ces productions représentent souvent les Latino-Américains comme des membres de gangs, des trafiquants de drogue ou des criminels, dans des rôles sans réplique ou très peu, ou encore dans des personnages secondaires aux accents stéréotypés, en contraste avec les sauveurs à la peau blanche.
Une étude récente menée par l’Annenberg Inclusion Initiative de l’Université de Californie révèle qu’au cours des vingt dernières années, seuls 75 artistes latino-américains tiennent des rôles principaux ou secondaires dans des films, alors que 49% de la population de Los Angeles est hispanique. Au total, seulement 5,5% des personnages représentés à l’écran sont d’origine latine.
Derrière la caméra, le constat est tout aussi alarmant : sur les 1 600 films analysés, seulement 4% ont été réalisés par des cinéastes latino-américains, et parmi eux, une seule femme.
« Les Latino-Américains, sous représentés à Hollywood. La prévalence des personnages latinos/hispaniques dans les 1 600 films les plus populaires de 2007 à 2022. » Graphique réalisé par CONNECTAS avec les données du Dr Stacy L. Smith et de l’Annenberg Inclusion Initiative, avec droit d’utilisation.
Quant aux stéréotypes, 25% des personnages hispanophones étaient des criminels et 17% étaient pauvres ou issus de milieux précaires. Personne ne devrait donc être surpris que le réalisateur d’Emilia Perez ait lui-même déclaré, en voulant défendre son film, que l’espagnol est « la langue des pauvres ».
Le grand paradoxe est qu’Emilia Perez pourrait devenir symbole de la résistance progressiste d’Hollywood face à la nouvelle ère Trump. Un ou plusieurs Oscars décernés à l’histoire d’une trafiquante de drogue transgenre et mexicaine : trois identités ciblées par les politiques de Trump.
Selon Méndez Mihura, au cinéma, la figure du Latino-Américain menaçant a évolué, dorénavant, c’est le narcotrafiquant et le trafic que l’on combat.
En las películas de acción de los últimos tiempos, la colonización sigue presente, pero mientras antes la dirección de colonización era de Este a Oeste (el western clásico), ahora es desde el Norte hacia el Sur (del continente). Es decir, la epopeya no ha terminado aún. Las películas de aventuras, aun cuando no pertenecen al género del western, toman algunos de sus elementos para mostrar esto. Es decir, hay territorios salvajes por civilizar y nuevas especies por educar.
In recent action movies, the theme of colonization is still present, but while before colonization was from East to West (the classic western), now it is from North to South (of the continent). In other words, the saga is not over yet. Adventure films, even when they do not belong to the western genre, take some of its elements to show this. That is, there are wild territories to be civilized and new species to educate.
Dans les films d’actions récents, le thème de la colonisation est toujours présent, mais alors qu’auparavant la colonisation allait d’Est en Ouest (le western classique), désormais, elle va du Nord vers le Sud (du continent). En d’autres termes, la saga est loin d’être terminée. Les films d’aventure, même lorsqu’ils n’appartiennent pas au genre western, en reprennent certains éléments pour le suggérer : l’idée reste la même : des terres sauvages à civiliser et de nouveaux peuples à éduquer.
Comme si la réalité imitait la fiction, Trump cherche désormais à créer son propre western en expulsant les « sauvages » (migrants) en dehors de la frontière. Vers ce lieu exotique, jaunâtre et poussiéreux où vit une trafiquante de drogue transgenre (mexicaine, dominicaine, espagnol, peu importe) qui chante son chant de rédemption.
Ecrit par Connectas Traduit (en) par Melissa Vida, Jeanne Lamouret · Voir l’article d’origine [es]
Écrit par: Viewcom04
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