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Devoir de mémoire | Haïti, 26 avril 1963 : La terreur institutionnalisée bien avant la fédération des gangs ‘G9 an fanmi’

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Devoir de mémoire | Haïti, 26 avril 1963 : La terreur institutionnalisée bien avant la fédération des gangs ‘G9 an fanmi’
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Haïti, 26 avril 1963 : Mémoires d’un massacre d’État

Avant la fédération des gangs par le PHTK en 2019 pour contrôler Port-au-Prince, le régime des Duvalier avait déjà institutionnalisé la terreur en Haïti.

Bien avant que le Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK) ne fédère des gangs en 2019 pour asseoir son contrôle sur Port-au-Prince, le régime des Duvalier avait déjà érigé la terreur en système de gouvernance. Dès 1959, François Duvalier créa les Volontaires de la Sécurité Nationale, plus connus sous le nom de Tontons Macoutes, une milice paramilitaire chargée de réprimer toute opposition politique. Cette organisation, responsable de milliers d’exécutions, de disparitions et d’actes de torture, a semé la peur dans tout le pays jusqu’à la chute du régime en 1986. L’utilisation de la violence comme outil politique par les Duvalier trouve aujourd’hui un écho inquiétant dans les alliances entre le pouvoir et les groupes armés, illustrant une continuité tragique dans l’histoire haïtienne.​

Le 26 avril 1963 s’inscrit comme l’un des épisodes les plus traumatiques de l’histoire contemporaine haïtienne. Ce jour-là, sous le prétexte d’une tentative d’enlèvement dirigée contre ses enfants, François Duvalier déclencha une répression massive et indiscriminée contre des citoyens accusés, souvent sans preuve, de fomenter une opposition contre son régime (Rezonodwes.com, 2021). L’événement ne fut pas un simple excès autoritaire : il constitua un massacre systématique, pensé comme une démonstration de force et une méthode de gouvernement par la terreur.

En s’attaquant prioritairement aux anciens officiers de l’armée et à leurs familles, Duvalier cherchait à éradiquer toute structure susceptible de contester son pouvoir (Comité de commémoration du 26 avril 1963, 2013). Cette journée tragique fut marquée par des arrestations arbitraires, des incendies d’habitations, des exécutions sommaires et des disparitions forcées. Les récits recueillis, notamment celui de Guylène Bouchereau Salès, mettent en lumière la brutalité du régime : l’arrachement d’individus à leur famille, souvent au mépris des liens d’amitié ou de loyauté, révèle une volonté d’écraser non seulement l’opposition réelle mais aussi toute capacité future de résistance (Bouchereau Salès, 2013).

Le massacre du 26 avril 1963 n’était pas un dérapage isolé. Il s’insérait dans une stratégie cohérente de consolidation du pouvoir qui, en 1964, permit à Duvalier de se proclamer « Président à vie » à travers une Constitution sur mesure (Trouillot, 1990). L’institutionnalisation de la violence, incarnée par les « tontons macoutes », transforma Haïti en un État de non-droit où la terreur remplaça les normes légales et où la fidélité au régime se mesurait à la capacité de trahir, voire d’éliminer, ses propres proches.

La mémoire de cette date a été ravivée en 2013, à l’occasion du cinquantenaire du massacre, par une série de commémorations dans les diasporas haïtiennes et par la publication de témoignages poignants. Pourtant, malgré les efforts de mémoire, le travail judiciaire reste désespérément inachevé (Parole En Archipel, 2021). Ni François Duvalier, ni son successeur Jean-Claude Duvalier, n’ont eu à répondre devant la justice des crimes commis sous leur régime. Le retour de Jean-Claude Duvalier en Haïti en 2011, accueilli sans condamnation effective malgré les accusations de crimes contre l’humanité, a entériné une impunité devenue structurelle (Human Rights Watch, 2011).

Cette impunité historique nourrit les inquiétudes contemporaines. En 2021, les pratiques autoritaires observées sous la présidence de Jovenel Moïse, notamment son refus de quitter le pouvoir à l’issue de son mandat constitutionnel et son recours à la violence politique, rappelaient aux Haïtiens les mécanismes d’instauration de la dictature (Rezonodwes.com, 2021). La tentation de la personnalisation du pouvoir, les dérives sécuritaires, et la mise en cause des institutions démocratiques plaçaient le pays face à un dilemme : résister ou revivre l’effacement des libertés.

Le massacre du 26 avril 1963 n’appartient donc pas seulement au passé. Il constitue un avertissement permanent sur les conséquences de l’effondrement de l’État de droit, sur les dangers d’une justice absente et sur la fragilité des conquêtes démocratiques. Le souvenir de cette tragédie appelle une interrogation fondamentale : comment un peuple peut-il construire un avenir de liberté et de justice, s’il demeure incapable de nommer, de juger et de réparer les crimes du passé ?

Le devoir de mémoire n’est pas une simple obligation morale : il est une condition politique essentielle pour éviter la répétition des catastrophes. En Haïti, où l’histoire semble s’écrire par cycles de violences, de dictatures et d’espoirs déçus, maintenir vivant le souvenir du 26 avril 1963 revient à refuser l’amnésie imposée par les vainqueurs et à affirmer le droit des victimes à être reconnues, écoutées et réhabilitées.

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