Lendemain de débat présidentiel et sentiment quasi unanime dans la presse américaine, y compris parmi les titres les plus conservateurs : la candidate démocrate a pris le dessus et placé son adversaire sur la défensive.
On le dit même chez Fox News, la chaîne pro-Trump, « elle a gagné, prouvé à ses supporters et aux indécis qu’elle n’était pas là par hasard. Elle s’est montrée plus solide que l’ancien président, sur l’avortement, la santé, le changement climatique, et lui, de plus en plus frustré et vindicatif à mesure que le débat avançait ». Pourquoi ? Grâce à la stratégie payante du camp démocrate. C’est le Wall Street Journal qui le dit, « elle n’a pas cessé de le titiller, de le provoquer, de le ramener à ses lubies, et comme Donald Trump mord à l’hameçon à chaque fois, au lieu d’évoquer ce qu’il compte faire pour les Américains, il a passé la soirée à parler du passé, de Joe Biden, de la dernière élection ou des émeutiers du Capitole. Et il n’a jamais questionné Kamala Harris sur un point-clé : comment elle compte se démarquer des mesures de Joe Biden ». Conclusion du Washington Examiner, « Trump est un débatteur beaucoup trop indiscipliné, incapable de se concentrer sur son message. Pour l’emporter, Kamala Harris n’avait pas grand-chose à faire, elle y a très bien réussi. Trump et ses équipes de campagne vont devoir faire mieux s’ils veulent mettre en cause son bilan et son programme ».
Grand invité : Jonathan Paquin
Le débat a-t-il fait bouger les lignes de la campagne ? Extrait du décryptage du directeur de l’École supérieure d’études internationales à l’Université Laval de Québec, au Canada, interrogé par Anne Cantener.
Jonathan Paquin : « Ce qui compte dans ce débat, c’est la manière avec laquelle les électeurs indécis aux États-Unis, que l’on retrouve plus particulièrement dans les sept États-pivots, y réagiront. Et le grand thème de cette élection, c’est l’économie. Au-delà de l’attitude de Donald Trump ou de ses déclarations infondées, il s’agit de savoir lequel de ces deux candidats est le plus ou le moins crédible pour faire face aux difficultés économiques et à la diminution du pouvoir d’achat qui touchent les Américains.
La force de Donald Trump depuis maintenant huit ans qu’il est sur la scène politique nationale, c’est de canaliser les frustrations et les colères des Américains face à un système qui semble bien souvent les désavantager, et cette fois encore, il joue la même carte. En 2016, lorsqu’il avait annoncé sa campagne, il avait débuté son discours en disant que les immigrants mexicains étaient des batteurs de femmes, des violeurs et des vendeurs de drogues. Ça aurait dû le disqualifier d’emblée, or, il est toujours là aujourd’hui.
Manifestement, ce ne sont pas ces déclarations inacceptables qui font une différence significative dans les urnes. Ce sont les propositions et la perception que les gens peuvent avoir de la force de Donald Trump, de son caractère d’homme dur, doté d’une masculinité un peu toxique, qui plaît à beaucoup d’hommes aux États-Unis. Attendons de voir. C’est sans doute l’élection la plus serrée de l’histoire moderne des États-Unis. Les deux candidats sont au coude-à-coude dans les sept États pivots. Il est trop tôt pour prédire un gagnant. »
Les Haïtiens immigrés aux États-Unis de nouveau ciblés par Donald Trump
L’une des curiosités de ce débat fût ce moment où Donald Trump s’est lancé dans une diatribe insensée à propos des immigrés haïtiens installés à Springfield, une petite ville de l’Ohio. Immigrés qui, selon lui, « mangeraient les chats et les chiens de la population locale ».
Cette affirmation complètement fausse, qui ne repose sur aucun élément tangible, avait pourtant déjà été démentie avant le débat par les autorités municipales de Springfield. « Nous n’avons, dit le porte-parole de la ville, cités par plusieurs médias américains, aucun signalement crédible en ce sens, personne n’a témoigné qu’un animal de compagnie ait subi un quelconque préjudice, ait été blessé ou mis en danger par la communauté immigrante » de Springfield.
Information bidon, propagée sur Internet par les cercles d’extrême droite et reprise sans vergogne par Donald Trump devant des millions de téléspectateurs, qui avait déjà provoqué avant même le débat l’indignation de plusieurs personnalités haïtiennes. Le Miami Herald rapporte les propos de Leslie Voltaire, l’un des membres du Conseil présidentiel de transition en Haïti, qui tacle des accusations « non seulement infondées, mais inacceptables » et regrette l’emploi « d’une rhétorique qui risque de diviser et de mettre en péril des communautés déjà vulnérables ».
Réaction aussi de Dominique Dupuy, la ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Garry Conille, par le biais d’un texte de la romancière et prix Nobel de littérature Toni Morrison, posté sur les réseaux sociaux. Que dit cet extrait ? Que « si le racisme a une fonction, c’est la distraction. Distraire de l’essentiel et obliger [les personnes racisées] à expliquer, encore et encore, leur raison d’exister ».
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