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RADIO DROMAGE
par Hugue CÉLESTIN
Il existe, dans ce monde si civilisé, des territoires qu’on bombarde avec discrétion, histoire de ne pas perturber les marchés. Des peuples qu’on extermine à huis clos, pendant que les chancelleries rivalisent d’indignation tiède et de silences complices. La barbarie porte cravate et parle le langage du droit, pour mieux l’enterrer.
À Gaza, 55 700 morts, l’impunité a trouvé son QG, et l’humanité son tombeau. Un chef-d’œuvre d’annihilation légale s’expérimente en direct, un mode d’emploi du nettoyage ethnique, avec wifi et couverture satellite. On y étrangle un peuple sous les bombes, on le découpe en zones de misère, et pendant ce temps, les grandes puissances regardent l’horreur avec la distance glacée de ceux qui trouvent toujours une « complexité géopolitique » à l’inacceptable. Là-bas, chaque maison détruite est une statistique, chaque enfant démembré une « conséquence regrettable », chaque crime une opportunité diplomatique. Le silence se transforme en stratégie, la neutralité dégénère en complicité.
En Cisjordanie, environ 400 morts ; les tanks ne sont que la partie visible de la machine à broyer les champs d’oliviers, mais aussi la brutalité d’un colonialisme d’un autre âge qui écrase la vie sous ses chenilles. Les check-points, érigés comme autant de murs de la honte, déchirent le quotidien, transformant chaque déplacement en un supplice. Pendant ce temps, les colonies poussent comme des champignons toxiques sur une terre volée ; une cynique légalisation d’un pillage méthodique.
Au Liban, plus de 4 100 morts, et des villages rayés de la carte avec une régularité presque administrative sous les frappes israéliennes. On appelle « dommages collatéraux » les civils assassinés ; euphémisme pratique pour maquiller des crimes de guerre. Les enfants enterrés dans des cercueils plus petits que des valises, témoins muets d’une barbarie que le monde regarde avec un mélange d’indifférence et de complaisance.
En Syrie, environ 700 personnes ont été tuées. Cette tragédie demeure discrète, étouffée par le vacarme sélectif de l’indignation mondiale. Une partie du pays reste occupée par Israël, les puissances occidentales sont les partenaires muets de cette dépossession.
Et l’Iran ? Plus de 250 morts, frappés sans avertissement, sans mandat, sans procès… mais toujours au nom de la sécurité, bien sûr. C’est tout l’équilibre mondial qui vacille, dicté par l’arbitraire d’une poignée d’États. Leurs mains sont maculées d’une hégémonie sanglante, imposant leurs règles du jeu au mépris du droit et de la vie.
Le droit international, les principes se rangent dans le tiroir des instruments périmés, utilisés seulement contre les faibles et les insoumis qu’on dépouille sans risquer la moindre sanction. Le vrai monde, celui des puissants, ne se gouverne plus par des règles ni par la justice, mais par le rapport de forces brut, froid, implacable Dans cette vitrine cynique, où la cruauté s’expose comme un spectacle permanent, la souffrance des peuples devient une marchandise diplomatique. On la troque contre des contrats d’armement juteux, des votes dociles à l’ONU, ou encore des silences calculés au nom des intérêts économiques et stratégiques.
Entouré de ses fidèles comparses, Fritz Alphonse Jean, le président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), connu pour une « bande de truands et de traîtres», foule le sol de Brasilia le 11 juin 2025, en « maître » de la soumission néocoloniale. Il ne vient pas troubler l’ordre régional ou mondial, mais l’implorer. Il brandit la ruine comme diplôme, l’effondrement comme argument, et la soumission comme stratégie de gouvernance. Derrière sa docilité se cache le calvaire du peuple livré à la misère, aux balles, aux machettes des « gangs-milices » armés, qu’ils n’osent défier.
Et tandis que les bombes pleuvent sur Gaza, que la Cisjordanie gémit sous les bottes, que le Sud du Liban s’enflamme, que la Syrie est encore morcelée, et que l’Iran est ciblé comme on lance un avertissement au monde rebelle. Ce fonctionnaire international au service de l’impérialisme, champion de la génuflexion diplomatique, reste muet; pas un mot, pas un souffle, pas un geste face au calvaire des peuples défigurés du Moyen-Orient.
Le vrai sommet haïtien, celui où le pays aurait dû parler, crier, hurler sa vérité, ne se tenait pas à Brasilia. Il se tient dans les camps de déplacés, ces « no man’s lands » de la zone métropolitaine de Port-au-Prince où la République s’est effondrée sans faire de bruit. Il se tient dans les rizières de l’Artibonite, transformées en cimetières silencieux de l’agriculture nationale, dans les quartiers-fantômes de Saut d’Eau, de Mirebalais, là où les cris des femmes violées par les « gangs-milices » se perdent dans l’indifférence. Il se tient dans le regard vide des mères de victimes, dans le sang séché des corps abandonnés, dans le silence radio des autorités haïtiennes devenues secrétaires de l’inhumanité.
Et ce sommet-là, aucun diplomate ne l’avait envisagé. Aucun des neuf présidents de transition ne l’avait rêvé. Il ne pourra renflouer ni les caisses du budget de guerre, ni les fonds occultes destinés à l’achat de drones kamikazes. Il ne garantira ni l’acceptation docile d’une mission multinationale, ni les belles photos souvenir aux côtés de Lula.
Ces agents sont le consentement fabriqué d’une élite acculturée, calibrée selon les intérêts de Washington, Paris, Ottawa, de l’ONU ou des satrapes de l’OEA. Ce voyage à Brasilia n’a rien d’un plaidoyer pour la souveraineté d’Haïti ; il est une opération de mendicité diplomatique. Elle consiste à supplier que la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS) soit repeinte aux couleurs onusiennes, à légaliser et institutionnaliser la tutelle étrangère en la rebaptisant « solution internationale à la crise haïtienne », et à organiser méthodiquement le chaos.
Le président Lula, fidèle à sa posture d’équilibriste, n’a pas dit non. La main sur le cœur, il a évoqué avec émotion le bon vieux temps de la MINUSTAH et son « soutien historique au peuple haïtien », comme si cette parenthèse d’occupation déguisée méritait des lauriers. Puis, par élégance diplomatique, il a dégainé la formule magique habituelle : « une solution construite avec les Haïtiens eux-mêmes ». Ces mêmes Haïtiens… qui ne sont jamais consultés.
Fritz A. Jean dépose, comme une offrande docile quelques projets sur l’autel de ses maîtres. Réhabilitation de l’aéroport Toussaint-Louverture, modernisation de l’énergie, connectivité régionale. Autant de mots creux, taillés pour des technocrates affamés de financements, pendant que le peuple crève et que la République s’effondre sur ses fondations gangrenées. Les membres de la CARICOM et le Brésil ont hoché la tête avec gravité, parlé de « mécanismes de coordination technique », promis de « rester mobilisés ».
Jamais, ces pseudos dirigeants ne s’imaginent plus gouverner sans tuteur, sans ordre venu d’ailleurs, sans casque bleu posté au coin de leurs palais. Ils oublient ; ou feignent d’ignorer que lorsque vous arrivez à genoux, vous repartez à plat ventre.
La migration haïtienne ; en marge, comme un détail gênant, il en a parlé. Ce flot ininterrompu de vies fracassées, de corps ballotés entre jungle, mer et barbelés a eu droit à quelques phrases vides au sommet de Brasilia. Des milliers d’Haïtiens fuient chaque mois un pays devenu inhabitable, un territoire livré aux gangs, à la faim, à la honte. Ils traversent le Darién comme on traverse l’enfer, agonisent dans les rues de Santiago du Chili, se noient au large des Bahamas, errent dans les favelas brésiliennes sans papiers ni espoir, sont expulsés comme des déchets humains aux frontières de la République dominicaine, ou pourchassés dans les ghettos bétonnés de Floride.
Et pendant ce temps, les grands de la CARICOM et le petit de la transition haïtienne bavardent poliment de « partage des responsabilités » et de « protection des migrants », dans un langage vague qui n’engage personne et ne protège rien. On ne trouve là ni obligation, ni mécanisme concret ; rien que de syllabes vides, agencées pour maquiller l’indifférence. Le mal migratoire haïtien n’est pas une catastrophe naturelle. Il est le fruit d’une irresponsabilité systémique, nourrie par des compromissions internationales et des élites locales aveugles à la souffrance de leur propre peuple.
Tant que les représentants d’Haïti s’évertueront à exister dans les interstices de l’ordre mondial, tant qu’ils quémanderont une chaise au banquet des puissants, Haïti restera le plat qu’on sert. Ce pays n’a pas besoin d’être assis à la table de ses anciens bourreaux ni de leurs nouveaux partenaires ambigus. Il a besoin de renverser la table, de reprendre la parole, et de reconquérir une souveraineté depuis trop longtemps confisquée.
Bibliographie
Grand Pré, 20 Juin 2025
Hugue CÉLESTIN
Membre de :
Federasyon Mouvman Demokratik Katye Moren (FEMODEK)
Efò ak Solidarite pou Konstriksyon Altènativ Nasyonal Popilè (ESKANP)
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