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Guadeloupe : la créativité au service du zéro déchet

today2025-12-19

Guadeloupe : la créativité au service du zéro déchet
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Pour certain(e)s Guadeloupéen(ne)s, l’acte de création est aussi un acte de résistance écologique

Initialement publié le Global Voices en Français

L'Admérane, a space in Guadeloupe that transforms waste into creative material.

L’Admérane, en Guadeloupe, transforme les déchets en matériaux créatifs. Photo d’Olivia Lobar, utilisée avec autorisation.

Grâce à des initiatives citoyennes, un engagement artistique et des politiques publiques, la Guadeloupe se réinvente et transforme les déchets en ressources. Qu’il s’agisse d’ateliers de couture ou de festivals éco-responsables, l’archipel tout entier se mobilise pour un avenir plus durable.

Selon les dernières données publiées en 2023 par l’ORDEC, l’Observatoire Régional des déchets et de l’Économie circulaire de la Guadeloupe, le pays aurait produit 346 720 tonnes de déchets. Un quart a été recyclé et les 60 % restants ont été enfouis dans deux installations de stockage de déchets non-dangereux. Bien que la production de déchets soit restée stable depuis 2019, il est urgent d’améliorer les filières de récupération de déchets.

Lorsque la création devient résistance écologique

Upcycled fashion at l’Admérane.

Vêtements de mode recyclés, l’Admérane. Photo d’Olivia Lobar, utilisée avec autorisation.

Pour certain(e)s guadeloupéen(ne)s, l’acte de création est aussi un acte de résistance écologique. Artistes et artisans ont décidé de transformer les déchets en matériaux créatifs, même si d’autres n’y voient que des rebuts. De nouveaux espaces hybrides font leur apparition et réutilisent de manière délibérée des matériaux destinés à la poubelle, à travers une démarche à la fois esthétique, sociale et durable.

Ainsi, lorsque vous arrivez à l’Admérane , un espace créatif situé dans l’ancien réfectoire d’Ilet Pérou, dans la commune de Capesterre-Bele-Eau, vous êtes tout de suite immergé dans un univers créatif de fresques, de meubles recyclés, de rangées de machines à coudre et d’étagères remplies de vêtements fabriqués à partir de modèles et motifs originaux.

Photo of Béatrice Souillet by JP Volet; image via Olivia Losbar and used with permission.

Photo de Béatrice Souillet par JP Volet. Image d’Olivia Lobar, utilisée avec autorisation.

« Les gens nous apportent leurs vêtements. Nous les lavons et les trions. Certains terminent dans notre petite friperie, mais le recyclage, l’aspect créatif, est notre premier objectif. Nous sensibilisons le public en lui montrant tout ce que l’on peut fabriquer à partir de ces « déchets » textiles, » explique Béatrice Souillet, présidente de Le Nouveau Mode, l’association à l’origine de cet espace dédié à l’économie circulaire. « Soit nous leur apprenons comment recycler leurs vêtements, ou soit nous nous en occupons nous-mêmes. Notre but est de faire du neuf avec du vieux. »

L’Admérane accueille des créateurs de mode et des bénéficiaires du revenu de solidarité (RSO) qui y apprennent la couture, et propose aussi des ateliers de sensibilisation aux écoliers et professionnels. Le tiers-lieu a même conclu un partenariat avec un important opérateur de télécommunications : Orange Caraïbe. L’association récupère des objets jetés, tels que des vieilles bannières publicitaires, et leur redonne une seconde vie ; elle organise aussi des ateliers pour le personnel de la compagnie en Guadeloupe, Martinique, et Guyane française.

Selon Béatrice Souillet : « La mode est le deuxième secteur le plus polluant au monde. Par conséquent, il est crucial d’adopter des habitudes de consommation responsable. En Guadeloupe, des initiatives ont été mises en œuvre afin de récupérer les déchets textiles, mais bien qu’une partie soit transformée dans l’archipel, la majorité est encore envoyée en France métropolitaine ou en Afrique. Il est nécessaire que nous gérions nous-mêmes nos déchets textiles ; par ailleurs leur récupération génère des emplois. »

La lutte contre la mode rapide

Cushions scattered on the floor at l’Admérane. Coussins, fabriqués à partir de bannières publicitaires, dispersés sur le sol de l’Admérane. Photo d’Olivia Lobar, utilisée avec autorisation.

Mais les concepteurs de produits recyclés font face à un autre problème : la fast fashion (ou mode rapide). « Il n’est pas possible de recycler des matériaux de mauvaise qualité. L’essor de sites tels que Shein et Temu a conduit à la mode ultra-rapide (variation de la mode rapide), réputée pour ses matériaux de mauvaise qualité parfois nuisibles à la santé et à l’environnement, » ajoute Béatrice Souillet. Pour elle, une meilleure communication avec le public est primordiale, et au lieu d’acheter plusieurs vêtements de mauvaise qualité à bas prix, il vaut mieux investir un peu plus dans un seul qui durera plus longtemps.

L’Admérane, soutenu par le Conseil Départemental de la Guadeloupe et lauréat de plusieurs prix, est devenu depuis peu un pôle territorial de coopération économique (PTCE). Parallèlement, le ferme engagement de Béatrice Souillet envers la sensibilisation à l’environnement a conduit à la création de sa propre marque, Cyrikaë.

L’art comme réponse à la surconsommation

Photo of artist Guy Gabon via Olivia Losbar; used with permission.

Photo de l’artiste Guy Gabon, utilisée avec la permission d’Olivia Losbar.

Par ailleurs, le travail de l’artiste et éco-conceptrice Guy Gabon, est basé sur la récupération et la transformation. Selon elle, être éco-conceptrice signifie rejeter l’utilisation de matières premières au profit de matières secondaires, à savoir celles qui ont déjà eu une première vie. C’est une décision qui lui est apparue comme une évidence après avoir constaté la détérioration rapide de l’environnement autour d’elle. Face à la prolifération des déchets et de l’engrenage de la surconsommation, elle a pris conscience de l’urgence d’agir contre un système produisant des objets jetables fabriqués le plus souvent à partir de matériaux qui ont une durée de vie beaucoup plus longue que celle initialement estimée.

Gabon suit une méthode où aucun matériau n’est prédéfini. Elle utilise du métal, du plastique ou du textile en fonction du message ou de la forme qu’elle souhaite exprimer. Selon elle, cette contrainte qu’elle s’impose est nécessaire afin de réduire la production de déchets. « On ne peut pas tout avoir, » explique-t-elle, persuadée que la transition écologique comportera un certain degré d’inconfort et de sacrifices.

Près de 20 ans après s’être engagée sur cette voie, Guy Gabon a remarqué un changement d’attitude, même si elle considère que son évolution est encore beaucoup trop lente. Malgré une résistance opiniâtre, une prise de conscience écologique progresse partout dans le monde. « Nous devons changer la manière dont nous vivons, » insiste-t-elle, appelant à être patient et déterminé afin d’apporter des changements durables.

Davantage de festivals écoresponsables

Des efforts sont également déployés dans le secteur événementiel afin d’améliorer la gestion des déchets. Certains festivals peuvent générer des douzaines de tonnes de détritus, d’où la volonté de la part de plus en plus d’organisateurs d’adopter des mesures de réduction et de triage des déchets. L’objectif est d’éviter le gaspillage à la source en réduisant la consommation de produits jetables ou à usage unique, en mettant en place une politique d’achats responsables, en sensibilisant les divers intervenants, et en facilitant le tri sélectif.

Avant et durant chaque évènement, les organisateurs mènent des campagnes de sensibilisation auprès du personnel et des festivaliers afin de les encourager à consommer autrement, sous la forme notamment de gobelets réutilisables et de vaisselle lavable, de récipients en verre ou de fûts, d’utilisation limitée de bouteilles en plastique et de compostage des déchets alimentaires. Par ailleurs, les villages d’exposants aménagent des espaces dédiés à la sensibilisation du public.

Les organisateurs évènementiels prennent des mesures pour instaurer davantage de politiques responsables de gestion des déchets. Photo de Mouvances Caraïbes par Olivia Lobar, utilisée avec autorisation.

La gestion des déchets durant les festivals est souvent confiée à des associations telles que Mouvances Caraïbes, spécialisée dans l’éducation à l’environnement et au développement durable, et qui œuvre à sensibiliser la population. L’association, à travers des initiatives écologiques, a pour but d’informer le public sur un nouveau mode de vie plus équitable, gratifiant, respectueux de l’environnement, et plus collaboratif.

François Vatin travaille depuis sept ans avec ce type d’associations comme responsable de la gestion des déchets évènementiels, et a rejoint Mouvances Caraïbes l’an dernier. Il coordonne le traitement des déchets et la communication entre les organismes publics, les organisateurs, les exposants et les prestataires de services lors de festivals. Toutefois, en près de dix ans, l’ingénieur n’a constaté aucune amélioration des pratiques. Selon lui, bien que beaucoup de gens souhaitent adopter une démarche écoresponsable, les coûts demeurent un obstacle, notamment pour les petits organisateurs évènementiels disposant de moyens financiers limités.

Dans un secteur où les budgets varient d’un évènement à un autre, en fonction de subventions et divers partenariats, la moindre réduction de financement entraîne toujours une diminution des prestations qui, selon Vatin, se fait souvent au détriment de mesures visant à préserver l’environnement. Par ailleurs, il déplore certains stéréotypes tenaces : « Les gens nous disent qu’ils ne trient plus leurs déchets. Ils pensent que ça ne sert à rien. Mais la présence de plus en plus de poubelles en Guadeloupe est un signe de progrès. » « Dans l’ensemble, de plus en plus de secteurs sont concernés par cette évolution et de plus en plus de personnes sont impliquées. Nous ne pouvons plus nous cacher derrière cet argument. Tout dépend désormais de la volonté des gens. »

Vers un archipel zéro déchet

La gestion des déchets est une priorité pour le secteur public. Le Conseil régional de la Guadeloupe s’est fixé comme objectif de faire de l’archipel un territoire zéro déchet d’ici 2035.

Depuis 2016, toutes les municipalités guadeloupéennes ont transféré leurs responsabilités en matière de gestion des déchets à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), c’est-à-dire un syndicat mixte à travers lequel de nouveaux centres de traitement et de récupération ont été créés.

Dans cette optique, une usine de valorisation énergétique devrait ouvrir ses portes en 2028. Le projet, estimé à 96 millions d’euros (soit un peu plus de 111 millions de USD), devrait permettre l’incinération des déchets et contribuer à la production d’électricité. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire.

Il s’agit d’un effort collectif qui concerne toute la région, et c’est pourquoi, au mois de septembre 2024, un accord a été signé à la suite d’une réunion entre les représentants des territoires français des Caraïbes, de la République dominicaine, de la Dominique et de Sainte Lucie. Le projet « Zéro déchet dans les Caraïbes » mené par le Syndicat de Valorisation des Déchets (Syvade) et financé par INTERREG Caribbean, a pour but le partage de connaissances et le développement d’industries de valorisation des déchets dans les Caraïbes.

Écrit par: Viewcom04

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