Ohio – Springfield : La foi, l’unité et le goût du pays dans l’exil haïtien

Springfield, Ohio : Haïti en exil, la foi en partage

Par Claudy Briend Auguste, reportage depuis Springfield, Ohio

SPRINGFIELD, OHIO – Dans ce coin paisible du Midwest américain, la communauté haïtienne grandit et s’enracine avec pudeur et dignité. Springfield, à une heure de route de Columbus, devient un point de ralliement pour ces exilés venus d’Haïti, souvent sans repère, mais jamais sans mémoire. À travers la foi, le travail et des espaces de convivialité, ces hommes et femmes cherchent à reconstruire leur vie, tout en gardant les yeux rivés sur un pays qu’ils portent toujours au cœur.

Un restaurant, une mémoire vivante

Avant même la cérémonie religieuse à laquelle nous avons assisté, notre premier arrêt s’est fait dans un restaurant haïtien modeste, mais hautement symbolique. C’est là, autour d’un plat de riz collé, de griot fumant et de bananes pesées que nous avons perçu la profondeur du lien qui unit cette diaspora à sa culture. Dans cette salle où l’on parle créole et où le rire fuse librement, Springfield devient soudainement Jacmel, Léogâne ou encore Gonaives.

Ce restaurant n’est pas seulement un lieu pour manger. C’est un carrefour d’identités, un lieu de souvenirs et de solidarités. « Ici, on mange le goût du pays », glisse un habitué. « Même si le passeport a changé, on est resté les mêmes. »

La foi comme refuge

Le lendemain, la communauté haïtienne s’est rassemblée pour une cérémonie de mariage émouvante. Le temple était plein, et l’ambiance à la fois sobre et joyeuse. Le pasteur, un jeune homme charismatique, visiblement investi dans la mission d’accompagner cette diaspora, a dirigé la cérémonie avec une simplicité bouleversante. Il incarne, selon plusieurs fidèles, un espoir durable pour la jeunesse haïtienne d’Ohio. « Il nous comprend. Il a grandi dans cette culture et sait ce qu’on traverse », a confié une participante.

Ce mariage n’était pas seulement l’union de deux êtres : il était le reflet d’une communauté qui tient debout, solidaire, malgré les incertitudes. « En Haïti, il y a trop de douleurs. Ici, au moins, on peut rêver, même avec des papiers précaires », murmure une dame âgée.

La prière pour un pays brisé

Le lendemain, une seconde journée de jeûne et de prière s’est déroulée dans un autre lieu de culte charismatique. L’atmosphère, empreinte de gravité, reflétait l’angoisse collective face à l’effondrement des institutions républicaines, à la prolifération des groupes armés et à l’implosion sécuritaire en Haïti. « Nous prions pour que la nation ne sombre pas dans le néant », a confié l’un des fidèles. Entre les chants, les invocations et les sanglots, se manifestait un attachement profond – souvent douloureux – à une patrie dont beaucoup se sentent désormais exclus.

La menace du vide légal

Mais l’ombre plane sur cette paix relative. La récente annonce de la fin du Temporary Protected Status (TPS), condition accordée à plusieurs Haïtiens depuis les séismes et les crises politiques successives, a plongé les familles dans la peur. Pour beaucoup, c’est une double peine : impossible de rester, mais impensable de repartir.

« C’est comme être suspendu dans un néant légal », déclare un père de famille. « Trump parle d’expulsion, mais nous, on va où ? Là-bas c’est la mort, ici on travaille, on paie nos taxes. » Ces voix ne réclament pas la pitié. Elles demandent simplement la reconnaissance de leur contribution.

Une communauté soudée

Ce que l’on retient de Springfield, c’est cette chaleur humaine entre compatriotes, cette capacité à s’entraider. Les Haïtiens se saluent, s’encouragent, se reconnaissent dans la même lutte pour une existence digne. Leur unité impressionne. « On vit en terre étrangère, mais on reste liés par le sang, par la foi, par le rêve qu’Haïti se relève un jour.

Reportage signé Claudy Briend Auguste
Envoyé spécial à Springfield, Ohio | Rezo Nòdwès

07/12/2025

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