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CPT-Primature | Corruption : Deux ennemis intimes de la République d’Haïti lavent leur linge sale en public

today2025-07-10

CPT-Primature | Corruption : Deux ennemis intimes de la République d’Haïti lavent leur linge sale en public
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La lettre adressée le 9 juillet 2025 par Fritz Alphonse Jean, président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), au Premier ministre de facto Alix Didier Fils-Aimé, constitue moins une simple requête administrative qu’un acte de dévoilement d’un mode de gestion étatique fondé sur l’opacité, le contournement des procédures et une dissociation manifeste entre l’État et le droit. À travers les quatre points abordés, le Président du CPT, un des ennemis publics #1 de la République, soulève une série de dysfonctionnements qui, pris isolément, relèveraient d’une mauvaise coordination institutionnelle, mais qui, analysés conjointement, décrivent une architecture politique où la corruption est intégrée au fonctionnement quotidien du pouvoir.

Le premier élément de cette correspondance adressé à Alix Didier Fils-Aimé, un autre pourfendeur de la patrie, concerne un contrat entre l’État haïtien et la Caribbean Port Services (CPS), dont le renouvellement sur vingt-cinq ans — soit trois fois plus que la période usuelle de neuf ans — est qualifié d’inconnu par le CPT. Le fait qu’un Conseil présidentiel, censé incarner la collégialité et la légitimité de la transition, déclare n’avoir aucune connaissance ni accès aux documents contractuels, anciens ou nouveaux, interroge le statut même de la souveraineté nationale. Un contrat portuaire engageant sur un quart de siècle ne saurait être considéré comme un simple acte de gestion ordinaire. Il s’agit d’un engagement stratégique ayant des implications sur la souveraineté économique, le contrôle des flux commerciaux, et la politique régionale. Son traitement dans le secret, sans concertation ni transparence, constitue un symptôme grave d’une dépossession des institutions républicaines, désormais reléguées à de simples entités d’enregistrement des décisions prises ailleurs.

Le second point, relatif à la situation de SCIOS S.A., propriétaire de l’hôtel Oasis, révèle un autre visage du naufrage administratif. L’implication de trois institutions publiques — l’Office National d’Assurance-Vieillesse (ONA), la Banque Nationale de Crédit (BNC) et le Fonds de Développement Industriel (FDI) — dans des investissements privés désormais en faillite, expose l’État à une perte de près de 17 millions de dollars américains. Ce n’est pas seulement la mauvaise gestion qui est en cause, mais l’hybridation de l’État et du secteur privé, dans une logique de confusion volontaire des intérêts publics et des ambitions particulières. Ce type de montage traduit une dynamique de privatisation des ressources publiques au bénéfice de réseaux restreints et non redevables. L’État actionnaire ou créditeur se trouve pris à son propre piège, instrumentalisé pour garantir des opérations opaques, hors de tout mécanisme de contrôle.

Plus préoccupante encore est la question de la production des passeports, présentée comme étant dans une « impasse sérieuse ». Le silence des autorités compétentes quant à l’appel d’offres, les prestataires impliqués ou les critères de sélection souligne non seulement l’absence de transparence dans un domaine hautement stratégique, mais aussi la mise en péril directe de la sécurité nationale. Le passeport, document fondamental de la citoyenneté et de la mobilité, se trouve instrumentalisé dans un système administratif en décomposition, où les procédures sont contournées ou tues. La perte de la maîtrise étatique sur ses propres instruments de souveraineté documentaire est une alerte majeure, révélant la porosité d’un appareil administratif incapable de garantir les fonctions régaliennes élémentaires.

Enfin, le quatrième point, portant sur les mesures sécuritaires extraordinaires et la création d’un « task force », interroge la logique même de la gouvernance sécuritaire dans un contexte de violence généralisée. Le Président du CPT exige un bilan, des données, une évaluation des ressources engagées, autrement dit ce que toute démocratie normale devrait considérer comme un prérequis. Ce rappel à l’ordre implicite exprime, en creux, l’institutionnalisation de la dérive : les fonds publics sont mobilisés, les initiatives annoncées, mais aucune reddition de comptes n’est réalisée. La sécurité devient un champ de dépenses incontrôlées, parfois instrumentalisées à des fins politiques, sans qu’une lecture objective des résultats ne soit permise. Cette absence de traçabilité alimente une mécanique d’inefficacité doublée de soupçons légitimes de détournements ou de clientélisme.

Il faut ici souligner la gravité du ton retenu. Sous des apparences formelles et respectueuses, la lettre du Président du CPT dévoile une architecture gouvernementale scindée entre les apparences d’un État de droit et les pratiques d’un pouvoir de fait. Ce n’est pas tant l’illégalité ponctuelle qui frappe, mais la banalisation du non-droit, le glissement progressif vers une gestion extralégale des affaires publiques, et la production d’un simulacre institutionnel. Dans ce contexte, l’initiative d’un référendum constitutionnel, portée par cette même équipe exécutive, apparaît comme un acte de diversion : elle n’a pas pour but de refonder l’État, mais d’habiller de légalité une prise de pouvoir par des acteurs décrédibilisés.

La Constitution de 1987, toujours en vigueur, interdit explicitement toute révision par voie référendaire. L’article 284.3 en constitue le verrou démocratique. Vouloir imposer une réforme constitutionnelle par référendum, en dehors de toute délibération parlementaire ou débat public authentique, revient à mettre en scène une participation populaire pour en légitimer la confiscation. Les auteurs de cette initiative, comme le montre la lettre analysée, sont les mêmes qui dirigent un État incapable de garantir la transparence d’un contrat, la solvabilité de ses engagements, la régularité de ses marchés, ou la redevabilité de sa politique sécuritaire. Dès lors, aucune démarche constituante ne saurait leur être reconnue. L’exercice du pouvoir dans ces conditions relève moins de la gouvernance que de la mise en œuvre d’un projet d’anéantissement des garanties collectives.

La République haïtienne ne peut accepter qu’un tel pouvoir, fondé sur le contournement, la connivence et l’oubli du droit, prétende parler en son nom. Il revient désormais à la société civile, aux juristes, aux citoyens et aux héritiers d’une tradition républicaine de rappeler que le droit n’est pas un instrument de validation post hoc du pouvoir, mais la condition même de sa légitimité. Le pays ne manque pas de textes : il manque de vérité, de justice et d’institutions qui rendent compte. C’est à cette exigence que la République survivra, ou non.

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