Désordre, désarmement, désintégration, referendum, institution ex nihilo : héritage institutionnel d’un président assassiné
Un pouvoir en continuité illégitime : la controverse sur la fin du mandat présidentiel
Conformément à l’article 134-2 de la Constitution haïtienne de 1987 amendée, le mandat présidentiel prend fin « le 7 février de la cinquième année du mandat ». Élu une première fois en 2015 dans un scrutin annulé pour fraude et « graves irrégularités », puis « re-choisi » en 2016, selon ses opposants et investi le 7 février 2017, Jovenel Moïse a fait valoir que son mandat expirait en 2022. Toutefois, une large partie de la doctrine constitutionnelle, ainsi que divers acteurs de la société civile et du secteur judiciaire, ont soutenu que ce mandat prenait fin en février 2021, conformément au principe d’interprétation stricte du calendrier électoral et à la jurisprudence de la Cour de cassation dans le cas du président René Préval (2006), qui établissait la primauté de l’élection sur l’entrée en fonction.
Ce maintien unilatéral au pouvoir, sans base constitutionnelle claire, a été renforcé par l’appui d’acteurs internationaux, notamment l’Organisation des États américains (OEA), le Core Group et le Département d’État des États-Unis, qui ont publiquement reconnu l’interprétation présidentielle selon laquelle son mandat se prolongeait jusqu’en 2022. Cette validation extérieure, bien qu’extraconstitutionnelle, a contribué à désactiver les mécanismes internes de régulation du pouvoir exécutif, aggravant la crise de légitimité institutionnelle et fragilisant davantage les garanties de souveraineté populaire consacrées par l’article 58 de la Loi fondamentale.
La nuit du 6 au 7 juillet 2021 : rupture de la continuité constitutionnelle
Le 6 juillet 2021, dans un contexte de vacance parlementaire –« programmée » pour parvenir à un referendum bien ficellé -, d’érosion généralisée des contre-pouvoirs et de désintégration sécuritaire, le président Jovenel Moïse est assassiné à son domicile de Pèlerin 5, dans ce qui constitue l’un des crimes politiques les plus graves de l’histoire contemporaine haïtienne depuis 1915. Exécuté sans résistance par un commando lourdement armé, sans intervention des unités de sécurité présidentielle, cet assassinat constitue une atteinte directe au principe de continuité de l’État garanti par l’article 136 de la Constitution. La gravité de ce crime est accentuée par l’inopérabilité des mécanismes de succession constitutionnelle : l’article 149, qui prévoit que le président de la Cour de cassation assure l’intérim en cas de vacance, était devenu caduc du fait même des révocations illégales et arbitraires de juges de cette Cour par le président défunt.
L’incapacité de l’État à organiser une réponse institutionnelle immédiate à cette vacance du pouvoir manifeste une rupture complète du pacte constitutionnel. En l’absence de pouvoir judiciaire indépendant, de Parlement fonctionnel, et de Cour de cassation opérationnelle, la République s’est retrouvée dans une situation de désordre juridique absolu. Dès lors, l’assassinat du chef de l’État ne saurait être analysé comme un simple événement criminel : il constitue un effondrement systémique de l’État républicain, à la fois dans ses structures normatives, dans ses mécanismes de contrôle, et dans sa légitimité démocratique.
L’État en cohabitation avec les groupes armés : le cas du G9
L’architecture de l’effondrement étatique ne saurait être comprise sans l’analyse de l’émergence, sous le mandat de Jovenel Moïse, du groupe armé fédéré connu sous le nom de G9 an fanmi e alye. Cette coalition de gangs, dirigée par l’ancien policier Jimmy Chérizier alias “Barbecue”, s’est constituée en 2020 avec l’assentiment tacite de l’exécutif, dans une logique de substitution sécuritaire. En tolérant, voire en favorisant, l’expansion de cette fédération criminelle terroriste dans la capitale, le pouvoir exécutif a porté atteinte au principe fondamental du monopole de la violence légitime détenue par l’État, tel que consacré à l’article 266 de la Constitution haïtienne, et reconnu universellement depuis Max Weber.
L’installation d’un pouvoir armé parallèle, agissant en marge de toute légalité républicaine, a transformé le territoire national en une mosaïque de zones d’influence échappant au contrôle des autorités publiques. Cette dérive constitue une violation grave du droit constitutionnel interne, mais aussi des normes internationales relatives aux droits humains, notamment les articles 6, 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La responsabilité politique, morale et éventuellement pénale des autorités ayant facilité cette militarisation non étatique du territoire national pourrait être engagée, en vertu des principes du droit international humanitaire et de la doctrine de la responsabilité de protéger.
Une justice effacée : externalisation pénale et faillite souveraine
Quatre ans après le magnicide du 7 juillet 2021, l’appareil judiciaire haïtien demeure dans l’incapacité structurelle d’exercer sa compétence sur les faits. Aucun procès n’a été initié par les juridictions nationales, malgré la présence de suspects arrêtés sur le territoire. Les multiples désignations et défections de juges d’instruction illustrent l’instabilité chronique d’un pouvoir judiciaire privé de garanties d’indépendance et de moyens de fonctionnement. Cette situation découle directement de l’affaiblissement systématique du système judiciaire par l’exécutif, en violation des articles 175 à 192 de la Constitution.
Face à cette défaillance, plusieurs procédures ont été engagées par les juridictions fédérales américaines, sur la base de leur compétence extraterritoriale en matière de complot criminel et de violations du droit fédéral. Ces poursuites ont conduit à la condamnation de plusieurs individus (notamment Rodolphe Jaar, Germán Rivera, et Mario Antonio Palacios), mais sans articulation avec un processus national de justice. Cette externalisation de la justice pénale, opérée en dehors de toute commission d’enquête conjointe, confirme l’incapacité de l’État haïtien à assurer sa propre souveraineté juridictionnelle. Une telle situation constitue une atteinte au droit fondamental d’accès à un tribunal compétent, impartial et indépendant, protégé par l’article 8 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme.
En l’absence de commission nationale de vérité, d’instances judiciaires aptes à instruire en toute indépendance, ou d’un engagement institutionnel effectif en faveur de la restauration de l’État de droit, l’assassinat du président Jovenel Moïse demeure, quatre ans après les faits, juridiquement qualifiable de crime d’État impuni. Cette défaillance persistante du système judiciaire traduit non seulement une carence de volonté politique, mais également une abdication fonctionnelle des autorités républicaines face à leurs obligations constitutionnelles et internationales. Le magnicide du 7 juillet 2021 constitue ainsi le symptôme achevé d’un effondrement normatif, dans lequel l’ordre constitutionnel a été systématiquement instrumentalisé, vidé de sa substance et sacrifié à une logique de conservation du pouvoir par des moyens extraconstitutionnels.
Ce vide juridictionnel et institutionnel engage la responsabilité de l’État, tant sur le plan interne – au regard des articles 1, 5, 36, 136 et 149 de la Constitution – que sur le plan externe, en vertu des principes du droit international relatifs à la protection des droits humains, à l’obligation de poursuite et à la garantie d’accès à un recours effectif. Le silence de la République face à un acte de haute trahison contre l’ordre démocratique consacre la suspension de facto du constitutionnalisme haïtien. La République, en renonçant à juger ses propres crimes politiques, s’est exilée hors du droit.
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