Haïti : pirates en mer, pièges sur les routes nationales, Fils-Aimé célèbre la Journée du tourisme

Haïti : routes fermées, mer confisquée, Premier ministre en conférence. La seule option qui demeure consiste, à l’instar des membres du CEP, à effectuer en avion la visite des éventuels centres de vote pour le référendum PHTK-CPT/Fils-Aimé.

Le territoire national s’apparente de plus en plus à une zone de non-droit, où routes nationales et secondaires et voies maritimes échappent au contrôle de l’État et passent sous la domination de groupes armés criminels structurés. L’autorité publique, fragilisée voire absente, ne parvient plus à exercer une souveraineté effective. Vendredi dernier, un navire assurant la liaison entre Arcahaie et un port de La Gonave a été arraisonné en mer par des hommes lourdement armés. Les cargaisons ont été saisies, l’équipage retenu. Cette opération de piraterie des temps modernes témoigne de l’effondrement manifeste de l’État Tèt Kale/CPT sur les axes logistiques essentiels du pays. Autrefois perçue comme un espace d’ouverture et de commerce, la mer se mue désormais en corridor de violence.

Sur les axes routiers, la situation demeure tout aussi préoccupante. À Pont-Sondé, des groupes criminels continuent d’imposer un climat de terreur à la population civile. Plusieurs victimes sont à déplorer. Les barrages sauvages se multiplient, érigés par des factions armées qui extorquent, enlèvent et exécutent. Selon Bertide Horace, porte-parole de la Commission de dialogue, de réconciliation et de conscientisation pour la sauvegarde de l’Artibonite, les assaillants ont passé plusieurs heures à édifier un mur au niveau de Carrefour-Paye, sans être inquiétés par les forces de l’ordre retranchées dans le sous-commissariat tout proche. Les malfaiteurs sont allés jusqu’à publier des images de leur entreprise, assumant ouvertement la prise de contrôle.

Le tronçon routier reliant Carrefour-Paye, Pont-Sondé et L’Estère se trouve désormais sous leur domination, alertent plusieurs acteurs de la société civile implantés dans la vallée de l’Artibonite. Dans les localités de Pont-Sondé et Villa, plusieurs chauffeurs ont été contraints de stopper leur course afin d’échapper aux tirs nourris et aux menaces proférées par les hommes en armes. Des échanges violents entre ces derniers et des groupes d’autodéfense ont semé la panique dans l’ensemble de la région, transformant la route en théâtre d’affrontements incontrôlés.

Au même instant, à Lascaobas, zone névralgique située à proximité de la frontière haïtiano-dominicaine et de l’unique centrale hydroélectrique du pays, une offensive sanglante menée par des bandes armées a été rapportée. Les échanges de tirs ont laissé plusieurs victimes au sol. Le mutisme des autorités demeure assourdissant, révélateur d’un effacement progressif de l’État, désormais relégué au rang de spectateur. Une souveraineté parallèle, portée par des acteurs illégaux, s’installe de manière concrète. Le territoire national, loin d’être unifié, se voit désormais éclaté, disputé, grignoté par des logiques de contrôle armé.

Sous cette atmosphère pernicieuse, le Premier ministre de facto, Alix Didier Fils-Aimé, présidait, ce mercredi 2 juillet à l’hôtel Karibe, la cérémonie officielle marquant la Journée nationale du tourisme et du développement local, sous le thème : « L’industrie touristique : de la résilience à la relance économique ». Entouré de ministres, de représentants d’organisations professionnelles et de chefs d’entreprise, Fils-Aimé vantait les mérites du secteur touristique comme levier de croissance, alors même que la capitale suffoque sous la menace, que les voies de communication sont paralysées, et que l’insécurité constitue l’horizon immédiat.

Ce contraste brutal met en question la cohérence du discours gouvernemental : quelle relance économique prétendre amorcer dans un pays barricadé de toutes parts ? Quel imaginaire touristique peut encore se déployer là où circuler relève de l’exception, où chaque déplacement devient un enjeu de survie, et où mer comme routes sont livrées à des puissances armées arbitrairement et illégalement ?

cba

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