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En Afrique francophone, les enfants des rues portent des dénominations différentes mais renvoient à une même réalité

today2025-06-11

En Afrique francophone, les enfants des rues portent des dénominations différentes mais renvoient à une même réalité
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Une série télévisée ivoirienne, “Les invisibles” met en exergue la problématique des enfants des rues

Initialement publié le Global Voices en Français

Un groupe d’enfants de la rue en Côte d’Ivoire, autour d’une dame qui s’est donnée pour mission de sortir “les microbes” de leur situation ; capture d’écran de la chaîne YouTube de Droit Libre TV

Le phénomène des enfants des rues est aussi présent en Afrique francophone ; et si plusieurs dénominations sont utilisées pour les désigner, elles renvoient toutes à la même réalité de précarité de mineurs.

En 2021, une publication du Bureau international catholique de l’enfance (BICE) indique que le monde compte plus de 120 millions d’enfants des rues dont 30 millions se trouve en Afrique. En 2025, ce chiffre est évalué à 35 millions en Afrique. Alors que l’augmentation de ce chiffre devrait inquiéter les gouvernements africains, le phénomène semble être moins pris en compte dans les politiques de développement.

Les raisons pour lesquelles des enfants se retrouvent à la rue sont nombreuses. Dans ce sens, Humanium, une ONG internationale basée en Suisse qui a pour mission la promotion, la défense et la concrétisation des droits de l’enfant dans le monde, indique :

…des enfants se retrouvent sans logement et sont forcés à se débrouiller par eux-mêmes dans les rues pour de nombreuses raisons, principalement la pauvreté, les guerres, les violences et la maltraitance antérieure, l’exploitation et le désespoir.

A cela s’ajoute un phénomène de discrimination socioculturelle qui fait que dans certaines communautés, ces enfants sont accusés à tort pour des faits de sorcellerie et chassés des maisons.

Cette double marginalisation économique et sociale donne lieu à des dénominations qui varient dans différents pays d’Afrique francophone.

“Mboko” au Cameroun

Au Cameroun, l’appellation “Mboko” est utilisée pour désigner les enfants des rues; elle correspond au diminutif de l’expression Nanga-boko en langue duala, parlée dans la ville de Douala (capitale économique du Cameroun). Ce terme est l’union de deux mots: nanga (dormir) et éboko (extérieur, dehors). Nanga-boko s’utilise ainsi pour parler de ces enfants qui dorment dehors dans la rue. Interviewé par Global Voices, via Whatsapp, Jean Samuel Njock, membre de la diaspora camerounaise en Europe explique dans un contexte plus large l’origine de cette appellation. Il dit:

L’appellation Nanga-boko fait suite aux migrations du nord vers le sud de milliers d’enfants orphelins délinquants ou sans abris qui quittent Ngaoundéré (ville située au nord du pays) en passant par l’est du pays puis la ville de Nanga-eboko (situé au centre du pays) jusqu’à la capitale Yaoundé où ils forment de grands groupes de délinquants liés à la consommation de stupéfiants. Ces enfants de rue sont aussi à l’origine du Mbolé qui est un style musical camerounais.

Ici, un exemple de chanson sur le rythme Mbolé du groupe Elang City sur le titre Toaster Le Yamo.

En légende du clip, un message donne une explication nuancée du phénomène des enfants des rues:

…”Toaster Le Yamo”, est une chanson d’animation qui aborde avec force et sincérité les réalités quotidiennes des jeunes confrontés au chômage. Contrairement à certaines idées reçues, cette chanson ne fait pas l’apologie de la drogue, mais dénonce plutôt les défis que beaucoup de jeunes rencontrent aujourd’hui.

Lire aussi : Les mots ont la parole: Épisode #26

“Shégué” en RDC

Le terme “Shégué” revêt le même sens en République démocratique du Congo (RDC). “Shégué” est un mot lingala, une des langues nationales parlées en RDC, utilisé dans ce pays pour parler des enfants de rue. Les causes de l’abandon et du rejet par les familles sont les mêmes: faits de sorcellerie, manque de moyen pour les familles de pourvoir à leurs besoins primaires.

Pour les shégués, tous les moyens sont bons pour survivre. Bon nombre d’entre eux participent à des actes d’extrême violence en rejoignant les gangs de délinquants armées qui volent, violent, martyrisent et tuent des citoyens congolais dans la ville de Kinshasa, capitale du pays. Ces gangs de jeunes constituent aujourd’hui un phénomène de banditisme social nommé “Kulunas“.

Lire: En RDC, le gouvernement opte pour la peine de mort pour éradiquer le phénomène du banditisme

“Microbe” en Côte d’Ivoire

Les bandes d’enfants des rues sont appelées “microbes” en Côte d’Ivoire. Ces enfants sont contraints à  prendre soin de leur famille au lieu de faire des études ou de profiter de leur enfance avant l’âge adulte. Usant d’une extrême violence, ils sont parfois impliqués dans des braquages et tueries dans le pays, surtout à Abidjan, capitale de la Côte d’Ivoire.

Un documentaire intitulé Abidjan’s Microbes: How Côte d’Ivoire Abandoned Its Youth? (Les microbes d’Abidjan : comment la Côte d’Ivoire a abandonné sa jeunesse? ) en donne une image saisissante:

Une publication de Jeune Afrique indique également que ces jeunes ont joué un rôle important dans la crise politique de 2011 qui a secoué la Côte d’Ivoire, aboutissant à l’arrestation de Laurent Gbagbo (président 2000-2010).

Le phénomène des microbes en Côte d’Ivoire a attiré l’attention d’Alex Ogou, réalisateur franco-ivoirien qui a réalisé une série télévisée dénommé “Les invisibles” pour mettre en exergue la problématique des enfants des rue.

Ici, un extrait de cette série :

Lors d’une interview qu’il a accordée en 2018 à France Info, Ogou dit ce qu’il a appris sur ces enfants :

Ces enfants sont issus des classes les plus défavorisées de la société dans leur grande majorité. Mais il y a aussi, parmi eux, des gamins qui appartiennent à des foyers stables et qui, la nuit tombée, rejoignent les rangs des microbes. Conclusion: que vous soyez riche ou pauvre, le regard ou le non-regard porté sur les enfants reste déterminant. Leur dénominateur commun est d’être des enfants délaissés, abandonnés par leurs parents ou livrés à eux-mêmes.

Le combat pour mettre fin à ce phénomène d’enfant des rues est loin d’être gagné. Malgré la mise en œuvre de plusieurs initiatives émanant des organisations de la société civile, le défi demeure pour garantir la dignité des enfants et la sécurité en zones urbaines.

Écrit par: Viewcom04

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