Arts et Culture

Max Romeo, une voix mélodieuse et déterminée des turbulentes années 1970 en Jamaïque, décède à 80 ans

today2025-05-31

Max Romeo, une voix mélodieuse et déterminée des turbulentes années 1970 en Jamaïque, décède à 80 ans
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Son album emblématique « War Ina Babylone » reflétait les turbulences politiques de la Jamaïque des années 1970.

Initialement publié le Global Voices en Français

Max Romeo sur la scène principale du Sunsplash, le 16 août 2010. Photo de Luca Paolassini_Rototom Sunsplash ©2010 via Flickr, utilisée sous licence (CC BY-NC-SA 2.0).

L’artiste de « Roots » reggae Max Romeo, connu pour ses paroles sans concession, est décédé le soir du 11 avril dans un hôpital privé à St Andrew, en Jamaïque, suite à des complications cardiaques. Il avait 80 ans.

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Né Maxwell Livingston Smith (également connu sous le nom de « Maxie Smith ») le 22 novembre 1944, à Saint D’Acre, une petite ville de la campagne près d’Alexandria, sur les collines de St Ann, en Jamaïque, Roméo a quitté la maison à l’âge de 14 ans. Il a eu une enfance très difficile, travaillant dans une plantation de cannes à sucre à Clarendon, où il a remporté un concours de chant à 18 ans. Comme d’autres artistes de reggae en herbe des zones rurales, il est alors parti pour la grande ville — Kingston, le berceau du reggae, où il avait de la famille — pour faire fortune.

Là, Romeo s’est associé à deux musiciens, Kenneth Knight and Lloyd Shakespeare (frère du légendaire bassiste Robbie), pour former The Emotions en 1965. Leur premier titre, « (Buy You) A Rainbow » (1966), a été produit par Ken Lack. Romeo travaillait comme promoteur pour la maison de disques de Lack, un jour le producteur l’aurait entendu chanter tout seul et lui aurait suggéré d’enregistrer le morceau. Ce fut un succès immédiat, et plusieurs titres à succès suivirent pour The Emotions.

En 1968, Romeo s’est senti prêt à se lancer dans une carrière solo; ne rencontrant pas beaucoup de succès, il revint auprès de The Emotions. Il a ensuite rejoint un groupe appelé  The Hippy Boys, formé par le producteur Lloyd Charmers; le groupe comptait deux frères, Aston Barrett (bass) et Carlton Barrett (drums), qui devinrent plus tard membres des Wailers de Bob Marley.

Romeo était un collaborateur musical. Il a continué à travailler comme chanteur résident et auteur-compositeur avec l’influent producteur Bunny Lee, contribuant ainsi aux débuts des chanteurs Derrick Morgan et Slim Smith, qui chantaient un mélange de ska et de rocksteady, précurseurs du reggae.

Romeo a ensuite écrit la chanson « Wet Dream », qui attira l’attention du public et le fit remarquer en tant qu’artiste solo. Morgan et Smith avaient refusé la chanson à cause de ses paroles osées. Lorsque Lee suggéra que Romeo l’enregistre lui-même, ce dernier accepta avec réticence; elle devint alors un grand succès dans plusieurs pays.

Après seulement deux diffusions, la British Broadcasting Corporation (BBC) bannit la chanson de ses ondes en raison de ses paroles explicites. Néanmoins (et peut-être sans surprise), elle est devenue par la suite un énorme succès au Royaume-Uni et, selon Romeo, une sorte de titre culte auprès des « skinheads », une sous-culture de la jeunesse ouvrière blanche des années 1960, qui curieusement adopta le ska et le reggae et favorisa la popularité de cette musique au Royaume-Uni. Romeo affirma par la suite, sans conviction, que la chanson traitait d’un toit qui fuit. Son premier album, « A Dream, » tout aussi osé, suivit.

Après toute cette coquinerie, le célèbre producteur Niney the Observer (Winston Holness) prit Romeo sous son aile, l’orientant vers une musique plus consciente, influencée par le rastafarisme. En 1971, le second album de Romeo, « Let the Power Fall (on I) », surprit ses fans; cependant, à cette époque, l’atmosphère était différente, fortement politisée à l’approche des élections de 1972 en Jamaïque. Son troisième album, « Revelation Time » (1975), auquel ont participé les formidables frères Barrett, célèbres membres des Wailers, avec qui il avait collaboré plutôt dans sa carrière, explorait des thèmes religieux et sociaux.

L’album emblématique de Romeo qui suivit, « War Ina Babylon » (1976), reflétait la situation politique tendue de la Jamaïque des années 1970. Il a été produit par son très bon ami, le légendaire Lee « Scratch » Perry, et enregistré sur l’influent label Island Records de l’entrepreneur musical jamaïcain Chris Blackwell. En 2022, Romeo a intenté une action en justice afin d’obtenir des royalties totalisant 15 millions de dollars américains (plus de 2,27 milliards JAD) pour des droits d’auteur prétendument non payés pour « War Ina Babylon » et un album ultérieur, « Reconstruction » (1977), auprès du groupe Universal Music et de Polygram (qui a repris Island Records). Ces sociétés ont cherché à obtenir un non-lieu en 2023; il n’y a pas d’information depuis.

La chanson militante, « Chase the Devil, » tirée de l’album de 1976, était le morceau ouvertement politique de Romeo le plus populaire et a largement été choisi par des artistes tels que les rappeurs américains Jay-Z et Kanye West, entre autres. Cependant, l’excentrique « Scratch » n’était pas une personne avec qui il était facile de s’entendre; après la sortie de l’album et de son immense succès, lui et Romeo se sont brouillés; il n’y eut plus de collaboration entre eux, bien que plus tard ils se réconcilièrent.

Le role de la musique de Romeo dans la politique jamaïcaine des années 1970 restera gravé dans les mémoires. Sa chanson « Let the Power Fall on I » est devenue l’hymne du Parti National Populaire de Michael Manley (PNP) lors des élections de 1972, que le Parti remporta . Ayant ouvertement déclaré son soutien pour Manley, Romeo enregistra plusieurs chansons afin de soutenir sa campagne, dont « Michael Row the Boat Ashore » et « Press Along Joshua, » qui était le surnom de Manley. Lors de ses discours les plus enflammés, Manley brandissait souvent un bâton rastafari, surnommé le « Bâton de Correction. » Plus tard, déçu par la politique de Manley , Romeo enregistra une chanson, « No Joshua No, » exprimant sa déception.

En 1978, Romeo s’est rendu à New York, où il a composé et interprété une comédie musicale, « Reggae, » avec en vedette Philip Michael Thomas et Sheryl Lee Ralph. Il a aussi collaboré avec le groupe de rock britannique The Rolling Stones; leur guitariste Keith Richards a coproduit et joué sur son album sorti en 1981, « Holding Out My Love to You. »

Bien que ses dernières chansons n’aient pas connu de succès majeurs, Romeo a continué à faire de nombreuses tournées à l’étranger et était un artiste extrêmement populaire. Il a construit un studio d’enregistrement chez lui, dans la région rurale de St. Catherine, où ses enfants, Azana (son manager) et Azizi, ont débuté leurs carrières musicales. En 2014, il a sorti l’album Father and Sons, en collaboration avec ses fils Ronaldo and Romario (plus connu sous le nom du duo Rominal). Azana, Azizi et Romeo ont ensuite réalisé ensemble un « album familial », enregistré dans leur home-studio, preuve que même s’il ne produisait plus de grands succès, l’influence et la présence de Romeo sur la scène musicale continuaient.

Depuis l’annonce de son décès, de nombreux hommages ont été rendus, tant par des musiciens que par des hommes politiques.

Le porte-parole de la culture pour le parti de l’opposition, le Parti National Populaire, a qualifié la mort de Romeo de « véritable fin d’une époque », tandis que le leader de l’opposition Mark Golding a déclaré sur Instagram qu’il était « profondément attristé » par son décès:

Max était une voix puissante de la musique jamaïcaine — un artiste influent dont les paroles disaient la vérité au pouvoir et donnaient une voix aux luttes et aux aspirations de notre peuple.[…] La Jamaïque a perdu un géant de la culture, mais son héritage perdurera à travers sa musique intemporelle et l’impact qu’il a eu sur notre conscience nationale.

Romeo a effectué son dernier « Ultimate Tour » à l’étranger, à l’âge de 78 ans, visitant 56 villes du Royaume-Uni et d’Europe, où il a chaleureusement été accueilli. Après cette tournée, il s’est retiré dans sa ferme de St Catherine pour passer le reste de son temps avec sa femme, Charm, et leur famille.

Des paroles calmes à un style militant abordant des questions sociales, Max Romeo est resté un chanteur et auteur-compositeur extrêmement influent pendant plus de 50 ans. Ses deux chansons les plus célèbres illustrent le passage d’un répertoire plus léger de jeunesse à des préoccupations sérieuses pour son île, la Jamaïque, en période de turbulences. On se souviendra toujours de lui comme d’un artiste authentique, qui exprimait la souffrance et les aspirations du peuple.

Écrit par: Viewcom04

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