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Quand les représentants ne représentent pas les représentés : une trahison silencieuse en Haïti

today2025-04-23 1

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En Haïti, le fossé entre les aspirations du peuple et les actions de ses représentants politiques ne cesse de s’élargir. 

Alors que la majorité de la population lutte quotidiennement pour satisfaire ses besoins fondamentaux — accès à la nourriture, à l’eau potable, à la santé, à l’éducation et à la sécurité —, une part importante de la classe politique semble s’être détournée de sa mission première : représenter et défendre les intérêts du peuple.

Au lieu d’être les porte-voix des revendications populaires, de nombreux leaders politiques haïtiens se comportent comme des gestionnaires de fortunes personnelles. Ils s’allient à des clans familiaux et politiques, s’enrichissant dans l’ombre grâce à des contrats opaques, des postes attribués à des proches et des manœuvres de détournement de fonds publics. La corruption n’est plus une rumeur, mais un mode de fonctionnement systémique, où l’État est utilisé comme un outil d’enrichissement personnel au lieu d’un levier de développement collectif.

Les moments de crise révèlent avec une cruauté accrue ce divorce entre les gouvernés et leurs représentants. 

En 2018, lorsque le scandale PetroCaribe a éclaté, mettant en lumière la dilapidation de milliards de dollars destinés au développement du pays, aucune réponse sérieuse n’a été apportée par les autorités. Pendant que les jeunes scandaient « Kote kòb PetroCaribe a ? » dans les rues, exigeant vérité et justice, les dirigeants se sont murés dans un silence complice ou ont répondu par la répression.

Autre exemple frappant : en pleine flambée des prix du carburant et des produits de première nécessité, les gouvernements successifs ont imposé des ajustements sans tenir compte des conséquences pour les plus démunis. Le peuple descendait dans la rue, des vies étaient perdues, mais aucune mesure d’accompagnement sérieuse n’était mise en place. La voix du peuple, pourtant assourdissante, était systématiquement ignorée.

Pire encore, ces responsables politiques s’alignent souvent sur les désirs des acteurs puissants du secteur privé, ceux-là mêmes qui profitent de l’économie informelle, des monopoles et des privilèges fiscaux, au détriment de l’intérêt collectif. Ces « patrons » du privé dictent parfois l’agenda politique, orientant les décisions selon leurs intérêts, avec la bénédiction tacite ou explicite des autorités en place.

À ce tableau s’ajoute l’influence de la communauté internationale, qui agit sous couvert de coopération et d’aide au développement, mais dont les interventions sont souvent motivées par des intérêts géostratégiques ou économiques. Au lieu de soutenir les dynamiques de souveraineté populaire, certaines puissances étrangères cautionnent et appuient des gouvernements illégitimes ou incompétents, tant qu’ils assurent une certaine « stabilité » — une stabilité qui rime trop souvent avec immobilisme, répression et pauvreté endémique.

Les représentants haïtiens ont donc, pour beaucoup, perdu de vue leur véritable mandat. Ils ne représentent plus les paysans abandonnés dans les mornes, ni les jeunes sans emploi dans les bidonvilles, ni les déplacés internes logés dans des camps, ni ceux qui n’aspirent qu’à quitter le pays, ni les femmes qui meurent en couches faute de soins. Ils représentent leurs propres intérêts, ceux de leurs alliés économiques et les volontés de l’extérieur.

Mais le peuple, malgré la fatigue, n’est pas dupe. Les mouvements de protestation, les grèves, les manifestations, les cris portés dans les rues sont les preuves vivantes que les représentés n’acceptent plus d’être ignorés. L’histoire récente — des soulèvements contre l’augmentation injustifiée du carburant, des marches contre la faim, des révoltes pour exiger des élections crédibles — montre bien que la résignation n’a pas encore triomphé.

Si les représentants continuent de trahir leur rôle, l’histoire haïtienne, marquée par des soulèvements contre l’injustice, leur rappellera que la souveraineté appartient au peuple — et non à une poignée de privilégiés. 

Considérant la situation d’insécurité chronique et meurtrière dans laquelle nous vivons actuellement, à quoi peut-on réellement s’attendre si les représentants persistent à ignorer ceux qu’ils sont censés servir ?

Jean-Baptiste SUFFRARD

Communicologue/Formation en Anthropo-sociologie.

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