Acte de l'Indépendance d'Haiti

PetroCaribe dilapidé et oublié, les milliards de 1825 ‘restitués’ : Haïti peut-elle éviter un nouveau détournement de fonds publics à grande echelle?

today2025-04-18

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Restituer la dette de l’indépendance à Haïti : entre espoir historique et risque de captation par la corruption

Le 17 avril 2025, deux siècles après l’imposition de la dette dite de l’indépendance, le président français Emmanuel Macron a reconnu publiquement, pour la première fois dans un discours officiel, l’injustice historique infligée à Haïti par la France. En 1825, sous la menace d’une flotte militaire, Haïti avait été contrainte de verser une indemnité de 150 millions de francs or à la France pour compenser la perte des biens — humains et matériels — des anciens colons, en échange d’une reconnaissance de son indépendance. Cette dette, qualifiée de « rançon de l’indépendance » par les historiens, a lourdement hypothéqué les possibilités de développement du jeune État haïtien pendant plus d’un siècle.

Si la France décidait aujourd’hui de restituer cette somme — qui, selon plusieurs estimations, représenterait entre 21 et 30 milliards de dollars en valeur actualisée — les retombées pourraient être considérables pour Haïti. Ce transfert de richesse pourrait permettre d’investir massivement dans des secteurs vitaux tels que les infrastructures, l’éducation, la santé, l’agriculture durable, ou encore la sécurité. Il pourrait aussi constituer un levier de transformation économique, à l’image du Plan Marshall dans l’Europe d’après-guerre. Certains économistes, dont Thomas Piketty, ont plaidé pour une telle réparation dans une logique de justice historique et de rééquilibrage des relations internationales (Piketty, Une brève histoire de l’égalité, 2021). Pour un pays où plus de 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (Banque mondiale, 2024), une restitution bien gérée pourrait représenter un tournant structurel, en restaurant la capacité de l’État à agir, en renforçant la souveraineté budgétaire et en favorisant des politiques publiques plus inclusives.

Cependant, un tel scénario ne peut être envisagé sans tenir compte des réalités institutionnelles actuelles d’Haïti. Le pays traverse une crise multidimensionnelle marquée par l’effondrement de l’autorité de l’État, l’emprise croissante des gangs armés sur le territoire, et un niveau de corruption systémique documenté depuis plusieurs années par des organisations internationales. Selon le rapport 2024 de Transparency International, Haïti figure parmi les dix pays les plus corrompus au monde, avec un indice de perception de la corruption particulièrement préoccupant (Transparency International, Corruption Perceptions Index 2024).

L’histoire de la derniere decennie montre que des fonds importants — notamment ceux du programme PetroCaribe — ont été détournés sans qu’aucune réforme de gouvernance substantielle n’ait été mise en œuvre. Un rapport de la Cour supérieure des comptes haïtienne de 2019 faisait état de détournements massifs et de projets fictifs impliquant des entreprises de proches du pouvoir et plusieurs anciens premiers ministres. À cela s’ajoutent les allégations de connivence entre responsables politiques et chefs de gangs, qui participent à l’effritement de la légitimité étatique. Des personnalités politiques influentes, dont certains anciens ministres et parlementaires, ont été nommément citées dans des rapports d’enquête pour leur rôle dans la prolifération des groupes armés et la captation des ressources publiques.

Le cas récent de la Banque Nationale de Crédit (BNC), où des conseillers de la présidence ont été soupçonnés d’abus de pouvoir, d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent, illustre une dynamique préoccupante : celle d’un État paralysé par la prédation de ses propres élites. Dans ce contexte, on peut légitimement s’interroger sur la capacité actuelle d’Haïti à absorber une telle manne financière sans qu’elle ne soit détournée ou capturée par des réseaux clientélistes et mafieux. Une restitution, sans réforme structurelle profonde de la gouvernance, risquerait de devenir une nouvelle opportunité de prédation plutôt qu’un instrument de libération.

Le peuple haïtien, conscient des trahisons passées et de la vulnérabilité des institutions, est en droit de poser une question fondamentale : à qui profitera cette restitution, si elle advient ? Et dans quelles conditions cette justice historique pourrait-elle véritablement se traduire par un mieux-être collectif, plutôt que par une nouvelle spirale d’impunité ?

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