Haïti : l’état d’urgence face à l’avancée des gangs un outil inefficace ?
Depuis plusieurs mois, Haïti sombre dans une spirale de violence incontrôlée, où les gangs armés dictent leur loi sur une large portion du territoire national et étendent leur emprise sur des villes clés comme Mirebalais et Saut-d’Eau. Face à cette situation, le gouvernement haïtien a déclaré l’état d’urgence à plusieurs reprises, accompagné de couvre-feux et de mesures sécuritaires renforcées . Mais cet état d’urgence est-il réellement appliqué et se révèle-t-efficace?
Le 14 avril 2025, le Conseil présidentiel de transition a approuvé un « budget de guerre » de 36 milliards de gourdes (environ 275 millions de dollars) pour renforcer les forces de l’ordre, sécuriser les frontières et financer des programmes sociaux . Malgré ces efforts, les gangs continuent de semer la terreur, incendiant des commissariats, orchestrant des évasions massives de prison et provoquant la mort de centaines de personnes.
La situation s’aggrave de jour en jour et rien ne semble stopper les gangs. la faiblesse de l’État ne se limite plus à son incapacité à rétablir l’ordre : elle prend les allures d’une véritable désertion. Les institutions publiques se replient, désertent leurs sièges et laissent la population à la merci d’une violence endémique. Institutions publiques, commissariats, tribunaux, la Direction Générale des Impôts, hôpitaux, établissements scolaires, medias, commerces etc: rien ne semble résister à la destruction systématique des gangs mais, en particulier de la coalition terroriste, ‘’Viv Ansanm’’, et son chef Jimmy Cherisier.
La violence des gangs a provoqué une désorganisation massive des services publics, de l’éducation, de la culture et de l’économie en Haïti. La majorité des institutions touchées se trouvent dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, mais l’insécurité s’étend désormais à des villes comme Mirebalais et Saut-d’Eau. Cette situation a entraîné le déplacement de plus d’un million de personnes, selon la directrice générale de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), Amy Pope, à l’issue d’une visite dans le pays. et la fermeture de nombreuses infrastructures essentielles.
Les critiques fusent quant à l’efficacité de l’état d’urgence. Des observateurs estiment que ces mesures sont insuffisantes et mal coordonnées, laissant les populations vulnérables sans protection adéquate. La mission multinationale d’appui à la sécurité, principalement composée de forces kenyanes, peine à contenir la violence, en raison de ressources limitées et d’un déploiement partiel.
Et si un nouveau contingent d’officiers jamaïcains est arrivé à Port-au-Prince, le mardi 15 avril 2025, pour rejoindre la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), ils ne sont qu’une vingtaine révèle le quotidien Le Nouvelliste. De quoi rire jaune! Ce dernier se demande aussi Où sont passés les Kényans déployés en Haïti ? En effet, « depuis le 25 mars dernier, quand dans l’Artibonite trois blindés de la PNH et de la MMAS ont été incendiés, et qu’un officier kényan a été tué, on entend peu de nouvelles de la Mission multinationale dirigée par le Kenya », souligne le journal.
Un État en fuite
Certains observateurs vont jusqu’à parler d’un État « en fuite », tant les représentants officiels semblent absents des zones les plus touchées. Les analystes, comme le politologue Robert Fatton, évoque une « implosion de l’État haïtien », incapable de garantir les fonctions régaliennes les plus fondamentales : sécurité, justice, souveraineté. Face à ce vide, la population s’organise tant bien que mal, mais le constat reste brutal: oui, l’État haïtien semble bel et bien en fuite, et ce retrait alimente davantage le pouvoir tentaculaire des gangs.
En parallèle, la justice haïtienne est paralysée, avec des tribunaux dysfonctionnels et une surpopulation carcérale critique. Cette situation entrave la lutte contre l’impunité et retarde le rétablissement de l’État de droit. Sans compter que l’impunité n’a fait que se renforcer depuis l’horrible massacre de 184 personnes âgées dans le quartier de Wharf Jérémie, entre le 6 et le 7 décembre 2024, à Cité Soleil, Port-au-Prince, par le chef de gang Monel Félix, également connu sous les pseudonymes de « Mikano » et ‘’Wa Mikanò’’. Suite à ce massacre, le Premier ministre haïtien Alix Didier Fils-Aimé avait exprimé sa profonde indignation lors d’une conférence de presse et déclaré:
« Ce n’est pas acceptable. Personne ne devrait vivre ainsi. Dès que quelqu’un se réveille le matin, il a peur, et il sort… sans savoir s’il rentrera chez lui. »
Il avait aussi qualifié les victimes de « personnes innocentes » et souligné la nécessité pour le ministre de la Justice et la police de collaborer afin que les victimes de la violence des gangs obtiennent justice, réparations et sécurité. Vraiment ? Le fameux ‘’Mikano’’ est toujours libre comme l’air et on compte les massacres et assassinats à la pelle !
Face à cette crise multidimensionnelle, de nombreux experts appellent à une refonte complète des stratégies de sécurité, impliquant une coordination internationale renforcée, un soutien accru aux institutions judiciaires et une attention particulière aux causes profondes de la violence, telles que la pauvreté et l’exclusion sociale.
En somme, l’état d’urgence, tel qu’il est actuellement appliqué en Haïti, semble être une réponse totalement inadéquate à une crise complexe et profonde. A l’heure où j’écris ces lignes, la population ne sait toujours pas où est passé Mario Andrésol, ancien directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH) de 2005 à 2012, et nommé secrétaire d’État à la Sécurité publique le 14 janvier 2025.
Lui qui avait suscité tant d’espoirs parmi les Haitiens et s’était engagé à mettre en œuvre des actions concrètes pour restaurer la sécurité et permettre à la population de vivre sereinement a disparu de la scène publique. Est-il lui aussi en fuite après avoir réalisé la tâche qui l’attendait? Ou a-t-il simplement choisi de se faire discret pour s’assurer d’une belle pension et d’un bon salaire ?
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