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Haïti n’oublie pas : ni les élections imposées en 2011, ni ce « braqueur de la BNC »

today2025-04-11

Haïti n’oublie pas : ni les élections imposées en 2011, ni ce « braqueur de la BNC »
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L’Edito du Rezo

Quand la mémoire convoque la légitimité : l’OEA, les élections de 2011 et la voix controversée de Smith Augustin

Le peuple haïtien n’est pas amnésique. Il se souvient. Il garde au cœur de sa mémoire collective les épisodes les plus douloureux de sa trajectoire politique durant les quinze dernières années écoulées, notamment ceux où des forces extérieures ont joué un rôle déterminant dans la reconfiguration de son destin électoral. L’un de ces épisodes reste, à ce jour, l’intervention de l’Organisation des États américains (OEA) dans le processus électoral de 2010-2011, marquée par une ingérence manifeste et des conséquences durables sur la légitimité des institutions politiques haïtiennes.

À la faveur du tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010, le pays tout entier fut plongé dans une urgence humanitaire, institutionnelle et démocratique. C’est dans ce contexte de fragilité extrême que furent organisées les élections-sélections présidentielles. Dès le premier tour, des accusations massives de fraudes furent soulevées, notamment contre le Conseil électoral provisoire. La mission d’observation électorale de l’OEA, à la demande du gouvernement haïtien sous la pression de la communauté internationale, se substitua en partie à la souveraineté nationale pour réviser les résultats. Ce processus aboutit, de manière inédite, à la disqualification du candidat gouvernemental Jude Célestin au profit de Michel Martelly, alors classé en troisième position.

La suite est connue : l’élection de Michel Martelly, perçue par plusieurs observateurs comme imposée de l’extérieur, ouvrit un cycle de gouvernance autoritaire, de fragilisation des institutions judiciaires et parlementaires, et de montée en puissance des réseaux mafieux au sein de l’État. Ce traumatisme démocratique reste vivace dans la conscience nationale jusqu’à cette minute présente.

C’est pourquoi l’apparition, ce jeudi, de Smith Augustin à l’Organisation des États américains (OEA), en dépit d’un passé alourdi par de graves soupçons de corruption — qui lui ont valu dans certains cercles le surnom peu flatteur de « braqueur de la BNC » —, suscite une vive émotion sur la scène diplomatique et politique haïtienne. Ancien ambassadeur d’Haïti auprès de la République dominicaine, relevé de ses fonctions par le Premier ministre Ariel Henry, M. Augustin est aujourd’hui formellement cité dans une affaire judiciaire de grande envergure, impliqué dans une accusation de braquage de banque survenue en 2024.

Dans ce contexte, sa prétention à parler au nom du peuple haïtien — en un moment où chaque expression diplomatique engage à la fois l’image et la destinée de la nation — apparaît, pour le moins, comme une démarche hasardeuse et moralement disqualifiée.

Le Dr Josué Renaud, directeur du New England Humans Rights Organization (NERHO), ne mâche pas ses mots :

« Smith Augustin, accusé de braquage de banque en 2024, ne détient aucun mandat légitime pour parler au nom des Haïtiens. »

Au-delà de la personne, c’est toute une conception de la représentation et de la responsabilité politique qui est ici en jeu. Le droit de parole sur la scène internationale ne saurait être une faveur, ni une fonction autoproclamée : il est l’émanation d’une légitimité démocratique, d’un mandat clair, et d’une éthique de l’intégrité personnelle. Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, c’est la crédibilité de la parole nationale qui s’en trouve affaiblie.

Rappeler le rôle controversé de l’OEA dans l’élection de 2011, c’est donc souligner l’importance de la souveraineté électorale. C’est aussi avertir que les acteurs politiques d’aujourd’hui, anciens ou nouveaux, doivent rendre compte de leur trajectoire, de leur probité et de leur mandat, avant de prétendre incarner le pays dans les instances où se joue son avenir.

Haïti ne peut plus se permettre le luxe de la désinvolture diplomatique. À l’heure où se dessine une possible reconfiguration politique post-crise, l’exigence d’éthique et de mémoire doit guider toute forme de représentation. Oublier serait une erreur. Se taire serait une complicité.

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