Vertières : Un patrimoine négligé au cœur du Cap-Haïtien

Cap-Haïtien, le 18 novembre 2023 – Il est presque inconcevable de visiter la ville du Cap-Haïtien sans faire un détour par Vertières, ce site historique d’une importance capitale pour la mémoire collective haïtienne. Pourtant, ce lieu sacré, où la dernière bataille de l’indépendance fut remportée le 18 novembre 1803, est aujourd’hui laissé dans un état qui suscite consternation et indignation. Les conditions actuelles de ce monument révèlent un contraste frappant entre la grandeur de l’histoire qu’il commémore et la négligence dont il fait l’objet.

Un lieu sacré au milieu du désordre urbain

La scène qui se déploie devant Vertières est loin de l’image d’un sanctuaire national. Le site est encerclé par un chaos urbain où règnent désordre et négligence. Des voitures stationnées anarchiquement sur des voies improvisées, des marchands ambulants installant leurs étals directement devant le monument, et même un atelier de soudure accolé à l’édifice historique, tout cela constitue un environnement dégradant pour un site de cette envergure. Comment est-il possible qu’un tel lieu, témoin d’une des pages les plus glorieuses de l’histoire haïtienne, soit abandonné à une telle désorganisation ?

Le 18 novembre est la fête de l’armée d’Haïti, une institution qui doit son existence même à la victoire de Vertières. Pourtant, il est frappant de constater l’absence totale de toute présence militaire sur ce site historique. Vertières, symbole de la bravoure et de la détermination de l’armée haïtienne, ne voit jamais un soldat monté la garde à ses abords. Cette absence, incompréhensible, reflète un manque de reconnaissance et de respect pour l’héritage militaire du pays. Le commandant général de l’armée, dont les galons ont peut-être été gagnés sur le Champ-de-Mars, devrait se pencher sur cette situation alarmante. La présence militaire à Vertières ne serait pas seulement symbolique, elle serait un rappel constant de la vigilance et du devoir de mémoire que nous devons à nos ancêtres.

L’un des aspects les plus choquants de notre visite fut de découvrir qu’un commerçant a établi son atelier de soudure à même le mur du monument. L’infrastructure de ce commerce empiète directement sur l’intégrité du site historique. Il est inacceptable que la municipalité du Cap-Haïtien ou la délégation du Nord aient permis une telle atteinte à un monument qui devrait être protégé et isolé de toute activité commerciale. L’appropriation de cet espace par des intérêts privés est une offense à la mémoire collective de la nation.

Au-delà de Vertières, c’est l’ensemble de la ville du Cap-Haïtien qui souffre d’un manque flagrant de planification et d’entretien. Des tas de déchets obstruent les rues, la circulation est un véritable calvaire, et les routes non asphaltées transforment chaque déplacement en une épreuve d’endurance. Pour atteindre le Cap-Haïtien depuis des localités voisines, il faut parfois compter quatre à cinq heures de route, un délai inacceptable dans une région qui se veut être une métropole du Nord.

Les autorités haïtiennes doivent enfin passer des paroles aux actes. Vertières mérite d’être respecté, protégé et valorisé. Il est impératif que des mesures soient prises pour préserver l’intégrité de ce lieu historique et pour assurer une surveillance continue par des forces militaires. C’est seulement en réaffirmant l’importance de Vertières que nous pourrons honorer la mémoire des héros de 1803, ces ancêtres qui nous ont légué l’indépendance.

À l’aube de 2024, la question se pose : existe-t-il encore en Haïti des citoyens animés par l’idéal d’indépendance qui a guidé nos ancêtres ? Ou sommes-nous condamnés à dépendre de l’étranger, incapables de nous prendre en main ? Vertières, à lui seul, symbolise cette interrogation. Il est grand temps que nous nous penchions sérieusement sur cette question, non seulement pour préserver notre patrimoine, mais aussi pour redonner à notre nation la fierté qu’elle mérite.

cba

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