Par Camille Loty Malebranche
La méchanceté peut être définie comme tout ce qui apparente l’homme à un monstre inhumain par rapport à autrui. La méchanceté est aussi l’adoption d’une conception malsaine de la vie et du sens. Tout ce qui dénature la sensibilité naturelle de l’homme et qui fait de lui un être mauvais porté contre le bien, qui cherche à nuire à ses semblables ou qui méprise le droit au bonheur d’autrui que le méchant sape par son attitude sordide. C’est la déchéance, le glissement dans la cruauté pour avoir perdu les repères moraux et logiques de la bienveillance envers l’humain.
Qu’est-ce qui rend l’homme méchant? À quel tournant l’enfant commence-t-il à devenir calculateur et cherche-t-il à se faire prévaloir en faisant souffrir l’autre enfant? Là, il est indéniable que la société, inhumaine, telle qu’elle est, y est pour beaucoup par non seulement les rudiments infâmes d’une culture de compétitions à forts relents de détestation d’autrui perçu comme rival à évincer mais aussi par toutes sortes de mots, de gestes et de suggestions des adultes eux-mêmes malsains dans leur mental putréfié et leur civilisation déshumanisante… Pour le reste, parmi les plus fréquentes déterminations qui emportent le « cœur » – c’est-à-dire le fonds affectif naturel de l’homme – et en font un coprolithe méprisable, une pierre de dureté vers la malfaisance, l’égoïsme, l’envie, la convoitise, il en est un de redondant : l’aigreur des souffrances subies lesquelles poussent le sujet à vouloir frapper comme il a été frappé, ayant perdu la considération pour l’espèce devenue à ses yeux, méprisable.
Le méchant est l’individu dont la conscience perverse refuse de regarder en face les torts qu’il cause objectivement à autrui. C’est l’homme déshumanisé si nombriliste qu’il croit que le mal voire le crime qu’il fait, doit être loué comme bien parce qu’il vient de lui. C’est le malfaiteur endurci qui, même quand il sait avoir provoqué des préjudices et des souffrances à autrui s’enorgueillit, plutôt que de se repentir. C’est l’entêté de l’iniquité qui rejette tout appel à la justice. C’est le protagoniste du mauvais qui se laisse aller à ses basses tendances sans s’efforcer de les combattre. C’est le rebut immonde de la haine par envie, convoitise ou jalousie.
La méchanceté est toujours une forme d’aliénation ontologique, car contraire au principe divin de la Création et donc de la vie, qui est l’Amour. La méchanceté, c’est aussi la haine de l’aliéné qui se hait à travers l’autre ressemblant par l’apparence, l’ethnie ou la condition sociale
La méchanceté se guérit par la culture de la transcendance de la bêtise humaine qui peut facilement la nourrir en nous quand nous constatons la bassesse de l’autre à notre égard, sa mesquinerie imbécile, sa mauvaise foi pour nous faire souffrir. Car si l’on se met à devenir acharné sur les littéraux déchets que les autres dégagent de leur mental en notre direction pour leur répondre, l’on commencera par se torturer soi-même et finira par vouloir leur faire payer en devenant aussi sales qu’eux; dans la mesure où leur faire payer est impossible parce que le mal est systémique – incarné par de puissants décideurs et repris par la grande foule répugnante orchestrant un ordre social ou socioéconomique sordidement injuste – l’on aboutira donc à l’introjection de l’abjection systémique répugnée pour avoir rang dans la hiérarchie et ainsi contribuer à la structure de l’horreur. C’est pourquoi, il faut cultiver les valeurs dignes au mépris du grand nombre quand le grand nombre est indigne. Il s’agit en fait d’un art qui consiste à aimer chaque humain pour son humanité de substance et refuser toutes les scories sociales ou pulsionnelles qu’il pourrait porter. Voilà pourquoi, pour éviter de tomber aussi bas qu’autrui quand celui-ci est perdu à lui-même et à son humanité, il faut des fois se tenir loin en distance. Vaut mieux la solitude que la promiscuité avec le méchant qui, de toute façon, finirait avec son harcèlement par nous faire tomber ne serait-ce que temporairement sinon dans les miasmes de ses agissements à tout le moins dans la colère, la tristesse et la répugnance. Tous des états ou sentiments négatifs néfastes pour la santé et pour la spiritualité.
Une des puissances qui vainc le mal en toute circonstance, c’est de savoir transcender les conditions de son surgissement et aussi se tenir à distance du méchant; il faut apprendre à affirmer avec force de spiritualité et de rationalité la sagesse supérieure qui dédaigne le mauvais sans néanmoins cesser de rester ouvert à la repentance possible du méchant.
La méchanceté déshumanise. Briser la chaîne de la méchanceté par des disciplines mentales et spirituelles telles la prière et la méditation mais aussi par le refus implacable de tout ce qui s’inspire de mauvaise intention ou projette une néfaste finalité contre l’humain – surtout quand l’environnement déshumanisé et malsain peut nous y entraîner, ne serait-ce que comme réponse aux ordures anthropomorphes polluant l’espace social – constitue un combat majeur pour l’homme du bien voulant rester humain. Refuser de servir tout système inique fut-il l’ordre du monde avec ses ignominieuses tyrannies idéologiques politiques et socio-économiques, est une marque d’authenticité du sens de l’équité et de la bonté de l’homme pour son humanité contre les servitudes, les enfers de la méchanceté.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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