Au cours des récentes années, Haïti subit le ravage d’une dynamique de corruption effrénée, étalée sur toutes les formes. De multiples rapports techniques publiés tant par des institutions locales qu’internationales ont fait ressortir un ensemble de deals souterrains entre représentants étrangers et ordonnateurs publics. CIRH et Petrocaribe étant les plus notoires, l’on y compte des sources de fonds, objet de gestions calamiteuses, par des familles présidentielles internationales et locales. Les débauches de négociations opaques dans les coopérations bilatérales et multilatérales sont patentes. En témoignent les sanctions suivies de confiscations de leurs richesses mal acquises, plusieurs éléments de « l’élite » économique et sociale ont exhibé leurs vrais visages de dealers.
Le marchandage politico-économique entre contrebandiers économiques et racketteurs politiques a atteint son paroxysme. Commissions arbitraires et subventions injustifiées auprès d’organismes autonomes et de ministères destinées à des ravisseurs appartenant à des familles et alliés politiques espiègles ont été des refrains entonnés en permanence sur le macadam et sur la toile. Des ventes de visas ainsi que des rackets de postes électifs et diplomatiques aux plus offrants ont épinglé une kyrielle de dealers de l’exécutif et du législatif.
Les scandales d’extorsion et d’escroquerie sont monnaie courante dans notre société prise en otage par des ravisseurs internes qui s’associent avec des flibustiers externes. Le banditisme officiel, facilitant des associations de malfaiteurs même au niveau de l’État, hypothèque la noble mission des institutions régaliennes. Ces pratiques sociales asymétriques de crimes financiers nourries fort souvent de crimes de sang ont enfoncé les inégalités sociales et causé des pertes énormes au pays. Plus récemment, sous l’égide d’un nouveau mécanisme politique de collège présidentiel multi-têtes, la corruption farouche poursuit avec rage son petit bonhomme de chemin, vers un destin misérable.
Puisqu’ils évoluaient en des stratagèmes voilés, à une certaine époque, la flibusterie économique moderne était perceptible uniquement par des yeux de lynx. De manière subreptice, les mercenaires locaux et internationaux évoluaient en soutane de sauveurs, aveuglant ainsi leurs prétendus bénéficiaires. Ils y créent des crises humanitaires, puis en contrepartie d’un bidon d’huile et d’un sachet de spaghettis, ils ravissent les richesses rares des sociétés qu’ils convoitent. Les multiples coopérations multilatérales menées par des Organisations internationales (OI) et des ONG participent discrètement dans la réalisation des chapitres volumineux de vol et de corruption. Elles constituent des forces motrices au service de la mafia internationale qui nourrit le capitalisme fou.
Connaissant le rôle crucial de la politique dans les jeux et enjeux économiques, les représentants de ces OI et ONG fourrent leurs nez belle longueur dans le choix nominatif ou électif des décideurs. Leurs implications pernicieuses dans les élections frauduleuses sont toujours révélatrices. Aux candidats influents, elles posent leurs propres conditions de sélection ; elles composent avec le centre de tabulation ; elles proposent des deals ; elles imposent leurs agendas. Ricardo Seteinfus baptise cette manière cavalière de la communauté internationale de manier la machine des scrutins dans ses propres intérêts de « stratégie du caméléon ».
Aujourd’hui, la mafia fonctionne sans gêne, sans crainte d’être dénoncée, ou de se faire avilir. Dans les grandes discussions impliquant des tendances divergentes de la société, les ambassadeurs étrangers ne prennent plus de recul politique. Ils affichent leur subjectivité comme s’ils étaient des membres actifs d’un clan politique bien déterminé. Au niveau national, rares sont les notables économiques qui œuvrent à garder intact le patrimoine d’un nom respectable et respecté. Des hommes et des femmes fortunés que la société percevait comme des éléments de l’élite sont plutôt des oligarques corrompus, salis visiblement dans la criminalité. Ils ont été pris la main dans le sac dans le terrorisme, le blanchiment d’argent, le commerce de la drogue et le kidnapping. La course à l’argent facile est déchainée. La vanité le remporte sur l’intégrité.
Les acheteurs et vendeurs d’élections pavanent sur les ondes et dans tous les axes économiques de la société, sans courir le moindre risque d’être jugés et éventuellement se faire incarcérer. Les dealers de cocaïne se dévoilent ; les contrebandiers économiques évoluent sans cagoule ; les racketteurs politiques et diplomatiques fonctionnent en toute impunité. Paradoxal, au lieu de sanction ou de prison, ce sont des promotions que la plupart de ces inculpés ont en récompense. La loi de la jungle.
Tandis que les pratiques d’enrichissement illicites ont été évoqués comme principaux obstacles de développement du pays, avec plus de vitesse et de hardiesse, la corruption pénètre les couloirs officiels pour s’installer confortablement. Deux gros scandales ont saccagé la nation au cours de ce mois de juillet. Dans un premier temps, la rencontre « mystérieuse », en la résidence d’un conseiller président, du chef du gouvernement avec un chef de parti politique accusé dans tellement de crimes. Dans un second temps, une réunion clandestine entre trois conseillers présidentiels avec le président de la Banque Nationale de Crédit (BNC).
L’impunité étant le mal viscéral de la déchéance sociétale, les suspects et les inculpés demeurent actifs et pavanent dans les couloirs des sphères les plus stratégiques de la république. La sphère politique a changé de mains ; cependant, ce sont les mêmes vilains aux mains trempées dans toutes les dérives, qui continuent d’assurer la direction du pays. Haïti est encore aux prises de la mafia. La société en a marre avec ces sempiternels tintamarres de négociations mafieuses qui accélèrent sa descente en enfer.
Les réflexions d’Acemoglu et Robinson nous ont convaincus qu’un pays qui ne fait pas cas des institutions restera cloitré dans la pauvreté et les inégalités. Sans un saut qualitatif vers le respect des normes et des principes devant régir la bonne marche de la société, le pays ne pourra jamais prendre la trajectoire de la création de la richesse et de la prospérité partagée. Un larcin non condamné aujourd’hui se transformera à coup sûr en un braquage demain. Puisse la justice cesser d’être cette femme aux yeux bandés qui voit de toutes les couleurs.
Carly Dollin
carlydollin@gmail.com
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