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L’éducation chez les Roms : un échec pour deux empires

today2024-06-27 3

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L’URSS créa la langue romani écrite, avant de l’abolir

Publié à l’origine sur Global Voices en Français

Festival célébrant la culture roms à Tioumen. Photographie par RG72 via Wikimedia Commons.

Au 19ᵉ siècle, l’écrasante majorité des citoyens roms de l’empire russe était illettrée. En effet, à peine 4% de la population savait lire et écrire le russe. Et même les musiciens roms, différents du reste de la population et vivant dans de plus grandes villes, n’étaient « qu’à moitié instruits ». Il est possible que l’illettrisme des Roms viennent de plusieurs lois concernant les minorités et interdisant leurs langues dans l’empire Russe, devenu plus tard l’empire Soviétique. La non-possession d’un territoire pour les Roms créa une véritable disparité avec les autres populations, même celles dont le nombre d’individus est moins nombreux, ce qui fit baisser les possibilités d’éducation pour les Roms.

Enfants roms dansants dans les rues de Moscou, 1925. Photographe inconnu, via Wikimedia Commons. Domaine public.

Durant les années 1920 et 1930, le gouvernement de l’URSS a cependant lancé plusieurs projets de lois afin d’aider au développement des minorités, incluant la population roms. Ont alors été fondés diverses associations pour les Roms ainsi que le Théâtre Romen, toujours debout. Et de ces fondations naquirent divers ensembles musicaux, une section complète dédiée aux Roms à l’Association russe des écrivains prolétariens ainsi que l’Union russe des Roms.

De 1917 jusqu’au début des années 30, les autorités soviétiques avaient investi dans le projet « retour aux sources », коренизация en russe, visant à soutenir la croissance des minorités vivant en URSS pour parrainer les langues et cultures autochtones. Des alphabets basés sur ceux latins et cyrilliques ont alors été créés pour ces minorités et l’État a fortement investi dans le développement de leurs cultures et leurs langues.

En accord avec le programme scolaire du pays, le tout premier projet d’éducation des Roms au monde fut mis en place. De nombreuses classes, écoles et universités pour Roms furent ouvertes. Les cours étaient alors donnés en romani. L’État se focalisant sur l’éradication totale de l’illettrisme, une langue écrite pour le romani et s’appuyant sur celles des diasporas roms en Russie fut créée. Cette langue sera appelée le romani russe. De 1928 à 1938, près de 300 ouvrages furent publiés en romani russe. Ces publications pouvaient aller d’écrits d’auteurs Roms (environ 30), aux traductions de classiques de la littérature Russe en passant par des manuels scolaires.

Comme l’écrit le projet éducatif Arzamas, les discours de Staline ont également été publiés dans la langue romani nouvellement créée. Dans les années 1920 et 1930, du matériel pédagogique pour la langue romani a également été publié, notamment le « Primer for Romani Schools » (Le primaire pour les Roms), un guide sur la grammaire et l’orthographe de la langue romani, et des manuels pour la langue romani jusqu’à la quatrième année d’études. Au total, en 1938, 13 manuels en langue romani avaient été publiés, ainsi que des livres de lecture littéraire en romani et des anthologies de littérature romani.

Mais en 1938, après un changement radical dans le gouvernement de l’empire, ce projet pris brusquement fin. Les écoles et classes roms furent soit fermées, soit mélangées à celles n’utilisant comme langue que le russe, résultant en l’expulsion de la plupart des étudiants roms. Quant à la langue romani écrite, elle fit partie des écritures abolies en 1938. Tous les programmes d’éducation et de culture furent interrompus et les structures créées pour le bien de la jeunesse roms furent qualifiées de dangereuses isolant un peu plus la jeunesse de la vie soviétique. Même si la plupart des Roms, préférant continuer une vie de nomade, n’ont pas été touchés par ces programmes, il n’en reste que cette infime période de temps permis la création d’une certaine couche d’intelligentsia chez les Roms, surtout chez les groupes de musiciens de rue.

La déportation était monnaie courante dans le régime bolchévique. Une pratique qui empira entre 1930 et 1950, avec plus de 15 peuples et 40 groupes ethniques sujets à la déportation. Près de 3.5 millions de personnes furent expulsées de leurs terres natales et beaucoup perdirent la vie au cours de ces diasporas forcées. Sur ces personnes exilées, plus de 800 milles furent envoyés en Sibérie, dont des Roms.

Le 5 octobre 1956, les Présidents du Præsidium du Soviet suprême de la République socialiste fédérative soviétique de Russie adoptèrent un décret « sur le travail des Roms nomades », connu comme décret d’habitation chez les Roms. Sous peine d’emprisonnement, les Roms furent contraints d’habiter dans des maisons. Lors des premières années, le gouvernement prêta l’argent nécessaire à la construction des habitations, et chacun de leurs mouvements était contrôlé. Forcés de travailler les hommes se mirent à chercher des emplois dans des entreprises locales ou dans des fermes, travaillant en tant que lad, garde ou encore comme agronome… La plupart des femmes ne travaillaient pas, et celles qui le faisaient travaillaient essentiellement comme diseuse de bonne aventure.

Cette transition à la vie sédentaire fut accompagnée par de rigoureux contrôles des mouvements chez les familles roms, contrôles qui ont continué pendant près de 10 ans. Cette sédentarisation permit néanmoins l’amélioration du niveau scolaire chez les enfants roms. Même si cela ne concernait souvent que le primaire, la plupart ne dépassant pas la 6ᵉ.

Encore aujourd’hui, les données montrent que presque 80 pour cent des enfants Roms désertent l’école après l’âge de 11 ans. Ce qui signifie qu’entre 1960 et 1980, après les campagnes visant à scolariser les enfants roms, la plupart d’entre eux développèrent des compétences similaires à celles des familles paysannes pré-industrialisation et pré-révolution en Russie. Les enfants apprennent la lecture et l’écriture, puis désertent l’école à l’âge de 12 ans.

Si ce modèle d’éducation continue encore de nos jours, c’est parce qu’il permet aux populations roms de vivre en société tout en préservant leur culture. Mais il est possible que ce soit également dû aux écoles russes qui ne permettent pas le bon développement des étudiants roms, surtout lorsque leur langue et la manière dont ils parlent est en jeu. Sans aucun professeur ni aucune méthode comprenant les besoins des enfants roms, leurs problèmes en matière d’éducation sont souvent mis au second plan et sont considérés comme rien de plus que des problèmes médicaux. Une réalité à l’opposé des contes de fée…

Écrit par: Viewcom04

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