En Australie, le Conseil municipal censure désormais les livres
Publié à l’origine sur Global Voices en Français
Capture d’écran : Sky News Australia YouTube video – Le conseiller municipal de Cumberland défend l’interdiction des livres sur l’homoparentalité
[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des
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Lorsque le Conseil municipal de Cumberland dans l’agglomération de Sydney a interdit le livre « Same-sex Parents » (parents homosexuels) dans huit de ses librairies, la controverse était inévitable. De plus, le problème soulignait les antécédents de l’Australie en matière de censure qu’elle soit historique et actuelle.
Sur les réseaux sociaux, les indignations ont été immédiates. David Tyler, alias Urban Wronski a résumé les réactions négatives:
« Ce soir nous allons mettre les choses au clair… Ce genre de livre, sur les parents homosexuels, ne doit pas se retrouver dans les mains de nos enfants, » déclare Christou lors du débat. « Nos enfants ne devraient pas être sexualisés. Pour l’amour du ciel. »
Le conseiller municipal de Sydney fait preuve d’ignorance, d’intolérance et attaque l’égalité du mariage.
C’est ignoble.
— Urban Wronski (@UrbanWronski) 7 mai 2024
Shannon Molloy se décrit comme un « homosexuel aimant Dieu et un journaliste confirmé » chez at news.com.au. Il défend avec ironie[fr] que d’autres livres dans la librairie tels que la Bible et le Coran devraient être interdits à cause de leur « sujet extrêmes » et de leurs contenus « explicites et graphiques ». Il ne faisait pas qu’être taquin:
It also demonstrates that censorship — which flies in the face of an open and free society and the democratic values we hold dear — is a very slippery slope.
This is an innocent book about same-sex parents, made with love and understanding in mind.
Cela démontre également que la censure – qui va à l’encontre d’une société ouverte et libre et des valeurs démocratiques qui nous sont chères – est une pente très glissante.
Il s’agit d’un livre innocent sur les parents de même sexe, fait avec amour et compréhension.
Le vote du conseil a également suscité des réactions politiques, y compris de la part du gouvernement de l’État de Nouvelle-Galles du Sud. Le ministre des Arts de l’État de Nouvelle-Galles du Sud, John Graham, a même suggéré que les bibliothèques pourraient faire l’objet d’une réduction de leur financement.
Le conseiller municipal Steve Christou a été critiqué pour ne pas avoir lu le livre, alors qu’il était à l’origine de la demande d’interdiction :
« Le conseiller municipal de l’ouest de Sydney, à l’origine de l’interdiction d’un livre pour enfants sur les parents de même sexe dans les bibliothèques, admet ne pas l’avoir lu. »
L’ignorance mêlée à l’intolérance.#nswpol #homophobiehttps://t.co/Z4g6np8mAI
– Alastair Lawrie (@alawriedejesus) 8 mai 2024
Comme plusieurs autres tentatives de bannir certains contenus, ceci est devenu un autre exemple de l‘effet Streisand[fr], quand une tentative de censurer quelque chose ne fait que lui donner plus d’attention. Une situation similaire s’est déroulée en 2023, en Australie avec le livre d’éducation sexuelle « welcome to sex ».
En effet, les éditeurs ont immédiatement rendu “Same-sex Parents” disponible en ligne gratuitement:
En réponse à l’interdiction homophobe de ‘A Focus On… Same-Sex Parents’ par le conseiller @ChristouSteve & @CumberlandSyd, l’éditeur @BooklifePubLtd a rendu le livre GRATUIT AU TÉLÉCHARGEMENT dans le monde entier. Génial ! https://t.co/ziOd1zG5vN
– Richard Watts (@richardthewatts) 13 mai 2024
Une pétition en ligne pour annuler l’interdiction a récolté plus de 40 000 signatures, auquel il faut ajouter une autre pétition avec plus de 10 000 signatures avant que le Conseil municipal de Cumberland n’annule l’interdiction lors d’un vote clair de 12 contre 2. Beaucoup de gens sur les réseaux sociaux, à l’instar de Tim Richards sur Mastodon, étaient soulagés:
Dieu merci. J’espère que c’est la fin des tentatives de faire passer ici ce morceau de folie de la guerre culturelle américaine.
—
Le Conseil municipal de Cumberland, dans l’ouest de Sydney, vote pour annuler l’interdiction des livres sur l’homoparentalité dans les bibliothèques – ABC News
https://www.abc.net.au/news/2024-05-15/wes
Penni Russon, maître de conférences à l’université de Monash, a examiné certains aspects de l’histoire de l’interdiction des livres, en soulignant l’exemple récent de « Gender Queer », un mémoire graphique publié en 2019 par l’auteur américain Maia Kobabe, qui détaille l’expérience de l’auteur qui s’est révélée comme étant de genre fluide (Kobabe utilise les pronoms Spivak : e, em, eir).
Le livre a été la source d’une controverse toujours en cours et a suscité la colère de nombreux conservateurs, tant en Australie qu’à l’étranger. « Gender Queer » a été soumis à l’Australian Classification Board (ACB), un organisme statutaire « responsable de la classification et de la censure des films, des jeux vidéo et des publications destinées à être diffusées, vendues ou louées en Australie ». Il a reçu la classification Unrestricted (M – Déconseillé aux moins de 15 ans).
Le livre fait maintenant l’objet d’une action en justice, l’activiste conservateur Bernard Gaynor ayant poursuivi le ministre de la Communication et l’ACB devant la Cour fédérale à la suite de la décision de la commission de révision de maintenir la classification.
L’Australian Broadcasting Corporation propose une série de podcasts en cinq parties intitulée Banned Books (Livres interdits). Le quatrième épisode, Gender Queer in Australia, porte sur les mémoires de Maia Kobabe.
Selon la productrice et présentatrice Sarah L’Estrange, il s’agit du “livre le plus interdit aux États-Unis et il est maintenant contesté devant les tribunaux australiens”. Elle pose la question suivante : “Le front du mouvement américain d’interdiction des livres est-il arrivé en Australie ?
L’Australie a une longue tradition d’interdiction de livres, surtout avant les années 1970. Parmi les exemples les plus marquants, on peut citer :Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, Un autre pays de James Baldwin et L’amant de Lady Chatterley de D.H. Lawrence. Lolita de Vladimir Nabokov a été interdit jusqu’en 1965, mais a été passé en contrebande par des voyageurs de retour d’outre-mer dans des couvertures en papier brun.