Emmanuel Paul, expert en sécurité et ancien conseiller des organisations humanitaires à Port-au-Prince, revient sur les dernières destructions provoquées par les gangs, leurs attaques de nouvelles zones vers le sud du pays, et le nombre d’hommes prévus, à priori, par la force multinationale d’appui à la police haïtienne pour faire face aux gangs.
En Haïti, la mission multinationale d’appui tarde à intervenir. Elle doit soutenir la PNH, la police nationale haïtienne, dans sa lutte contre les gangs qui contrôlent la quasi-totalité de Port-au-Prince. Le Kenya, qui doit diriger cette force, n’a toujours pas donné de date officielle. Lors de son déplacement en Corée, le président kenyan est encore une fois resté très flou à ce sujet : « Nous sommes en train de finaliser les dernières procédures pour le déploiement des forces de police kenyanes en Haïti », a expliqué William Ruto au micro de notre correspondant Nicolas Rocca. « Nous avons décidé avec le nouveau conseil Présidentiel de transition que je parlerai prochainement avec le nouveau Premier ministre. Nous nous sommes mis d’accord sur les différentes étapes, nous travaillons avec les Nations unies et nous acheminerons le matériel nécessaire dans les semaines qui viennent. »
Sur le terrain en Haïti, les violences continuent – et les destructions de commissariats et sous commissariats. Comment comprendre ces destructions ? Marie Normand a joint Emmanuel Paul, expert en sécurité et ancien conseiller des organisations humanitaires à Port-au-Prince. Pour lui, ce sont « des manœuvres visant dans un premier temps à empêcher aux unités de la PNH, et aussi aux unités de la force multinationale, de prendre pied dans les zones contrôlées par les groupes armés. Et dans un second temps créer de nouvelles difficultés pour la force. C’est ce qu’on peut qualifier de ‘défense active’ : des mesures en avance par rapport au déploiement de la force ».
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La force doit compter 2 500 à 3 000 hommes – mais rien n’est sûr, rappelle Emmanuel Paul, ajoutés aux policiers haïtiens déjà là. L’expert compare ce chiffre aux « 25 000 hommes mobilisés en 1994 pour l’opération de retour à l’ordre démocratique », et aux 9 055 hommes de la Minustah au plus fort de sa présence en 2004 – « et à ce moment, le problème était un peu moindre par-rapport à ce qu’on a aujourd’hui ».
Pour ce qui est du nombre de personnes membres des gangs, « on n’a pas de chiffres exacts. On est sur 5 000 à 8 000 hommes ». Concernant leur armement, l’expert se demande s’il y a une « mise à jour », et évoque une « drôle de coïncidence » : au moment où les équipements de la force commençaient à débarquer au niveau de l’aéroport de Port-au-Prince, « le président colombien a fait une déclaration sur une perte de munitions, dont certaines sont capables de mettre hors de combat certains des équipements qui sont livrés ». Une des bases dans laquelle ont été constatées ces pertes, remarque Emmanuel Paul, se trouve dans la partie caribéenne de la Colombie, à quelques heures de vedettes rapide de Port-au-Prince.
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Enfin, les gangs attaquent de nouvelles zones vers le sud. Emmanuel Paul y voit une volonté de créer de nouvelles têtes de pont, pour amener la force multinationale à se battre sur un front plus large – ce qui demande plus de troupes.
La presse haïtienne parle aussi de la force multinationale : Amnesty International exige, lors du déploiement de la nouvelle force, « de la transparence et des garanties en matière de droits humains », écrit Alterpresse. Elle fait état, lors des missions étrangères précédentes en Haïti, des « violations de droits humains de grande ampleur et une impunité généralisée ». L’ONG demande aussi « un mécanisme indépendant pour recevoir les plaintes, enquêter sur les allégations de violations de droits humains, et renvoyer certains cas individuels devant la justice », haïtienne ou autre.
Un Conseil présidentiel de transition loué et critiqué
La presse haïtienne s’intéresse aussi au Conseil présidentiel de transition : « l’environnement politique est en train de changer dans le pays », se félicite l’éditorialiste du National, prenant pour exemple les communications à la presse des membres du Conseil, « celles d’hommes d’État : mesurés, précis, nuancés ». Mais pour Le Nouvelliste, « la communication ne peut pas remplacer l’action » : « Les rencontres ne sont pas suivies d’annonces. Les décisions significatives se font attendre ».
Dans ce processus de transition politique, certains pointent l’absence de femmes : aucune dans le Conseil politique de transition, c’est « un pas en arrière gigantesque par rapport à des décennies de progrès durement acquis vers l’égalité », critiquent des organisations de défense des droits humains et féministes, en Haïti et aux États-Unis – c’est à lire dans Alterpresse. Elles demandent que le processus commence à inclure les femmes, « comme l’exigent les lois haïtiennes et internationales ».
Coup de barre à droite de Joe Biden sur la question migratoire
Aux États-Unis, la situation migratoire à la frontière sud fait partie des thèmes majeurs de la campagne présidentielle américaine. Attaqué régulièrement par les républicains sur le sujet, Joe Biden a signé ce mardi un décret lui permettant de prendre les mesures « les plus sévères jamais prises par un président démocrate », explique le correspondant de RFI à Washington Guillaume Naudin : « au-delà de 2 500 passages illégaux par jour pendant une semaine, le président américain s’octroie le droit de réduire le droit d’asile et pour ainsi dire de fermer la frontière sud ». Joe Biden, qui affirme croire en l’immigration, se dit contraint et forcé de prendre ces mesures.
Des mesures qui ne font pas l’unanimité dans son camp : au Congrès, des dizaines de démocrates ont critiqué le décret, rapporte leWashington Post. Un désaccord, analyse le quotidien, « qui menace de fracturer le parti sur un dossier qui, selon les sondages, est très présent à l’esprit des électeurs républicains et démocrates » pour la prochaine présidentielle. En plus, selon leBoston Globe, « on ne sait pas vraiment si ce sera suffisant pour changer l’état d’esprit des électeurs qui se sont de plus de plus en plus alarmés de l’augmentation record du nombre de migrants lors du mandat de Joe Biden ».
À lire aussi dansPolitico, un article sur le problème économique que pourraient poser les nouvelles règles migratoires. Car si le rebond du pays après le Covid-19 est plus important que celui des autres pays, ce phénomène est en partie dû, selon les économistes, à l’immigration, légale et clandestine.
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Grève des chauffeurs routiers en Bolivie
En Bolivie, les principales routes du pays sont bloquées depuis ce lundi 3 juin par le secteur du transport routier. Les chauffeurs dénoncent le manque de dollars et de carburant dans le pays, et demandent, après des mois de négociations infructueuses, à être reçus par le président.
Les chauffeurs, rapporte le correspondant de RFI Nils Sabin, insistent : « la demande de dollars, ce n’est pas juste pour nous, c’est pour toute la population ». Le manque de dollars en Bolivie affecte en effet tous les secteurs importateurs : le prix de certains médicaments a ainsi augmenté de 10 à 30% en un an. L’approvisionnement en carburant est aussi affecté, et les transporteurs en sont les premières victimes.
Du côté du gouvernement, le problème du manque de dollar est minimisé ; la pénurie de carburant est causée, selon un ministre, par la panique des consommateurs ; quant au rendez-vous avec le président, explique le correspondant de RFI, les chauffeurs routiers peuvent toujours attendre…
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Au Canada, les plateformes de streaming obligées de financer la production locale
« Netflix et compagnie devront contribuer », titre La Presse, une décision du Conseil de radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Dans le détail, les plateformes étrangères de diffusion devront reverser 5% des revenus qu’elles réalisent au Canada au secteur audiovisuel canadien. Secteur dans lequel, selon Montreal Gazette, le fond qui va être créé devrait injecter 200 millions de dollars canadiens par an. Auteurs, producteurs et réalisateurs parlent d’un verdict « historique ». La présidente de l’entité qui représente les intérêts des producteurs et distributeurs internationaux au Canada qualifie de son côté la mesure de « discriminatoire ».
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