Le Sénégal demande des réponses 80 ans après le massacre de ses soldats par l’armée coloniale française

Le Sénégal a marqué le 80ᵉ anniversaire d’une tragédie coloniale restée longtemps enfouie dans les méandres de l’histoire officielle : le massacre de Thiaroye. En 1944, des soldats africains ayant combattu pour la France lors de la Seconde Guerre mondiale ont été exécutés par l’armée française après avoir exigé le paiement de leurs soldes et un traitement équitable à leur retour au pays. Cet événement, longtemps occulté, soulève encore aujourd’hui des questions fondamentales sur la justice et la mémoire.

La cérémonie commémorative, tenue à Thiaroye, un village de pêcheurs proche de Dakar, a vu la participation du ministre français des Affaires étrangères et de plusieurs chefs d’État africains. Cette présence symbolique souligne l’importance du dialogue mémoriel entre la France et ses anciennes colonies. Pourtant, les attentes restent vives : le Sénégal réclame depuis des décennies une reconnaissance pleine et entière, des excuses officielles, ainsi qu’une enquête approfondie sur ce massacre.

Alors que l’armée française avance un bilan controversé de 35 à 75 morts, les historiens estiment que près de 400 soldats auraient perdu la vie. L’absence de transparence sur le nombre réel de victimes nourrit les tensions, et des voix s’élèvent pour demander l’exhumation des fosses communes afin d’établir la vérité.

Pour la première fois, la France a reconnu officiellement que ses soldats étaient responsables de cette tragédie. Une lettre du président Emmanuel Macron, adressée aux autorités sénégalaises, a souligné que la revendication légitime des tirailleurs sénégalais pour le paiement de leurs soldes a été à l’origine de l’affrontement sanglant.

Macron a également affirmé sa volonté de collaborer avec Dakar pour faire toute la lumière sur ces événements. Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a salué ce geste tout en insistant sur l’exigence d’un engagement “franc et complet”.

Cette reconnaissance intervient dans un contexte où les relations franco-africaines sont en pleine mutation. Face à une montée du sentiment anti-français dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et au recentrage de sa politique militaire, la France semble vouloir repenser son rôle historique et stratégique sur le continent.

L’ancienne Première ministre sénégalaise, Aminata Touré, a souligné l’importance de ce moment pour les jeunes générations. Dans un pays où 70 % de la population a moins de 30 ans, rétablir cette page de l’histoire est un acte de justice et de réconciliation avec leur identité collective.

Alors que le Sénégal et d’autres pays d’Afrique de l’Ouest tournent de plus en plus vers de nouveaux partenaires, tels que la Russie, pour des alliances stratégiques, ce devoir de mémoire revêt une dimension politique et symbolique. Il témoigne de l’urgence de construire des relations basées sur une reconnaissance sincère et une histoire partagée, plutôt que sur des récits tronqués.

Le massacre de Thiaroye reste une plaie ouverte, mais cette commémoration marque peut-être un tournant vers la vérité et la justice. La mémoire collective des tirailleurs sénégalais, soldats oubliés de la France, pourrait ainsi éclairer une nouvelle ère de relations entre l’ancienne métropole et ses anciennes colonies.

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