Latin Times. L’Equateur passe d’un Etat sûr à un narco-Etat en cinq ans, rattrapé par la criminalité

L’Équateur : D’un pays sûr à un narco-état en cinq ans

L’Équateur, autrefois reconnu pour sa stabilité et sa sécurité en Amérique latine, s’est transformé en un narco-État en l’espace de cinq ans. Ce terme, utilisé pour désigner les nations où le crime organisé corrompt les institutions légitimes, reflète désormais une réalité inquiétante pour ce pays. Jadis prospère et paisible, l’Équateur est aujourd’hui plongé dans une violence systémique, dominée par l’influence croissante des cartels de la drogue.

Le rôle stratégique de l’Équateur dans le commerce mondial de la cocaïne a catalysé cette transformation. Grâce à sa proximité avec la Colombie, grand producteur de cocaïne, et à ses ports clés, le pays est devenu un point de transit essentiel pour les trafiquants. Ces derniers, en prenant le contrôle des ports comme Guayaquil, ont transformé l’Équateur en une plaque tournante du trafic vers l’Europe. La montée en puissance des gangs a détruit la réputation de sécurité du pays, remplacée par une explosion du taux d’homicides, qui a été multiplié par six en seulement cinq ans.

En 2019, l’Équateur enregistrait un taux d’homicides de 6,7 pour 100 000 habitants, comparable à celui des États-Unis. Mais en 2023, ce chiffre a bondi à 45 pour 100 000, plaçant le pays parmi les plus violents de la région, seulement dépassé par la Jamaïque. Les gangs, adoptant des méthodes brutales inspirées des cartels mexicains, ont recours à des actes de terreur tels que les décapitations, les exécutions publiques et d’autres atrocités. Dans certains quartiers pauvres de Guayaquil, des enfants ont même été mutilés pour les empêcher de collaborer avec la police, une réalité glaçante qui témoigne de l’ancrage de la violence.

Cette vague de criminalité a paralysé les institutions publiques et causé des ravages dans les communautés. En 2023, plus de 8 000 meurtres ont été enregistrés, soit 5 000 de plus qu’en 2021. En janvier 2024, face à cette crise, le président Daniel Noboa a déclaré l’état d’urgence, mobilisant l’armée pour tenter de rétablir l’ordre. Des mesures drastiques, telles que l’instauration d’un couvre-feu à 23 heures et la classification de 22 gangs comme « organisations terroristes », ont été adoptées. Cette stratégie rappelle celle du Salvador dans sa lutte contre les gangs. Pourtant, malgré ces efforts, les groupes criminels équatoriens continuent de se battre pour le contrôle, alimentant des violences toujours plus sanglantes.

Selon Renato Rivera, directeur de l’Observatoire équatorien du crime organisé, cette violence extrême reflète la tentative des gangs de légitimer leur position au sein des réseaux mondiaux. Les preuves montrent que les gangs équatoriens ont établi des liens avec des cartels mexicains comme Sinaloa et Jalisco, ainsi qu’avec des mafias européennes. L’influence de ces réseaux criminels transnationaux est également visible dans les secteurs économiques du pays, où les bananes, principale exportation de l’Équateur, servent de moyen privilégié pour le trafic de cocaïne. Des enquêtes ont révélé une route active de la cocaïne entre Guayaquil et Anvers, en Belgique, soulignant l’importance de l’Équateur dans le commerce mondial de la drogue.

Le trafic d’armes illégales a également joué un rôle clé dans l’aggravation de la violence. Un rapport du Centre d’études stratégiques et internationales établit un lien direct entre l’augmentation des homicides et le nombre croissant d’armes introduites clandestinement dans le pays. Les saisies d’armes et de munitions ont explosé ces dernières années, avec des prisons devenues des centres de stockage pour les trafiquants. Plus de la moitié des armes confisquées provenaient des États-Unis, illustrant les dimensions internationales de cette crise.

L’Équateur est également devenu une destination prisée par des gangs européens, notamment albanais, qui exploitent les réformes économiques et les accords commerciaux pour mener leurs activités illicites. Ces groupes utilisent des entreprises locales de bananes et de crevettes pour dissimuler la cocaïne destinée au marché européen, bénéficiant des réductions tarifaires sur les exportations vers l’Union européenne.

La descente aux enfers de l’Équateur illustre les vulnérabilités des nations confrontées au crime organisé transnational. La convergence de facteurs géographiques, de faiblesses institutionnelles et d’alliances criminelles mondiales a transformé ce pays en un cas d’étude tragique pour l’Amérique latine. Alors que le président Noboa tente de naviguer dans cette crise sans précédent, le défi est de taille : restaurer non seulement la sécurité, mais également la souveraineté de l’Équateur face à l’emprise croissante des cartels.

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