Haïti : Quand les bergers se transforment en loups

Il fut un temps où l’image du berger représentait la bienveillance et le dévouement au bien commun. En Haïti, cette figure symbolique a souvent été utilisée pour illustrer les dirigeants censés veiller sur la population. Cependant, force est de constater que, dans notre pays, beaucoup de ces bergers se sont progressivement transformés en loups. Ceux qui devraient protéger, nourrir et guider les citoyens vers un avenir meilleur semblent, au contraire, dévorer les ressources et la confiance du peuple.

Cette métamorphose tragique n’est pas récente. Elle est le résultat d’années de mauvaise gouvernance, de corruption systémique et de promesses non tenues. À chaque élection, à chaque changement de pouvoir, nous espérons que le prochain berger sera différent, qu’il rétablira l’ordre, qu’il protégera les plus vulnérables et qu’il travaillera pour l’intérêt commun. Pourtant, à maintes reprises, ces espoirs sont piétinés. Nos dirigeants, une fois en place, se détournent des préoccupations du peuple pour se concentrer sur leurs propres intérêts.

Les loups ne sont pas uniquement dans les sphères politiques. Ils se cachent également dans nos institutions économiques, sociales et éducatives. Dans ces espaces où la transparence et la justice devraient régner, l’opportunisme, l’avidité et le mépris du bien commun dominent. Ce phénomène nourrit la désillusion chez les citoyens haïtiens, surtout chez les jeunes, qui voient leurs rêves se briser sous le poids d’un système qui ne leur laisse que peu de chances de prospérer.

La situation est d’autant plus alarmante que cette transformation des bergers en loups s’accompagne d’une violence exacerbée, d’une insécurité chronique et d’un climat d’impunité. Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les ressources du pays qui sont pillées, mais aussi l’espoir même de voir un jour Haïti se redresser. Chaque scandale, chaque détournement de fonds publics, chaque abus de pouvoir est une morsure supplémentaire dans le corps déjà affaibli de notre nation.

Alors, que faire face à cette meute de loups ? La réponse réside dans la résilience du peuple haïtien, dans sa capacité à s’organiser, à exiger des comptes et à réclamer un changement véritable. Les bergers ne se transformeront en protecteurs qu’à travers une vigilance constante et une mobilisation citoyenne. Il est temps que les Haïtiens, dans toutes leurs diversités, reprennent le contrôle de leur destin et cessent de se laisser guider par ceux qui trahissent leur confiance.

Haïti n’est pas condamnée à ce cycle infernal. Il est possible de remettre la figure du berger à sa juste place, celle du gardien du bien commun, du leader intègre qui veille sur son peuple. Mais cela ne se fera pas sans un réveil collectif, une volonté commune de transformer les institutions et de bâtir un avenir où les loups seront tenus à distance. Ce jour viendra, mais seulement si chacun de nous, berger ou brebis, décide de ne plus accepter l’inacceptable.

Elensky Fragelus

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