Haïti à la croisée des chemins de sa transition : Voltaire et ses collègues sur le fil du rasoir

Haïti, encore une fois, traverse une phase critique où l’incertitude politique et l’instabilité règnent en maîtres. La récente révocation du Premier ministre Garry Conille par le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) dirigé par Leslie Voltaire a ajouté une nouvelle couche de complexité à une situation déjà fragile. Ce geste a suscité des vagues d’indignation au sein de la communauté internationale, allant jusqu’à provoquer une réaction cinglante du président français Emmanuel Macron, qualifiant les dirigeants du CPT de « cons ». Mais au-delà des querelles diplomatiques et des egos blessés, une question centrale demeure : où va Haïti ?

Une transition en panne

Depuis près de quatre ans, cette transition, censée remettre le pays sur les rails, n’a produit que des résultats mitigés. L’éviction de Conille, perçu comme un atout par certains poids lourds de l’international, notamment pour son alignement avec leurs intérêts, soulève des doutes sur la cohérence et la stratégie du CPT. Quelles motivations réelles se cachent derrière cette décision ? Était-elle dictée par un souci d’efficacité nationale ou par des calculs politiques internes ?

Le CPT, déjà affaibli par un manque de légitimité populaire, doit désormais prouver qu’il a la capacité, et surtout la volonté, de conduire le pays vers une gouvernance stable et crédible. Cette révocation n’est pas seulement un acte politique, mais un signal. La transition ne peut plus se permettre des divisions internes et des décisions unilatérales qui sapent davantage la confiance de la population et de ses partenaires.

Les défis colossaux de la transition

Au-delà des querelles institutionnelles, Haïti fait face à des défis titanesques. Les gangs armés contrôlent de vastes portions du territoire, paralysant l’économie et terrorisant la population. La question de leur neutralisation est un test crucial pour le CPT. Jusqu’à présent, aucune stratégie sérieuse et coordonnée ne semble émerger, laissant les citoyens dans un état de désespoir profond.

Quant aux élections, elles sont présentées comme la clé de la sortie de crise. Mais comment organiser des scrutins crédibles et sécurisés dans un pays où les institutions sont effondrées, où l’insécurité règne et où la méfiance envers les élites politiques est à son comble ? Voltaire et ses collègues doivent démontrer qu’ils ont non seulement un plan, mais aussi les moyens de le mettre en œuvre.

Le rôle de la communauté internationale

La réaction de Macron illustre bien un malaise plus large : Haïti reste, aux yeux de la communauté internationale, un terrain d’ingérence où les acteurs extérieurs s’arrogent le droit de décider de l’avenir du pays. Si l’on ne peut nier le rôle des partenaires internationaux dans la stabilisation économique et sécuritaire, leurs interventions maladroites ou intéressées exacerbent parfois les tensions internes. Le CPT doit apprendre à naviguer avec prudence dans ce jeu d’influences, tout en affirmant une vision véritablement haïtienne de la transition.

Le pays attend des résultats

Les Haïtiens sont épuisés par des années de crise. Ils n’attendent pas des discours ou des querelles de pouvoir, mais des actions concrètes. Rétablir un minimum de sécurité, redonner confiance aux institutions et créer les conditions pour des élections crédibles sont les attentes principales. Voltaire et son équipe doivent être conscients qu’ils n’ont plus le droit à l’erreur. Chaque décision, chaque initiative sera scrutée de près, tant par la population que par la communauté internationale.

Un tournant décisif

Haïti est à la croisée des chemins. Cette transition doit cesser d’être une fuite en avant interminable et devenir un véritable processus de refondation nationale. Leslie Voltaire et le CPT ont la lourde responsabilité de guider la barque à bon port, comme l’Histoire l’exige. S’ils échouent, ce ne sera pas seulement un revers politique, mais un nouveau coup dur pour un peuple qui mérite enfin de voir le bout du tunnel.

Haïti ne peut plus attendre. L’heure des choix et des actes est arrivée.

Elensky Fragelus

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