La décision de l’administration du président Donald Trump de bloquer le financement de la mission multinationale dirigée par le Kenya en Haïti a suscité un vif débat sur l’efficacité des opérations menées sur le terrain et les perspectives de stabilisation du pays. Cette décision, qui intervient alors que les gangs terroristes mettent la Police nationale à rude épreuve dans les hauteurs de Kenscoff et que l’instabilité demeure omniprésente en Haïti, relance la discussion sur la viabilité de l’intervention kényane ainsi que sur les alternatives envisageables pour sortir de la crise.
Le Dr Josué Renaud, directeur exécutif de la New England Human Rights Organization, s’est exprimé mardi à ce sujet dans une brève interview exclusive accordée à Rezo Nòdwès. Il déplore vivement la politique américaine qui, d’une part, bloque les fonds destinés à cette mission et, d’autre part, ne propose pas aux Haïtiens d’alternative claire pour lutter efficacement contre les gangs.
Cependant, a poursuivi Renaud, malgré les limites de l’opération kényane, qui depuis son arrivée en Haïti n’a récupéré aucun territoire contrôlé par les gangs, cette force pourrait être amenée à collaborer avec la Police nationale haïtienne dans la lutte contre ces groupes armés. « L’heure est venue pour les Haïtiens de prendre leur destin en main », a-t-il insisté, rappelant que « nous avons réalisé 1803 et 1804 sans l’aide d’aucune nation étrangère, alors même que nous avions prêté main-forte aux Américains à Savannah ».
L’approche de M. Renaud demeure toutefois nuancée. Selon lui, la présence kényane ne repose pas sur un engagement désintéressé. Il souligne que ces contingents étrangers ne sont pas des « amis » d’Haïti, mais plutôt des acteurs sous contrat, assimilables à des mercenaires, dont l’efficacité reste à démontrer.
Face aux coupes budgétaires imposées par les États-Unis, il propose une alternative audacieuse : la réaffectation des fonds initialement prévus pour les neuf membres du Conseil présidentiel de transition (CPT) en faveur des forces nationales haïtiennes, à savoir la Police nationale haïtienne (PNH) et les Forces armées d’Haïti (FAd’H). Selon lui, une telle réallocation permettrait de renforcer les institutions sécuritaires locales, offrant ainsi une réponse plus autonome et durable aux défis sécuritaires.
Un Contexte Institutionnel en Pleine Crise
Au-delà des enjeux financiers, le Dr Renaud dénonce une crise institutionnelle qui paralyse la gouvernance haïtienne et compromet toute issue politique crédible. Il s’insurge contre la gestion des finances publiques par le CPT, accusé de dilapider le budget national dans des initiatives inefficaces, notamment l’organisation d’un « référendum-bidon » inconstitutionnel. Selon lui, les priorités doivent être redéfinies : l’abolition du CPT, la mise en place d’une présidence intérimaire confiée à un membre de la Cour de cassation et l’organisation d’élections réellement démocratiques avant la fin de l’année.
Le diagnostic est sévère : le Conseil électoral provisoire (CEP), en proie à des accusations de népotisme et de corruption, ne semble pas en mesure d’organiser des élections crédibles. Selon Renaud, l’urgence est de restaurer la confiance dans les institutions haïtiennes en confiant temporairement le pouvoir à une autorité judiciaire impartiale, capable de conduire le pays vers une transition pacifique et légitime.
Des Solutions Possibles pour Haïti
Pour sortir Haïti de la spirale de la violence et de l’instabilité institutionnelle, plusieurs solutions peuvent être envisagées :
- Réorienter les financements internationaux : Plutôt que de s’appuyer sur une force étrangère dont l’efficacité demeure contestable, les fonds alloués par la communauté internationale devraient être investis directement dans l’équipement et la formation des forces de sécurité nationales.
- Renforcer les institutions judiciaires : La nomination d’un juge de la Cour de cassation à la tête de l’exécutif de transition garantirait l’impartialité nécessaire à l’organisation d’élections crédibles et au rétablissement d’un début de stabilité.
- Mettre en place un véritable programme de désarmement : Une réponse purement militaire serait insuffisante sans une approche en profondeur du problème de la criminalité. L’État haïtien doit regagner le contrôle des territoires occupés par les gangs en combinant répression ciblée et programmes de réinsertion sociale.
- Réformer le système électoral : Afin d’assurer la transparence et la crédibilité du processus électoral, il est impératif de révoquer les membres du CEP acquis à la cause du CPT et de renforcer la supervision du scrutin pour éviter toute manipulation ou détournement du processus démocratique.
Vers une Stabilité Durable ?
La crise haïtienne dépasse largement la simple question du financement des missions internationales, financées en grande partie par les États-Unis sous l’égide de l’ONU, souligne le leader de NEHRO. Il insiste sur le fait que seule une réforme structurelle combinant engagement national, lutte contre la corruption et fin de l’impunité pourra espérer jeter les bases d’une véritable stabilisation en Haïti.
En définitive, la solution ne réside pas uniquement dans le maintien ou non d’une force multinationale, mais dans une reprise en main du destin haïtien par ses propres institutions, en garantissant à la fois l’indépendance sécuritaire et la souveraineté politique du pays.
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