par Arnold Antonin :
Rosny Smarth est décédé à Port-au-Prince. Il était l’un des signataires du « Manifeste pour l’environnement et le bien commun » du 17 septembre 2024.
Je voudrais partager avec vous quelques passages de ce document qui expriment, à mon sens, la pensée et les sentiments de Rosny au bout de sa vie :
« Obnubilés par les combats mesquins autour de petits intérêts, nous semblons oublier l’essentiel et le fondamental : l’espace haïtien, la nature sous tous ses aspects, qui sont vitaux pour nos enfants et nos petits-enfants et définissent au bout du compte le sens et la dignité même de nos propres existences….
« Il y a une décomposition du lien social et nos modes classiques de pensée sont dans l’impasse, à moins qu’ils ne nous mènent droit dans le précipice. Nous sommes devenus un pays où la majorité déclassée de ce qui reste de la nation vit dans la marginalité des ghettos urbains après la ruine de notre paysannerie, contrainte de fuir les campagnes vers des structures soi-disant urbaines pourtant totalement disloquées. Au sein de cette précarisation générale, nous vivons dans l’impuissance et la peur qui alimentent les pires scénarii….
« Les lieux classiques de l’engagement sont en grande difficulté à la base comme au sommet, dans l’ordre intellectuel comme dans l’ordre politique. Le délitement de la sphère politique depuis plusieurs décennies, et jusqu’à récemment durant le règne de Jovenel Moise et après son assassinat jusqu’à la création du Conseil Présidentiel, sont là pour le prouver ».
« Prenant acte des défaillances de l’Etat, des décideurs politiques et des leaders économiques, constatant avec désolation la corruption des esprits par les egos et les égoïsmes, nous appelons à un engagement constructif, pacifique et démocratique… Cet engagement peut structurer la vie collective et sociale, guider vers des résultats concrets pour l’ensemble de la population, et élever la liberté des individus à devenir les véritables acteurs de leur propre vie. Nous invitons à transformer la révolte qui gronde en énergie et action collective pour le bien commun fondamental « .
« Nous sommes conscients, comme beaucoup d’autres, que les valeurs supérieures n’existent pratiquement plus. Le progrès, la raison, le fameux sens de l’Histoire ont disparu des certitudes et des causes à défendre. Malgré tout, il nous incombe de commencer à construire même sur les décombres « . ……
« Tout n’est pas décomposition ni vide social dans les phénomènes que vit Haïti….
Nous devons orchestrer un chœur qui crie dans le sens du cri de Voltaire ou de Munch et agir tant qu’il est encore temps pour sauver la vie sur notre bout d’ile. Les formes de l’action sont multiples et variables. Ensemble nous les définirons, les programmerons et les mettrons en œuvre. »
Je partage la douleur de ses proches, en particulier de William Smarth avec qui je termine un travail sur l’engagement et le sacerdoce, de Luc Smarth et Jean-Robert Simon, mes condisciples de classe avec qui je n’ai jamais perdu le contact.
Rosny m’avait offert une plantule d’avocatier. Elle est devenue un bel arbre. Dans la famille nous le garderons comme un symbole vivant de notre amitié. Il nous rappellera l’humour de Rosny, sa capacite d’autodérision et ses célèbres réparties qui n’arrêtaient pas de surprendre et d’embarrasser plus d’un (e).
Arnold Antonin
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