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Innover ou imiter : Comment Haïti peut-elle emprunter la trajectoire du développement ?

today2024-08-03 2

Innover ou imiter : Comment Haïti peut-elle emprunter la trajectoire du développement ?
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« Si j’ai vu plus loin, c’est en me tenant sur les épaules des géants » – Isaac Newton

Les exploits technologiques de l’ère moderne s’appuient sur les découvertes et les connaissances développées depuis l’antiquité par des pionniers, notamment les scientifiques dédiés aux domaines des mathématiques, l’astronomie, la physique et la médecine. Les inventions successives des siècles de lumière jusqu’au nouveau millénaire sont greffées sur les travaux antérieurs des figures emblématiques de la philosophie et de la science tels que Pythagore, Aristote, Archimède, Descartes, Edison, Einstein, Maxwell, etc. Pour créer de nouvelles idées et apporter des contributions significatives dans le progrès et le développement des sociétés, il n’est donc pas nécessaire de réinventer la roue ou d’innover. À défaut de pouvoir innover, les économies émergentes imitent les méthodes qui ont déjà réussi, particulièrement au sein des économies industrialisées. 

Les processus d’innovation aussi bien que les stratégies d’imitation sont deux types de mécanismes soutenus par la recherche scientifique, susceptibles de propulser le progrès économique par la création de nouveaux produits (Wierzbicki & Nowodziński, 2019 ; Aghion et al., 2001). C’est par leurs capacités d’innover ou d’imiter les technologies existantes que les économies modernes et émergentes assurent leur compétitivité sinon leur survie dans l’arène économique mondiale (Aghion et al., 2001). Contrairement aux modèles d’imitation, les modèles d’innovation, reposant sur des approches plus sophistiquées, ne sont pas légions. Tout en reconnaissant le cachet déclencheur des innovations de rupture pour soutenir de nouvelles tangentes dans la trajectoire de la création de richesse, la réplication de modèles existants détient une importance cruciale dans la performance économique des sociétés. 

Plusieurs études soulignent la portée des innovations de rupture dans le succès spectaculaire des entreprises de haute technologie telles que Google, Apple, Microsoft (Henton & Held, 2013). Cette dynamique nourrissant le processus de la destruction créatrice attribuée à l’économiste Autrichien Joseph Schumpeter est essentiel pour l’évolution économique. Elle s’explique par une mutation des anciennes inventions vers les nouvelles. Quoiqu’elle soit accompagnée de perturbation, la destruction créatrice favorise les progrès économiques. En effet, l’innovation et les avancées technologiques provoquent la disparition de certaines industries et emplois tout en créant de nouvelles opportunités économiques. 

La dominance de l’imitation

La capacité d’innovation ou d’imitation des entreprises est indéniablement une force motrice axiale au développement des économies modernes. L’innovation demeure une référence dans l’économie moderne ; par contre, elle n’est pas un facteur dominant du succès sur le marché. Il convient de dissiper toute connotation péjorative associée à cette imitation dont il est question. L’imitation se traduit par l’utilisation intelligente de ce qui a déjà été inventé ou conçu en vue d’atteindre une nouvelle valeur sur le marché. De nombreuses entreprises qui ont généré des résultats financiers alléchants n’ont pas construit leur réputation et leur compétitivité sur la base de l’innovation (Bhidé, 2009). D’ailleurs, au niveau mondial, ce sont de rares pays à l’instar des États-Unis, du Japon, de l’Allemagne et de la France qui sont actifs dans l’adoption des techniques d’innovation. 

Sans nécessairement adopter des pratiques illégales, le reste du monde prend surtout l’option de copier les inventions pour les adapter à leurs contextes de production. Ainsi, plusieurs sociétés ont emprunté le sentier de l’émergence économique jusqu’à développer des potentiels pour converger vers une certaine frontière technologique. À ce stade, des approches d’imitation créatrice ou simplement d’innovation peuvent se révéler indispensables afin de continuer d’assurer une croissance soutenable. 

L’imitation se dresserait alors comme une étape cruciale pour un startup avant qu’il puisse se tailler une place compétitive sur le marché. Des études illustrent que de nouveaux leaders de l’innovation, tels que le Japon, la Corée du Sud et le Taïwan, se sont principalement concentrés sur l’imitation industrielle durant les années d’après-guerre. L’illustre professeur d’Économie à la Harvard, Philippe Aghion, souligne qu’un peu d’imitation est presque toujours bénéfique pour la croissance, car elle contribue à une meilleure concurrence entre les entreprises aux caractéristiques similaires. 

Étant donné le postulat de la maximisation du profit, le choix d’une firme d’imiter ou d’innover dépend de sa position sur la frontière technologique. Les firmes proches de la frontière technologique auraient intérêt à innover alors que celles qui s’en éloignent détiennent plus d’avantage à imiter (König et al., 2016 ; Aghion et al., 2001). 

Des imitations innovatrices 

Aujourd’hui, il existe des entreprises à l’instar de celles engagées dans les innovations frugales, qui ont ravi d’importantes parts de marché rien qu’en commençant par combiner les techniques existantes de manière plus intelligente. Cette observation est dominante dans le secteur de l’outsourcing où des pays y raflent des fortunes et contribuent à sortir de nombreux professionnels dans le chômage. Évidemment, les entreprises imitatrices sont souvent contraintes plus tard d’y apporter des pointes d’innovation afin de marquer des points d’inflexion vers l’amélioration de leurs produits. 

L’histoire regorge de bien de compagnies qui ont capitalisé sur des outils et des mécanismes existants afin d’offrir aux consommateurs des produits plus attrayants. Par exemple, Diners Club International est l’institution financière pionnière dans la facilitation du paiement par carte. Cette institution n’engrange aujourd’hui qu’une partie marginale des revenus générés par cette forme de transaction financière. Il se trouve qu’en des imitations successives qui ont intégré quelques inputs technologiques additionnels, d’autres corporations multinationales de services financiers soient devenues plus compétitives. Aujourd’hui, le système de transaction de paiement par carte est notamment dominé par la Visa et la MasterCard qui sans conteste gâte le marché avec des produits de plus en plus innovants. 

Dans le même ordre d’idées, la Chine a ravi d’importantes parts de marché aux USA à travers des stratégies d’imitation efficaces résultant en des fabrications à des coûts moins élevés. La Chine a constitué le meilleur archétype de ces économies d’imitation qui ont énormément profité des investissements étrangers en adoptant des méthodes réussies aux économies industrialisées. En important des matières premières qu’elle transforme puis réexporte, la Chine était cataloguée à juste titre d’atelier du monde. Cependant, une croissance de long terme basée sur une stratégie d’imitation est insoutenable. Ainsi, la stratégie de rajeunissement de la Chine par l’innovation en science et technologie a été la principale force motrice de son récent développement économique et social (Dobson & Safarian, 2008).

Même les champions de l’innovation, surtout dans le contexte d’une technologie cumulative, ne font que s’appuyer sur les découvertes des pionniers de l’arène scientifique (Mukoyama, 2003). L’imitation n’est pas seulement une stratégie couramment utilisée pour créer de la compétitivité, mais elle est également à la base de nombreuses réussites d’entreprises (Wierzbicki & Nowodziński, 2019). Par exemple, la haute performance de la Toyota dans l’industrie automobile résulte d’imitation de plusieurs pratiques de la Ford mais aussi combinée avec des approches manufacturières plus efficientes (Haak, 2006). 

Avant la Microsoft, il existait IBM, HP et bien d’autres fournisseurs de produits de l’informatique sur lesquelles les nouveaux maîtres de l’intelligence artificielle se sont appuyés en vue de mieux cerner les interconnexions des ondes électromagnétiques et scalaires. Ces processus d’imitation débouchant sur de meilleurs produits servent aussi à nous rappeler que la capacité à bien répliquer des modèles pour investiguer des questions de recherche est un processus scientifique valide. Par exemple, les avancées modernes dans la biotechnologie, l’intelligence Artificielle, les énergies renouvelables et l’exploration spatiale sont tributaires des réalisations antérieures. « We stand on shoulders of giants ». 

Leadership et capital humain, les principaux vecteurs

La recherche empirique considère également le rôle des institutions de recherche, en particulier des universités, dans la production des innovations par les entreprises (Cappelli et al., 2014). Soulignons toutefois, qu’un excellent programme académique est nécessaire mais pas suffisant pour faire d’une université un foyer d’entrepreneuriat susceptible d’enclencher le développement économique. Contrairement à la Californie par exemple, c’est à travers un leadership pragmatique et une stratégie ciblée vers le développement de compétences entrepreneuriales que la Stanford a joué un rôle crucial dans le développement de la Silicon Valley (Adams, 2005).

Qu’une société soit entichée à expérimenter l’émergence économique en pratiquant soit des stratégies d’imitation ou d’innovation, elle ne peut capitaliser que sur des ressources humaines compétentes et une bonne gouvernance. Celles-ci représentent les éléments moteurs pour alimenter qualitativement les institutions qui doivent affronter les défis imposés par l’ère technologique, marquée par la destruction créatrice préconisée par le célèbre économiste Joseph Schumpeter. 

Les ressources humaines hautement qualifiées jouent un rôle décisif dans la création et la diffusion du savoir. Elles représentent le lien vital entre le progrès technologique et la croissance économique, ainsi qu’entre le développement de la société et la préservation de l’environnement (OCDE, 2002). Pour faire face aux changements rapides et aux nouveaux défis posés par la science et la technologie, les nations devront s’appuyer sur un capital humain qualifié. Les sociétés industrielles comprennent bien cette précondition vers la prospérité partagée. Ainsi, dans une exploitation subtile, à défaut de préparer des ressources humaines dans les secteurs porteurs, elles les ravissent des pays du Sud via des politiques dites de migration sélective.  

Les stratégies d’imitation dans les pays hautement développés se dressent comme une étape naturelle dans le développement des technologies et des produits, ainsi que dans une gestion stratégique efficace. Sur plusieurs angles, particulièrement géographique et démographique, le Rwanda ressemble amplement à Haïti. Cependant, sur le plan du développement, les deux pays se séparent aujourd’hui par des années-lumière. Le Rwanda a entrepris d’avancer vers une noble vision à l’horizon 2020 qui reposait sur six piliers et trois domaines transversaux : « une bonne gouvernance et un État capable, le développement des ressources humaines et une économie fondée sur la connaissance, une économie dirigée par le secteur privé, le développement des infrastructures, une agriculture productive et orientée vers le marché, et l’intégration économique régionale et internationale (Rwigema, 2022) ».

L’atteinte de tels objectifs poursuivis par le Rwanda avait requis la réplication de méthodes déjà réussies à des sociétés avancées. L’expérience du Rwanda, sous la direction de Paul Kagame, démontre que la corrélation entre le leadership et la gouvernance, repose sur le fait qu’un leadership efficace crée une base solide pour une bonne gouvernance (Rwigema, 2022). Parallèlement, n’est-ce pas qu’Haïti s’est fourvoyée en permanence dans une sous-représentation politique émanée d’une absence de leadership qui se solde en des crises multisectorielles ? Les sources de la démarcation entre la prospérité des deux sociétés sont évidentes.

En tout cas, en réunissant un minimum d’expertise et de préconditions sociopolitiques, la carte de l’imitation n’est pas difficile à sortir pour emprunter le sentier de l’émergence économique. Cependant, que le choix de développement porte sur l’innovation ou l’imitation, tant que l’impunité ne soit pas évincée pour dissuader les délits et donc casser les rythmes de la corruption, il n’y a pas moyen pour une société de cesser de croupir dans les inégalités et le sous-développement. 

Au préalable, Haïti a besoin d’assainir la sphère politique en y plébiscitant des personnalités dignes et intègres, en mesure de faire respecter les institutions.

Carly Dollin

carlydollin@gmail.com

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Références 

  1. Adams, S. B. (2005). Stanford and Silicon Valley: Lessons on becoming a high-tech region. California management review, 48(1), 29-51.
  2. Aghion, P., Akcigit, U., Bergeaud, A., Blundell, R., & Hémous, D. (2019). Innovation and top income inequality. The Review of Economic Studies, 86(1), 1-45.
  3. Aghion, P., Harris, C., Howitt, P., & Vickers, J. (2001). Competition, imitation and growth with step-by-step innovation. The Review of Economic Studies, 68(3), 467-492.
  4. Bhidé, A. (2009). The venturesome economy: How innovation sustains prosperity in a more connected world. Journal of Applied Corporate Finance, 21(1), 8-23.
  5. Cappelli, R., Czarnitzki, D., & Kraft, K. (2014). Sources of spillovers for imitation and innovation. Research Policy, 43(1), 115-120.
  6. Dobson, W., & Safarian, A. E. (2008). The transition from imitation to innovation: An enquiry into China’s evolving institutions and firm capabilities. Journal of asian Economics, 19(4), 301-311.
  7. Haak, R. (2006). Implementing process innovation—the case of the Toyota production system. In Management of Technology and Innovation in Japan (pp. 185-203). Berlin, Heidelberg: Springer Berlin Heidelberg.
  8. Henton, D., & Held, K. (2013). The dynamics of Silicon Valley: Creative destruction and the evolution of the innovation habitat. Social science information, 52(4), 539-557.
  9. König, M. D., Lorenz, J., & Zilibotti, F. (2016). Innovation vs. imitation and the evolution of productivity distributions. Theoretical Economics, 11(3), 1053-1102.
  10. Mukoyama, T. (2003). Innovation, imitation, and growth with cumulative technology. Journal of Monetary Economics, 50(2), 361-380.
  11. OCDE (2002). Manuel sur la mesure des ressources humaines consacrées à la science et à la technologie, Manuel de Canberra, Série “ Mesure des activités scientifiques et techniques ”, Paris.
  12. Rwigema, P. C. (2022). Leadership and governance for economic development. Case of Rwanda. The Strategic Journals of Business & Change Management, 9(2), 1177-1192.
  13. Wierzbicki, M., & Nowodziński, P. (2019). Imitation and innovation in business environment. Production Engineering Archives, 22(22), 36-40.

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Écrit par: Viewcom04

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